Loi sur la transparence

Des hauts fonctionnaires logés aux frais de l’État

QUÉBEC — Ils sont plus de 350. Ils forment une caste serrée, liée par le revenu, les avantages, les primes et le régime de retraite. Le salaire et les conditions de travail de la haute fonction publique ont été rendus publics hier, à la suite de l’adoption de la loi sur la transparence gouvernementale. Seize mandarins gagnent plus que 250 000 $ par année, et près de 40 autres dépassent les 200 000 $.

Mais ce qui frappe dans la liste des salaires des administrateurs d’État dévoilée par le Conseil exécutif, c’est le nombre de ceux qui bénéficient d’une allocation pour « frais de séjour », une somme forfaitaire de 1225 $ par mois non imposable, parce qu’ils n’habitent pas dans la ville où ils travaillent.

Pas moins de 48 administrateurs d’État bénéficient de cette prime qui atteint près de 15 000 $ par année. Chez le personnel politique, depuis longtemps l’attribution d’un « port d’attache » différent du lieu de résidence avait été une façon d’augmenter artificiellement les salaires. Le stratagème s’étend maintenant à la haute fonction publique. Dans le passé, une telle allocation était prévue pour la première année, le temps que le titulaire déménage dans la ville où son poste se trouvait.

En outre, le passage dans un cabinet politique semble être un atout pour entrer au Saint des Saints. Pas moins de 54 hauts fonctionnaires ont travaillé dans des cabinets politiques. La grande majorité vient du sérail libéral, mais on retrouve quelques péquistes.

Quand vient l’heure de la retraite, c’est le pactole. Les administrateurs d’État ont droit jusqu’à 80 % de leur salaire, sur leurs trois meilleures années.

LE PELOTON DE TÊTE

Sans surprise, le record quant au salaire appartient à Michael Sabia, patron de la Caisse de dépôt et placement. À ses 500 000 $ de salaire annuel, on ajoute une allocation annuelle de 40 000 $. Thierry Vandal, ex-patron d’Hydro-Québec, n’arrivait pas loin derrière avec 483 000 $. Le patron de l’Autorité des marchés financiers, Louis Morisset, suit avec 414 000 $. À Investissement Québec, le nouveau président, Pierre Gabriel Côté, gagne 380 000 $. On lui donne aussi 19 000 $ chaque année pour son auto.

NUMÉRO UN

Le Québec n’est pas chiche avec ses anciens « secrétaires généraux », les patrons de l’ensemble de la fonction publique sous les différents régimes. Jean St-Gelais, le mandarin numéro un sous Pauline Marois, gagnait 318 000 $ avant de prendre sa retraite ce printemps. Il avait droit aussi à une allocation pour sa voiture de 610 $ par mois et à des frais de représentation de 4800 $ par année. 

Son successeur libéral, Juan Roberto Iglesias, gagne 310 000 $ ; pour vivre à Québec, on lui donne 1225 $ non imposables par mois, et 4800 $ par année en frais de représentation. Gérard Bibeau, secrétaire général sous Jean Charest, gagne 373 000 $ plus 16 400 $ par année pour son logement à Montréal, même s’il est depuis plus de cinq ans à la tête de Loto-Québec. Ancien secrétaire général aussi, Gilles Paquin, devenu patron de Revenu Québec, gagne 275 000 $.

ÉCARTS IMPORTANTS

Certains salaires sont aussi surprenants qu’imposants : le chef d’orchestre de la construction des hôpitaux universitaires de Montréal, Clermont Gignac, gagne 277 000 $ par année et a droit à 610 $ par mois pour son auto. Par comparaison, Robert Lafrenière, qui a la main haute sur l’Unité permanente anticorruption (UPAC), gagne bien moins : 165 000 $. Le salaire de Robert Salois, le commissaire à la santé, atteint 202 000 $. Dans le bas de la chaîne alimentaire : Claude Lessard, le président du Conseil supérieur de l’éducation, à 99 000 $, et Jacques Proteau, directeur de l’École nationale des pompiers, à 80 000 $.

