CONVERGENCE PQ-QS REJETÉE

Un échec personnel pour Lisée

Québec — À entendre Jean-François Lisée, tout va bien au sein du caucus du Parti québécois (PQ), même après l’humiliante rebuffade de Québec solidaire (QS) lors du congrès de la fin de semaine dernière. Tout va si bien qu’il lui aura fallu convoquer in extremis un caucus de crise, une réunion de près de cinq heures, en pleine semaine de relâche parlementaire. Histoire que tous puissent accorder leur violon, et vite.

Le verdict sans appel des militants de Québec solidaire est avant tout une défaite personnelle pour Jean-François Lisée. Encore hier, en point de presse, il rappelait les heures bénies avant le référendum de 1995 où l’adéquiste Mario Dumont avait accepté de se joindre aux Jacques Parizeau et Lucien Bouchard dans le camp du Oui. Jeune conseiller, Lisée était l’artisan de la « dépéquisation » de la souveraineté. « L’astuce », un mot à la mode alors, avait fonctionné. Devenu général de son armée, Lisée a essayé de refaire la même bataille, mais sa défaite est amère.

Au bâton

Pas de hauts cris, pas d’effusions au caucus des députés péquistes, hier, semble-t-il. Lisée et sa responsable de la convergence Véronique Hivon sont allés au bâton pour marteler leur conviction que les 87 % d’électeurs solidaires qui étaient favorables à une alliance électorale avec le PQ étaient amèrement déçus de QS aujourd’hui.

Avec une bonne stratégie, ils seraient susceptibles d’appuyer le PQ aux élections générales d’octobre 2018, pensent-ils. Pour amadouer les sceptiques, surprendre les cyniques, Lisée a aussi abattu quelques cartes de son plan de match d’ici le rendez-vous électoral.

Un sondage Léger, la fin de semaine précédente, a révélé que 87 % des électeurs du PQ ou de QS auraient cautionné une telle alliance de leurs votes. Mais le même sondage mettait le PQ en troisième place, derrière la Coalition avenir Québec (CAQ).

L’enquête montrait que Lisée était loin derrière François Legault comme « meilleur premier ministre » dans l’opinion des électeurs. Dans les journaux de Québecor, le sondeur Jean-Marc Léger soulignait samedi qu’une déconfiture de l’alliance PQ-QS risquait « d’être catastrophique » pour Jean-François Lisée, qui avait personnellement pris position pour cette stratégie.

En coulisses, on chuchote que Lisée a été l’artisan de son propre malheur. Hormis Manon Massé, la plupart des gros canons de QS étaient favorables à la convergence – Gabriel Nadeau-Dubois, qui a voté en faveur, en tête. Restait à ménager des militants qui, c’est connu, examinent à la loupe les positions du PQ. Or, Lisée a fait savoir, par une lettre de son exécutif, qu’il ne saurait accepter que QS ne se branche pas dès maintenant, qu’il repousse à l’automne sa décision sur la convergence. Au surplus, il a annoncé qu’il n’était pas question pour le PQ d’atténuer sa position sur la question identitaire, une question extrêmement sensible à QS.

Finalement, Lisée avait ridiculisé Manon Massé, demandant à la cantonade, dans une entrevue, si on pouvait sérieusement imaginer la pasionaria de Sainte-Marie–Saint-Jacques en ministre des Finances. Même un « pogo » gelé ne s’y serait pas risqué. Mais le verdict de QS a été si clair que ces bévues, de toute façon, n’auraient pas fait la différence, a soutenu un député.

La détermination de QS

Hier, M. Lisée se disait surpris de la force avec laquelle l’alliance avec le PQ avait été rejetée – aux deux tiers des délégués. Lors de la prochaine campagne électorale, il pourrait être aussi surpris de la détermination de QS dans sa propre circonscription de Rosemont, comme dans celle d’Hochelaga-Maisonneuve, chez sa voisine Carole Poirier, et même dans Pointe-aux-Trembles chez Nicole Léger. Même dans Rimouski, le député Harold Lebel s’inquiète, dit-on, du vote toujours à gauche des étudiants de l’Université du Québec à Rimouski – or, l’élection aura lieu en pleine session.

Hier, publiquement, Lisée était à l’attaque, soulignant que Québec solidaire « avait pris la décision de l’intransigeance, de s’isoler, c’est très grave et très triste ». Il soutient qu’il ne voudrait pas être à la place de leaders qui ont ainsi tourné le dos à la volonté de leur base militante, comme si le congrès et ses 500 délégués comptaient pour des prunes.

Pour lui, ces sympathisants de QS « voulaient accepter la main tendue, accepter le pacte », a souligné M. Lisée. Or, leur parti « a refusé de mettre le bien commun au-dessus des intérêts partisans, a fait passer le parti au-dessus de la patrie, cela les définit ! » Dans moins d’une semaine, dans Gouin, les péquistes « voteront selon leur conscience », a-t-il affirmé. « On n’a aucun regret, mais il est clair qu’on tourne la page, les orphelins de Québec solidaire sont très nombreux », a insisté le chef péquiste.

Leadership affaibli ?

À plusieurs reprises, Lisée a évité la question quand on lui a demandé si l’échec de la convergence qu’il préconisait depuis un an affaiblissait son leadership. « C’est une étape, nous devions passer cette étape. Quel sera le résultat… on en discutera à l’élection. Pour nous, c’était essentiel de passer par là. […] On va rebondir », a répété Lisée en matinée comme en fin de journée.

Mais la fin de cette stratégie de « convergence » puis « d’alliance électorale » avec Québec solidaire représente un an de travail jeté au panier. Dès son élection comme chef, en octobre dernier, son premier pas sur le « chemin des victoires », Lisée se faisait fort de fédérer toutes les forces de la gauche et diabolisait la CAQ ainsi que son chef François Legault.

Il y a un an exactement, candidat à la succession de Pierre Karl Péladeau, Lisée soutenait sans détour dans une entrevue au site Ricochet que « la convergence est essentielle ». Il prédisait que pour battre le Parti libéral, la pression dans les organismes communautaires et les syndicats serait tellement forte que son option convergente s’imposerait comme « la plus porteuse, la plus fructueuse » pour les militants de Québec solidaire et d’Option nationale. Le doute, faut-il le rappeler, n’a jamais habité le soldat Lisée. Mais depuis deux jours, l’inquiétude a davantage d’adeptes au PQ.

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