Chronique

Feu vert à la vente d’assurances sur l'internet

Les quelques lignes étaient noyées dans le projet de loi mastodonte déposé, hier, par le ministre des Finances Carlos Leitão. Mais c’est officiel : Québec a donné le feu vert à la vente d’assurances sur l'internet. Sauf que, pour l’instant, il s’agit d’un feu vert sans code de la route.

Il était temps que le gouvernement se prononce, car certains assureurs comme Sonnet avaient déjà commencé à distribuer leurs produits sur le web, en profitant du vide juridique. Désormais, ils auront clairement le droit de vendre de l’assurance « sans l’entremise d’une personne physique ».

Mais les balises restent floues en matière de défense des consommateurs. On a prévu quelques petites mesures protectrices, comme la possibilité d’annuler le contrat pendant 10 jours. Mais pour le reste, le champ est libre. Par exemple, il n’y a absolument aucune restriction sur le type d’assurances qui peut être vendu sur l’internet, ce qui me donne la chair de poule.

Je peux très bien comprendre que les consommateurs souhaitent souscrire en ligne une police d’assurance auto, un produit très standardisé. À la rigueur, le web leur permettra de magasiner leur police plus efficacement que bien des cabinets qui envoient toute leur clientèle au même assureur avec qui ils ont des liens privilégiés (les règles à ce chapitre ne seront revues que plus tard cet automne).

Par contre, il serait plutôt dangereux de laisser les consommateurs se procurer tout seuls certains produits d’assurance-vie extrêmement complexes, qui nécessitent une analyse personnalisée de la situation financière du client.

Un dérapage peut être très douloureux pour le client, car il s’engage à très long terme et il fait face à des pénalités très importantes s’il veut annuler son contrat en cours de route parce qu’il a fait le mauvais choix.

Évidemment, on ne peut pas arrêter le progrès ni aller à l’encontre de l’internet. Mais il faut mettre la pédale douce sur certains produits qui nécessitent des conseils. Je croise les doigts pour que les règlements qui suivront le projet de loi mettent en place les garde-fous essentiels.

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Mais le projet de réforme des services financiers dévoilé hier va bien au-delà de la vente d’assurance sur le web.

Certaines lois ont été réécrites de A à Z. Et le gouvernement a apporté des changements dans 57 lois différentes. Majeur ! Vous résumer les 741 articles qui s’étalent sur 488 pages est un exercice de synthèse encore plus ardu que la couverture d’un budget.

Dans l’industrie, la disparition de la Chambre de la sécurité financière et de la Chambre de l’assurance crée énormément de remous.

Les activités de ces deux organismes d’autoréglementation qui supervisent les représentants de différents domaines (fonds communs, assurances, plans de Bourse, etc.) seront confiées à l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui encadre déjà les cabinets chez qui ces représentants travaillent.

Même si l’industrie financière se plaignait du dédoublement, les deux Chambres étaient un rempart supplémentaire dans la protection du public.

L’AMF prendra aussi sous son aile les courtiers hypothécaires qui sont aujourd’hui surveillés par l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ).

Et de son côté, l’OACIQ devra donner un coup de barre dans sa gouvernance. Excellente nouvelle ! Un grand ménage dans la composition de son conseil d’administration, actuellement dominé par les courtiers immobiliers qu’elle doit surveiller, permettra de mieux refléter la seule et unique mission de l’organisme : la protection du public.

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Par ailleurs, les investisseurs peuvent se réjouir des améliorations qui seront apportées au Fonds d’indemnisation des services financiers (FISF), qui frisait le ridicule. L’an dernier, FISF a indemnisé un seul et unique épargnant, qui a obtenu 50 000 $, alors que l’AMF, qui administre le fonds, a dépensé 1,2 million pour analyser les 34 demandes d’indemnisation reçues.

Année après année, la quasi-totalité des demandes sont rejetées, notamment parce que le fonds ne couvre pas les épargnants victimes d’un conseiller ayant commis une fraude dans un domaine qui n’est pas relié à son permis (par exemple un représentant en assurances qui a vendu des actions).

Cela fait 15 ans que tout le monde s’entend pour modifier cette règle. Ce sera chose faite bientôt. Enfin !

De larges pans du projet de loi vont aussi permettre de moderniser le cadre législatif de Desjardins pour mieux l’arrimer aux règles internationales qui ont vu le jour dans la foulée de la crise financière de 2009. Mais le Mouvement Desjardins obtient aussi davantage de pouvoir face aux caisses populaires, ce qui soulève des craintes dans les régions éloignées.

En terminant, je vous glisse un mot sur la création d’un comité consultatif des consommateurs de produits et services financiers qui aura pour mission de faire valoir les intérêts de monsieur et madame Tout-le-Monde.

Ça va faire du bien, car il y a très peu de groupes de défense des épargnants et investisseurs qui se prononcent lorsque le gouvernement mène des consultations sur des enjeux qui les touchent pourtant de près, alors que l’industrie financière dispose de moyens et de connaissances énormes pour pondre des mémoires fouillés.

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