RÉPLIQUE

Les aînés sont libres, n’en déplaise à l’ex-ministre Hébert !

L’opinion du Dr Réjean Hébert « Les vieux se cachent pour mourir », publiée hier matin dans La Presse+, nous a littéralement indignés.

D’abord, bien sûr, parce que les propriétaires et gestionnaires que représente le Regroupement québécois des résidences pour aînés y sont visés. Mais aussi et surtout parce que sa lettre est infantilisante, voire méprisante à l’égard des centaines de milliers d’aînés québécois qui ont LIBREMENT CHOISI de vivre soit en copropriété, soit dans les 1858 (et non 1300) résidences privées que compte le Québec. Reflétant un âgisme surprenant et truffés de faussetés, de tels propos de la part du Dr Hébert déçoivent grandement. C’est à croire qu’il considère inaptes tous les aînés du Québec !

Il est difficile de concevoir, en effet, que cette opinion puisse être émise par un gériatre, tant elle témoigne d’une méconnaissance de la réalité du vieillissement.

Loin de « troquer leur patrimoine » à l’incitation de propriétaires de résidences cupides, ce sont les aînés eux-mêmes qui prennent un jour la décision d’en disposer de façon à se libérer des contraintes d’intendance de leur propriété et des corvées fastidieuses dont ils s’acquittent depuis le début de l’âge adulte.

Ils en sont à cette étape de leur vie où ils aspirent plus que tout à se délester de ce qui alourdit leur quotidien pour se ménager, oui, plus de temps pour eux, leurs enfants, leurs petits-enfants, leurs proches, leurs loisirs, pour faire enfin ce dont ils ont toujours rêvé. Qui peut donc choisir à leur place, vous ? Et de quel droit ?

Car c’est bien de droit qu’il s’agit, le droit le plus strict qu’ont ces personnes âgées de décider pour elles-mêmes, de façon éclairée, du milieu de vie qui leur convient. Non seulement elles ne se cachent pas pour mourir, mais elles font au contraire ce choix pour mieux vivre ! Elles n’abdiquent aucun de leurs droits et ne renoncent à aucun lien familial ou social.

Les résidences pour aînés ne sont pas un ghetto et encore moins un goulag ou une prison. Il est faux d’affirmer que « les contacts avec la famille et les petits-enfants sont réglementés ou confinés dans des espaces réservés », sauf s’il s’agit d’assurer la quiétude des autres résidants, ou pire, que les petits-enfants ne peuvent y séjourner plus de quelques heures. Plusieurs d’entre elles prennent, au contraire, « un coup de jeune » après avoir emménagé en résidence, où elles forgent des liens et trouvent une vie sociale riche et stimulante alors qu’elles étaient souvent seules et isolées auparavant.

Ce n’est pas par hasard que les résultats d’un sondage que nous avons effectué ont révélé un taux de satisfaction des résidants de 95 %. Et lorsqu’ils ont besoin de services de soutien à l’autonomie à domicile, ils les reçoivent puisqu’ils sont, après tout, dans leur domicile !

Mais le comble de la malhonnêteté intellectuelle de la part de l’ancien ministre de la Santé et des Services sociaux est sa référence à de nombreuses situations « d’expulsion en cas de perte d’autonomie significative ou de troubles cognitifs dérangeants ». Pour avoir lui-même fait adopter le règlement actuel sur la certification des résidences privées pour aînés, le Dr Hébert sait très bien que les exploitants de résidences pour aînés n’ont pas le droit de permettre à des personnes dont la santé se détériore de demeurer dans leur résidence et sont tenus d’en informer le réseau de la santé, sans quoi ils risquent de perdre leur certificat de conformité. Et ils ne sont pas expulsés, mais bien relocalisés par les intervenants du réseau. On s’attendrait d’un ancien ministre de la Santé à ce qu’il éclaire la population plutôt que de recourir à des arguments fallacieux pour justifier sa thèse.

Lorsque, justement, vous étiez ministre, plus d’un propriétaire vous a invité à venir visiter sa résidence et à constater par vous-même à quel point les aînés y sont bien. Vous avez toujours décliné leurs invitations.

Les portes de plusieurs centaines d’entre elles seront ouvertes, le dimanche 24 avril prochain : nous réitérons donc notre invitation et vous y attendons, M. Hébert. Vous pourrez ainsi prendre la vraie mesure de la réalité que vous avez bien maladroitement évoquée dans votre lettre. M. Hébert, c’est vous qui devriez vous cacher pour avoir tenu de tels propos.

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