ANCIENS LIBÉRAUX

On retrouve bon nombre d’anciens employés politiques et même de politiciens dans la liste des mandarins. Chez les ex-élus, Christos Sirros, délégué général du Québec à Londres, a un salaire de 108 000 $ mais avec une prime de vie chère de 3500 $ par mois. Line Beauchamp, ex-ministre aussi, à Paris, est payée 128 000 $ par année avec une prime de 1900 $ par mois. Ex-député, Eric Mercier, délégué général à Mexico, gagne 118 000 $. Ancien ministre libéral, Michel Després est à la CSST où il est payé 208 000 $. Diane Leblanc, ex-députée, est à la Commission des normes du travail où elle gagne 121 000 $. Michel Beaudoin, un ancien candidat, travaille pour le même organisme et gagne 190 000 $. Normand Poulin, ancien élu en Beauce, touche un salaire de 114 000 $ à la Commission de protection du territoire agricole. Ex-candidat aussi, Denis Roy est à la Commission des services juridiques où il est payé 180 000 $. France Dionne et Françoise Gauthier sont aussi d’ex-députées libérales qui n’ont pas été oubliées et qui gagnent 140 000 $ par année.

APPARATCHIKS ROUGES

Les anciens employés de cabinets politiques libéraux sont nombreux, et bien placés. Un ancien de celui de Marc-Yvan Côté, Denys Jean, dirige le Centre de services partagés pour un salaire de 208 000 $ par année – il a fait une longue carrière comme sous-ministre, toutefois. Josée Noreau, du cabinet de Daniel Johnson, est au même organisme, avec un salaire de 154 000 $. Marc Lacroix, un ex-candidat et apparatchik libéral, dirige la Commission de la fonction publique. Il gagne 208 000 $. Deux anciens attachés de presse de Jean Charest, Marie-Claude Champoux et Christian Barrette, sont sous-ministre et sous-ministre adjoint, respectivement à l’Éducation et à la Famille, où ils touchent 208 000 $ et 150 000 $. Alfred Pilon était au service de M. Charest dans l’opposition ; il dirige maintenant l’Office Québec-Monde pour la jeunesse pour un salaire de 154 000 $ plus 15 000 $ par année, non imposables, pour sa résidence à Québec. Issu aussi du cabinet Charest, Christian Lessard est sous-ministre aux Communications et gagne 208 000 $ ; il faisait partie des hautes instances de l’équipe de Philippe Couillard dans la course à la direction du Parti libéral.

Déléguée à Boston, Marie Claude Francoeur est une ancienne du cabinet de Michel Després ; elle gagne 154 000 $. Isabelle Merizzi, ancienne attachée de presse de Philippe Couillard à la Santé, est vice-présidente à la Régie des rentes à 130 000 $ par année. Ann Champoux et Ann Mundy étaient dans l’entourage de Lisa Frulla à la Culture ; l’une est désormais à la Régie du cinéma, l’autre au Conseil du patrimoine.

André Fortier, ancien chef de cabinet de Claude Ryan, est le sous-ministre responsable des emplois supérieurs, pour un salaire de 197 000 $. Pietro Perrino était chez Daniel Johnson, il est aussi sous-ministre au conseil exécutif à 180 000 $ par année, plus une allocation de séjour non imposable de 15 000 $ parce que son travail est à Québec. Jean-Philippe Marois, du cabinet de Jean-Marc Fournier, est au même ministère à 157 000 $. Pierre Hamelin, un vétéran des cabinets libéraux, est secrétaire général associé aux priorités et touche annuellement 197 000 $. 

À l’Économie, Jocelyn Dumas, un chef de cabinet de Daniel Johnson, est sous-ministre ; il est payé 200 000 $. Philippe Dubuisson, au même ministère, était chef de cabinet de Monique Jérome-Forget ; il gagne 132 000 $ mais avec une allocation de séjour de 15 000 $ par année.

DES PÉQUISTES

En ce qui concerne les anciens du PQ, André Boisclair reçoit 179 000 $ pour diriger le Comité d’examen sur l’environnement. Diane Lemieux, ex-ministre, touche 190 000 $ pour présider la Commission de la construction. L’ancien ministre Normand Jutras, à titre de curateur public, gagne 160 000 $ et Jocelyne Ouellette, ex-ministre de René Lévesque, à la Commission municipale, 125 000 $. 

— Avec la collaboration de Serge Laplante

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