FLEUR BLEUE

Quand Susan Sarandon donnait la réplique à Steve Fiset

Avant la célébrité, avant d’incarner Janet Weiss dans The Rocky Horror Picture Show et l’inoubliable Louise Sawyer de Thelma & Louise, Susan Sarandon a tourné dans un film québécois à forte odeur nationaliste et où elle était la copine de… Steve Fiset.

Bilingue, le film Fleur bleue (The Apprentice en anglais) de Larry Kent est présenté mercredi dans le cadre du festival Fantasia, qui l’a inscrit dans sa section Genre du pays, consacrée à des œuvres québécoises rares, vintage et oubliées.

Fleur bleue est un film d’action politico-romantico-érotique dans lequel Steve Fiset – mort il y a quelques mois – incarne Jean-Pierre, un jeune homme qui, viré de son travail, est entraîné par son ami Dock (Jean-Pierre Cartier) dans un vol de banque. En parallèle, il cherche sa voie amoureuse entre sa petite amie Michelle (Céline Bernier) et une jeune Américaine, Elizabeth (Sarandon), avec qui il a une aventure.

Certains verront dans cette double vie une métaphore de l’ambivalence des Québécois par rapport à leur avenir politique au début des années 70. Justement, le film illustre à sa façon les tensions existantes à l’époque entre les communautés francophone et anglophone de la métropole. Et ce, sans compter qu’il a été tourné dans une période sulfureuse. M. Kent en a fait la postproduction durant la crise d’Octobre !

« Je désirais montrer un Montréal que je connaissais bien, mais jamais vu au grand écran, indique un Larry Kent toujours alerte à l’aube de ses 80 ans. C’était une ville bilingue linguistiquement divisée et dans laquelle, dans mon esprit, les anglophones étaient très arrogants. »

Quant à l’idée de camper une partie de l’histoire dans le monde interlope, elle est facile à défendre. « Quelle était la capitale des vols de banque en Amérique du Nord à l’époque ? demande M. Kent, sourire aux lèvres. Montréal, bien sûr ! »

Né en Afrique du Sud, le réalisateur avait signé quelques œuvres à Vancouver avant de s’installer à Montréal. Au moment de choisir les acteurs de Fleur bleue, ses producteurs lui avaient chaudement recommandé Steve Fiset.

« Il a été fantastique, comme tous les autres membres de la distribution. »

— Larry Kent, réalisateur de Fleur bleue, à propos de Steve Fiset

Quant à Susan Sarandon, elle avait tourné dans un seul autre film, Joe de John G. Avildsen (le réalisateur de Rocky), qui avait connu un grand succès avec des recettes de 19 millions de dollars pour un budget de 106 000 $ !

« Nous l’avions vue dans Joe. Elle était très bonne. Nous avons essayé de l’embaucher et ça a marché, se réjouit M. Kent. Elle vivait à New York et ne pouvait venir que les fins de semaine. Ça nous a fait des horaires chargés. Mais elle a été formidable. »

SOUVENIRS D’ACTRICE

Céline Bernier, interprète de Michelle, n’entretient pas autant de bons souvenirs. Certes, elle reconnaît que le sujet de l’œuvre constituait un instantané juste de la situation des jeunes Québécois, mais considérait que, sur le plateau, la direction d’acteur était déficiente.

« À l’époque, j’étais séparatiste et je trouvais le rôle parfait pour moi, dit la comédienne au franc-parler qui a joué tant à la télévision (Avec un grand A, Annie et ses hommes, Mauvais karma) qu’au grand écran (Red, Le temps perdu). Par contre, c’était le free for all sur le plateau. C’était un peu comme un happening. Larry ne dirigeait pas vraiment, comme Gilles Carle le faisait. Mais j’imagine que ça répondait aux valeurs de plusieurs jeunes à l’époque. »

Et Sarandon ? « J’ai le souvenir qu’elle n’était pas très sympathique, mais c’est peut-être parce qu’elle ne parlait pas le français. Nous, les autres comédiens, formions une gang assez spéciale. »

Mme Sarandon n’avait jamais vu le film avant le début des années 2000, soutient Larry Kent. « À l’occasion d’une rétrospective de mes films à Montréal, Toronto et Vancouver, Susan, de passage à Toronto, a vu une affiche de Fleur bleue et a fait des démarches pour en recevoir une copie. Je lui en ai fait parvenir une et elle m’a écrit en me disant beaucoup de bons mots. »

La distribution comptait aussi quelques autres comédiens connus dont Carole Laure, Paul Berval et Nana de Varennes. Jean-Claude Labrecque était à la direction photo. « Dans mon souvenir, c’est surtout lui qui dirigeait le plateau », lance Céline Bernier.

La projection du long métrage sera précédée par celle d’un court métrage de Claude Fournier, On sait où entrer, Tony, mais c’est les notes ! mettant en vedette le regretté Tony Roman.

Les réalisateurs Larry Kent et Claude Fournier seront présents à la projection le 27 juillet, à 18 h 30, à la Cinémathèque québécoise.

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