À ma manière

Aider enfants et parents, obstinément

L’aventure : lancer un portail d’aide aux parents d’enfants en difficulté d’apprentissage. La manière : l’empathie d’abord, les profits ensuite.

« Ma plus grande force personnelle, c’est l’empathie », lance Carlo Coccaro.

Ce n’est pas la qualité fondamentale qu’on attribue d’emblée à un entrepreneur.

« C’est avec l’empathie qu’on peut mieux comprendre la réalité des gens », explique le président de la petite firme Math et Mots Monde, qui se voue à l’aide aux enfants en difficulté d’apprentissage.

En mars dernier, son entreprise a lancé le site aidersonenfant.com, sans doute le premier portail internet francophone qui se consacre exclusivement au soutien des parents d’écoliers.

Son contenu ? « On va changer la façon de faire un peu : on va tout donner aux parents ! », s’est-il dit.

Il est vrai que ce n’était pas tout à fait son intention initiale.

Mais dès la fondation de son entreprise, son objectif était d’apporter de l’aide.

Tirer les bonnes leçons

Il y a une douzaine d’années, avec sa conjointe enseignante Isabelle, Carlo Coccaro a créé « l’ancêtre de Math et Mots Monde », pour offrir du soutien scolaire à domicile. L’effet des interventions ne s’est cependant pas montré à la hauteur de leurs aspirations.

« On s’est rendu compte que même avec des gens ultra-qualifiés et les meilleures intentions, il était difficile de faire une réelle différence en faisant du tutorat ou de l’aide aux devoirs. Parce que les causes sont ailleurs. »

Il efface tout et réécrit sa copie. En 2008, il réoriente sa mission vers l’orthopédagogie et l’aide aux élèves ayant des troubles d’apprentissage.

« Un service plus difficile à offrir, mais beaucoup plus gratifiant, qui a beaucoup plus d’impacts durables », commente-t-il.

Fondée en 2010, Math et Mots Monde obtient les droits de distribution en pays francophones pour six outils technologiques d’aide à la lecture, à l’écriture, à l’orthographe, aux mathématiques.

L’entreprise ne crée pas les logiciels, mais contribue à leur évolution et à leur mise en valeur. « Une fois que l’outil est conçu, notre force est d’être empathique », décrit l’entrepreneur, volubile, éloquent et enthousiaste. Il y a du pédagogue dans ce diplômé en administration.

Aider aussi les parents

Lui-même père de trois jeunes enfants, Carlo Coccaro prend rapidement conscience que pour mieux aider les enfants en difficulté d’apprentissage, il fallait aussi soutenir leurs parents.

« On s’est rendu compte que personne n’avait le mandat d’aider les parents. Ils se sentent souvent seuls, démunis, en manque d’information et de ressources. »

— Carlo Coccaro

Il décide de créer un programme de formation qui leur serait destiné.

Avec des chercheurs, des spécialistes et des intervenants, il assemble un cursus de vidéos en différé et en direct, des fiches d’information, des webinaires…

« On avait un super bon produit. Mais autour, avec le modèle d’affaires, les prix, les disponibilités des parents, ça ne fonctionnait pas. Ça donnait une auto à 4 millions. Personne n’aurait acheté ça. »

Au début de 2015, encore une fois, il passe la brosse sur le tableau.

Une mine de renseignements

L’entreprise a tout de même entre les mains une mine d’information utile aux parents.

« Qu’est-ce qu’on fait avec ça ? On attend une idée magique ? On vend des livres ? Mais nous, ce qu’on veut faire, c’est aider les gens. »

Il décide de créer une communauté de parents et de déposer en ligne tout ce matériel. « On va le donner et on bâtira un modèle d’affaires autour qui va fonctionner. »

Bref, on plonge et on trouvera bien le moyen de nager.

Difficile apprentissage

Ce sera un jeu d’enfant, pense-t-il.

« Je suis toujours comme ça, au début : ça va être facile, ça va être simple ! »

Il veut tout faire à l’interne, « autant le contenu que le contenant ». 

L’entreprise compte six employés à temps plein au Québec, un autre pour la distribution en Europe, une dizaine de partenaires à temps partiel, plus une trentaine de collaborateurs au contenu.

« Là, on se rend compte que mettre en ligne, ce n’est pas si simple. Il faut adapter le contenu. »

Pas de problème, se dit-il : « On va l’adapter ! »

Mais pour bien faire les choses, il doit y consacrer du temps, de l’argent, des ressources – davantage que prévu.

Il s’agit ensuite de maîtriser le b.a.-ba de la mise en ligne. « On va investir quelques milliers de dollars pour faire un site. » En trois mois et autant de coups de cuillères à pot, la plateforme sera en place, croit-il. Erreur.

« Ça a pris littéralement quatre ou cinq fois plus de temps. »

Et les revenus ?

Et restait toujours la question du modèle d’affaires.

« On ne voulait pas faire les choses de la vieille façon sur le web : publier, mettre de la pub, puis publier, publier, publier… »

« Nous, on veut aider les parents et les enfants. Il fallait le faire d’une façon où la qualité ne serait jamais atteinte par le modèle d’affaires. »

— Carlo Coccaro

Plutôt que diffuser de la publicité, l’entreprise établit des partenariats d’affichage et de création de contenu avec divers organismes comme la Fédération des commissions scolaires, le Carrefour éducation, le Groupe Média TFO…

Le site est lancé en mars 2016.

Il a reçu depuis 255 000 visiteurs, dont plusieurs de la France. En 2017, Carlo Coccaro mise sur la croissance et prévoit doubler le nombre de ses employés.

« Notre potentiel est très grand, mais en même temps, on ne se fera pas acheter demain par Google, assure-t-il. Et ce n’est pas le but non plus. Notre but est d’aider les gens, et de le faire toujours mieux. »

Bien dormir

Math et Mots Monde offre encore des services d’orthopédagogie – un service qui apporte bien peu d’eau au moulin financier de l’entreprise, pourtant. Dans les bureaux de l’entreprise, à Laval, une petite salle est aménagée avec des jeux et un ancien pupitre de bois, pour les rencontres de l’orthopédagogue avec ses petits clients.

« Je garde ce service parce que Roxane, notre orthopédagogue, nous amène de la valeur supplémentaire pour l’aide aux enfants et pour ce qu’on fait ailleurs chez Math et Mots. Et en même temps, il est très touchant de voir des enfants dans le corridor, qui arrivent et repartent avec leurs parents. »

L’entreprise a calculé qu’avec ses outils et logiciels, elle a touché plus de 765 000 enfants depuis ses débuts.

« Ce sentiment d’avoir eu un petit ou un grand impact, il n’y a pas grand-chose de plus gratifiant. Avec ça et les enfants qu’on voit ici, on dort bien la nuit. »

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