MARATHON

Performer sur la piste... et au bureau !

Discipline. Persévérance. Saines habitudes de vie. Et si les atouts des meilleurs coureurs les amenaient, du coup, vers la réussite professionnelle ? Alors qu’une étude fait le lien entre les succès de présidents de grandes entreprises et la course, sur le terrain, cette théorie fait du chemin.

« Au départ, je me suis mis à courir pour perdre du poids et retrouver la santé. Je ne m’y attendais pas, mais la course a amélioré ma performance au travail. J’étais soudainement plus concentré, plus efficace. J’en fais plus qu’avant, mais en moins d’heures ! Bref, la course a réveillé le côté performance qui s’était endormi en moi depuis quelques années », raconte Louis-Philippe Lavigne, enthousiaste.

Lorsqu’on aborde avec lui l’impact de la course à pied sur sa vie professionnelle, il se montre intarissable. Contrôleur financier, il occupe un poste important dans une entreprise qui le fait voyager aux quatre coins du pays.

Un travail stimulant, mais qui prenait beaucoup, beaucoup de place dans sa vie, il y a six ans. Sauf qu’en 2009, un taux de cholestérol élevé, un surpoids et un niveau de fatigue important l’ont forcé à se prendre en main. « Je travaillais presque 7 jours sur 7, 12 heures par jour. Je voyageais beaucoup. Ma tête était constamment ailleurs. Nous venions d’avoir un deuxième enfant et je trouvais que ma vie était déséquilibrée. »

Motivé à renverser la vapeur, il se met à courir… et les effets sur sa vie ont l’effet d’une « bougie d’allumage ». Quelques mois plus tard, il termine une course de 10 km, puis un demi-marathon. En 2011, il franchit la ligne d’arrivée de son premier marathon. Et depuis, il court entre six et sept heures par semaine.

« Avant, quand je vivais des périodes de stress, je coupais l’entraînement pour travailler davantage. Aujourd’hui, c’est le contraire. Je vais ajouter 30 minutes de course, parce que ça va me vider le cerveau. Quand il y a un problème à régler, courir te permet de mieux prendre le taureau par les cornes. » 

— Louis-Philippe Lavigne, contrôleur financier

Ironiquement… il assure qu’il dispose maintenant de plus de temps au travail et à la maison. « Ça m’a apporté un meilleur équilibre. Maintenant que je suis plus performant au travail, je gagne aussi du temps avec ma famille. » Pour tout concilier, il doit toutefois se lever parfois à 4 h 30 pour faire son entraînement avant les premières réunions matinales.

« Ça ne me dérange pas : je suis devenu accro. Il y a des bienfaits à tous les niveaux ! »

PERFORMANTS À TOUS POINTS DE VUE

Une étude publiée par deux chercheurs allemands l’an dernier donne raison à Louis-Philippe. Peter Limbach, de l’Institut de technologie de Karlsruhe, et Florian Sonnenburg, de l’Université de Cologne, ont étudié la performance des présidents des sociétés du prestigieux indice S&P 1500. On trouve dans cette liste des dirigeants parmi les plus influents de la Bourse américaine.

Puisque la forme physique est un attribut très subjectif, les chercheurs ont d’abord déterminé quels étaient les dirigeants qui avaient terminé un des importants marathons aux États-Unis entre 2001 et 2011. Ils ont ensuite comparé la performance de leur entreprise à celle des autres chefs d’entreprise pendant cette période. Résultat : les patrons marathoniens performaient 5 % mieux que leurs pairs. Et chez les patrons plus âgés que la moyenne (55 ans et plus), ou encore soumis à un plus grand stress, les bénéfices étaient encore plus importants.

« Parce qu’il a un effet bénéfique sur la gestion du stress, sur les fonctions cognitives, sur le comportement de travail et le rendement professionnel, l’exercice physique devrait jouer un rôle important dans la vie des dirigeants d’entreprise, puisqu’ils sont soumis à des exigences élevées », résument les chercheurs.

Ils ajoutent aussi que la course a la cote chez les gens d’affaires parce qu’elle s’intègre facilement à un horaire chargé.

Évidemment, il est difficile de quantifier avec exactitude les bienfaits de la course chez tous les coureurs, et la proportion des gens d’affaires à chausser les espadrilles régulièrement. Jean-Yves Cloutier, entraîneur et auteur du livre Courir au bon rythme, constate cependant que l’entraînement a sans aucun doute un effet positif chez les travailleurs, particulièrement ceux qui subissent un stress plus important.

« J’ai été athlète entre 16 et 26 ans, et tous les gens qui ont couru à mon époque, lorsque je les rencontre aujourd’hui, ce sont des gens qui réussissent très bien dans la vie », lance-t-il, convaincu. 

« C’est une autodiscipline qui peut nous servir toute notre vie. Quand tu cours, tu te relèves plus vite d’un échec, car tu as un meilleur état d’esprit. Tu as une plus grande confiance en toi. »

— Jean-Yves Cloutier, entraîneur et auteur du livre Courir au bon rythme

Au cours des 30 dernières années, il a prodigué des conseils à environ 3000 coureurs, et plusieurs groupes en entreprises. Il est convaincu : les coureurs qui occupent un emploi stressant voient des bénéfices professionnels à l’entraînement. « C’est une coupure dans ta journée, et c’est essentiel quand tu as un travail stressant. Quand tu fais du sport, tu n’as pas le choix : tu décroches ! »

Les effets positifs de la course amènent toutefois certains adeptes à chercher la performance… de façon parfois excessive.

« Il y a 10 % des coureurs qui sont excessifs, mais ils ont tendance à faire les choses à l’extrême, bien avant de courir. Ça fait partie d’eux. Je suggère aux gens de courir avec régularité plutôt que de viser à tout prix la performance. De toute façon, je ne suis pas certain qu’un entrepreneur qui performe déjà au travail va à tout prix chercher à être compétitif dans la course à pied. Le sport devient plutôt un exutoire. »

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