Cosmétiques

La crème solaire maison, une fausse bonne idée ?

Tutoriels sur YouTube, recettes transmises sur des blogues ou sur des groupes Facebook, ateliers DIY… La tendance des cosmétiques faits maison et les beaux jours amènent des Québécois à créer eux-mêmes leur crème solaire. Mais les professionnels doutent des vertus protectrices de ces crèmes.

« Faire fondre la cire d’abeille dans un bain-marie. À tour de rôle, ajouter le beurre de karité puis l’huile de coco et l’huile de vitamine E (optionnel). Lorsque fondus, ajouter la poudre d’oxyde de zinc. » Voilà l’une des recettes, parmi d’autres, que l’on trouve sur l’internet pour réaliser sa crème solaire maison. 

Les motivations de ceux qui font leur écran solaire ? Éviter les substances chimiques de synthèse et les perturbateurs endocriniens, limiter leur impact environnemental et la pollution des océans…

Point commun de la plupart de ces recettes : l’utilisation de l’oxyde de zinc. Ce composant fait partie des « écrans physiques », au même titre que le dioxyde de titane. Ces écrans physiques, qui sont composés de petites particules, agissent comme une barrière et réfléchissent les rayons UVB et UVA. On les retrouve également dans les crèmes vendues dans le commerce. Ces écrans, qui laissent un voile blanc sur la peau au moment de l’application, présentent plusieurs avantages : ils sont adaptés aux peaux sensibles, ne provoquent pas de réactions allergiques ou d’irritations.

Il existe une deuxième sorte d’écrans sur le marché : les écrans chimiques. Ils absorbent les rayons UVA et UVB, puis les transforment souvent en chaleur.

Une protection incertaine

Mais les professionnels doutent des vertus protectrices de ces crèmes faites maison. « Rien n’est connu du potentiel véritable de ces produits à contrer efficacement les rayons UVA et UVB, de leur innocuité cutanée, de la quantité à appliquer et du temps de protection qu’ils confèrent », explique Simon-Pierre Gravel, docteur en sciences pharmaceutiques et professeur adjoint à la faculté de pharmacie de l’Université de Montréal. 

« Lorsque vous faites votre crème solaire à la maison, vous n’avez pas de moyen de vous assurer du facteur de protection solaire. »

— Lionel Ripoll, professeur en cosmétologie à l’Université du Québec à Chicoutimi

« Souvent, les ustensiles que l’on a à la maison ne sont pas suffisants pour disperser de façon homogène l’oxyde de zinc. Par conséquent, des endroits de votre peau pourraient être bien protégés, d’autres moins », poursuit-il.

Autre avertissement : après application de ces crèmes, l’absence de coups de soleil n’est pas forcément synonyme d’absence de dommages dans la peau. En effet, il est possible que la crème protège des UVB – responsables des coups de soleil –, mais pas des UVA. « Les UVA vont pénétrer plus profondément dans la peau. Si vous mettez un produit particulièrement anti-inflammatoire, vous n’aurez pas de rougeurs mais vous aurez les dommages liés au soleil, sans savoir ce que cela va donner à long terme », met en garde Lionel Ripoll.

Il déconseille l’utilisation de ces crèmes, faute de données prouvant leur efficacité. Lors des journées de longue exposition, il conseille un écran solaire à large spectre ayant un facteur de protection solaire d’au moins 30, et acheté dans le commerce.

« L’érythème n’est qu’une conséquence visible de l’exposition au rayonnement UVB. Le rayonnement UVA, plus discret, pénètre la peau et occasionne des dommages à l’ADN, des mutations, et contribue ainsi au développement du mélanome, un cancer de la peau », avertit Simon-Pierre Gravel.

Des cancers de la peau nombreux au Canada

Il existe deux types de cancer de la peau : le mélanome et le cancer de la peau autre que mélanome (le carcinome basocellulaire et le carcinome spinocellulaire).

On estime qu’en 2017, 7200 Canadiens ont reçu un diagnostic de mélanome ; 1250 Canadiens sont morts d’un mélanome cette année-là, selon les chiffres de la Société canadienne du cancer. « Le cancer de la peau autre que le mélanome est le cancer le plus souvent diagnostiqué chez les Canadiens. Il représente au moins 40 % de tous les nouveaux cas de cancer au Canada », indique la Société canadienne du cancer.

Au Canada, les écrans solaires sont considérés comme des médicaments. Ils doivent répondre aux exigences de la Loi sur les aliments et drogues au Canada avant de pouvoir être importés, annoncés ou vendus au pays. « Tous les écrans solaires sur le marché passent à travers des tests très rigoureux pour démontrer leur stabilité et leur efficacité.

« Plutôt que de faire leur crème solaire à la maison, les gens qui voudraient éviter les produits chimiques peuvent opter pour des écrans minéraux établis sur le marché, à base d’oxyde de zinc ou de dioxyde de titane », conseille le Dr Ari Demirjian, professeur adjoint en médecine à l’Université McGill.

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