RELIGION

Le curé iconoclaste

Dimanche après dimanche, Alain Mongeau attire les foules. Au cœur du Plateau, son église est – relativement – bondée. L’an dernier, il a même créé un événement médiatique en bénissant des vélos. Portrait de l’un des prêtres les plus populaires de Montréal.

À la fin de ses messes, Alain Mongeau lève souvent le poing pour la phrase finale : « Dieu soit avec vous. Yé ! » Le curé de 52 ans, qui attire généralement 200 fidèles chaque dimanche matin, veut imiter la statue de saint Jean-Baptiste qui orne son église du même nom de la rue Rachel.

« La statue a un doigt pointé vers le ciel, dit le père Mongeau. C’est une joke, ça traduit l’esprit de famille de la communauté. »

Cette anecdote illustre bien l’iconoclasme de ce Montréalais qui a redécouvert la foi à 23 ans, après un voyage en Asie. Les jeunes parents qui assistent à la messe ont droit à une section à eux, avec des coussins où leurs petits peuvent jouer. Dès le début de son ministère sur le Plateau, il y a une quinzaine d’années, il a mis sur pied un groupe de jeunes adultes, la Bande FM, qui a débouché sur des projets de vie communautaire logeant maintenant une quarantaine de personnes dans le quartier, dont une dizaine au presbytère où il habite lui aussi. Et depuis son arrivée à l’église Saint-Jean-Baptiste en 2009, il a redressé les finances en rénovant le sous-sol, subdivisé en plusieurs bureaux loués à une ONG, à une entreprise de publicité et à une école de musique. Le père Mongeau est aussi curé de la paroisse Saint-Denis.

« Je trouve que trop souvent, les paroisses attendent les subventions, dit le père Mongeau. On a repeint nous-mêmes la chapelle de la paroisse. On a investi dans de l’éclairage et de la sonorisation pour accueillir plus de spectacles. »

« On a quatre espaces de bureaux, dont trois sont loués. Et on a une petite garderie en milieu familial organisée par des familles de la paroisse. Nos églises sont des bâtiments extraordinaires, la mienne n’est sûrement pas la seule à pouvoir être recyclée de cette manière. »

— Le curé Alain Mongeau

Avec 2200 places, l’église Saint-Jean-Baptiste est la troisième en capacité dans l’île, après la basilique Notre-Dame et l’oratoire Saint-Joseph. La cathédrale du boulevard René-Lévesque est plus grande mais peut accueillir moins de gens. Le père Mongeau était jusqu’en 2009 curé de Saint-Louis-de-France, une paroisse du Plateau dont l’église a dû être vendue quand elle a été jumelée à Saint-Jean-Baptiste. La vente, à une communauté évangélique, a été marquée par la controverse parce qu’elle a forcé le déménagement du Refuge de Dan Bigras.

À l’entrée de la messe, un panneau indique « Église ouverte ». Avant la communion, une longue liste de fidèles sont mentionnés – l’un a eu 100 ans, d’autres ont demandé qu’on prie pour eux, certains ont eu un enfant –, puis le pain et le vin – contrairement à beaucoup d’églises, on peut tremper son hostie dans le vin consacré – sont distribués en avant et au milieu de la nef centrale. Quelques Portugaises se recueillent avec un foulard sur la tête, d’autres prient les bras ouverts, comme dans la tradition charismatique. Le père Mongeau chante ses prières, comme dans la tradition orthodoxe.

« Durant mes études au séminaire, j’ai passé mes étés en Europe de l’Est et j’ai découvert les traditions des Églises orientales, dit-il. J’ai aussi gardé un intérêt pour l’œcuménisme, les relations avec les autres Églises chrétiennes. Ceci dit, je ne suis pas le seul prêtre à chanter. Certains ne le font pas parce qu’ils n’ont pas de voix, ce n’est pas seulement une question de choix liturgique. »

COIN POUR LES FAMILLES

Des cris d’enfants parsèment toute la cérémonie. « Dans certaines églises, le coin des parents est vitré, mais ça donne une impression d’aquarium, dit le père Mongeau. Nous avons décidé d’avoir plutôt un coin pour les familles, où les parents peuvent surveiller leurs enfants tout en suivant la messe. Ceux que le bruit dérange peuvent aller de l’autre côté. »

Après chaque messe du dimanche, un repas dominical rassemble les fidèles qui le désirent. Pour Pâques, chacun apporte un plat et participe à une chasse aux cocos organisée par des mamans. « Je trouve ça fantastique qu’en pleine ville, autant de gens se réunissent pour autre chose que le travail ou des activités artistiques ou sportives, dit le père Mongeau. Nous voulons être une communauté, unie par le lien invisible des relations humaines, des liens forts qu’on peut vivre. Pour moi, ce lien invisible, c’est la présence de Dieu. » 

Le père Mongeau sur...

LE MARIAGE HOMOSEXUEL 

Pense-t-il voir des mariages catholiques homosexuels et des femmes prêtres de son vivant ? « Si ça arrivait maintenant, il y aurait un schisme dans l’Église, dit le père Mongeau. Même au Québec, beaucoup de catholiques ne suivraient pas. Si des gens m’en parlent, j’essaie de me demander avec eux pourquoi on en est là, et qu’est-ce qui se passerait si on faisait ces changements. Au niveau de l’Église, la réflexion continue, c’est important qu’elle ait lieu. L’Église est universelle et la question ne fait pas l’unanimité. C’est comme les quatre Évangiles : il y en avait des centaines, mais on a choisi ceux sur lesquels tout le monde s’entendait. » 

BENOÎT XVI ET LE PAPE FRANÇOIS

« J’ai découvert Benoît XVI en le lisant, dit le père Mongeau. Il avait une finesse et une sensibilité impressionnantes, mais il était réservé en public. Il n’avait pas ce côté flamboyant de Jean-Paul II. Puis est arrivé François, un pape qui dit bonjour, sourit, aime voir le monde. Dans ses bains de foule, on sent qu’il est pasteur. C’est un côté que j’essaie d’avoir. »

L’AFFAIRE DE MAUPEOU

En 2006, un prêtre du Plateau, Philippe de Maupeou, a été accusé par des paroissiens d’avoir touché la vulve et les seins de leur fille de 8 ans. Le père de Maupeou a admis les faits et a été condamné à six mois de prison avec sursis. L’histoire a refait les manchettes en 2008 quand l’archevêché de Montréal l’a envoyé faire une formation de droit canonique de trois ans à l’Université Saint-Paul, à Ottawa, pour l’affecter à des fonctions administratives. Devant le tollé, l’abbé de Maupeou a quitté Saint-Paul. « C’est moi qui étais le vicaire de Philippe de Maupeou, dit Alain Mongeau. C’est une des choses les plus douloureuses de ma vie. À 10 h, j’ai reçu la plainte, à midi je mangeais avec lui pour en parler, à 15 h il était à l’évêché et à 17 h il était suspendu. On a présenté ses études à Saint-Paul comme une bourse, mais c’était une mesure de réinsertion qui selon moi l’aurait rendu moins risqué pour la société. Il aurait été encadré. Le résultat de cette vindicte, c’est qu’il habite maintenant seul dans une maison dans les Cantons-de-l’Est. »

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.