arts visuels

Unissons nos voix pour dénoncer les inconduites

Nous, artistes visuels et travailleurs culturels du milieu des arts visuels, réagissons aujourd’hui au silence généralisé qui a entouré et continue d’entourer les comportements inacceptables dont il est fait mention dans l’article « Inconduites sexuelles : des reproches faits à un important collectionneur », paru le 15 novembre.

Dans un contexte où les revenus financiers se font maigres et la reconnaissance professionnelle périlleuse, nous toutes et tous unissons nos voix pour dénoncer les abus de pouvoir qui sévissent dans notre milieu, traduits ici en harcèlement psychologique, en viol, en agression physique, en atteinte à la pudeur, à l’intimité et à l’intégrité. Nous condamnons les abuseurs et leurs complices du silence.

Tout d’abord, Nathalie, Éliane, nous tenons à affirmer publiquement que nous vous croyons et sommes avec vous. Tout comme nous sommes avec tous les acteurs du milieu qui souffrent ou ont souffert en silence de tels abus. Nathalie, Éliane, votre prise de parole est courageuse et celle-ci doit non seulement être entendue : elle doit servir. Maintenant, ça suffit !

Il nous est intolérable de lire et de relire cet article et de sentir que la loi du silence régnant depuis tant d’années puisse avoir laissé des cicatrices aussi monstrueuses. Intolérable de lire que quelqu’un puisse être considéré « sans malice » ou « sympa » alors qu’on notifie à des employées de galerie d’éviter de se retrouver seules en sa présence. Intolérable de constater qu’on n’y peut rien, car il est un « gros acheteur ». Au nom de « l’amour » qu’on a pour les femmes, les embrasser de force, les flatter, leur saisir les fesses, ignorer leurs signes de refus, respirer de façon suggestive à leur oreille, en privé comme en public, n’est ni « amical », ni « chaleureux ».

Ces agissements sont non seulement déplacés et grossiers ; ils sont agressifs, violents et criminels. 

Tolérer au nom de l’argent et du pouvoir ces actes dont on est témoin, alors qu’on serait en mesure d’éviter le pire, est tout aussi condamnable. Nous, artistes visuels et travailleurs culturels du milieu des arts visuels, refusons l’asservissement des arts à ce pouvoir pernicieux. Nous nous opposons à cette violence et rejetons les excuses bidon épaulées par la force et l’argent.

Solidaires et bruyants

Les valeurs que nous prônons ne sont pas celles de l’abnégation, ou pire encore, du désaveu. Au contraire, nous sommes solidaires et bruyants. Nous condamnons ces inconduites tout autant que le mutisme et le déni dont ils font l’objet. Le respect, l’action et l’esprit de communauté règlent le pouls de notre milieu et nous ne nous laisserons plus faire. 

Nous, acteurs du milieu des arts visuels, croyons à la force du nombre. Nous avons la conviction qu’il est possible de faire tomber des quilles et de redonner à l’art sa pleine puissance, au-delà de l’argent, du prestige, du pouvoir et de leur influence sur nos carrières. Continuerons-nous à accepter dans nos institutions, dans nos vernissages, à nos tables et à nos soirées ces comportements abominables ? Allons-nous conserver ceux qui posent ces gestes comme partenaires d’affaires, comme clients, comme donateurs, comme acheteurs, comme prêteurs d’œuvre, comme personnes d’influence ? 

Nous souhaitons vivement que toutes et tous disent : non !

Ensemble, crions nos valeurs, condamnons ces faits et gestes trop souvent banalisés. Soyons à la hauteur de ce que nous voulons être et faisons taire ces abuseurs et leur pouvoir pour que la liberté qui nous est si chère reste notre chant le plus entendu.

* Les signataires : les membres et les employées du Centre CLARK (Montréal) ; les employéEs d’ARTEXTE (Montréal) ; l’Atelier Circulaire (Montréal) ; l’Atelier Silex (Trois-Rivières) ; les membres et les employées du centre d’artistes articule (Montréal) ; ATSA (Montréal) ; les employéEs d’AXENÉO7 (Gatineau) ; les membres et l’équipe de la Galerie B-312 (Montréal) ; l’équipe et les membres de La Centrale galerie Powerhouse (Montréal) ; Langage Plus, centre d’art actuel (Alma) ; les membres et les employés de L’Écart (Rouyn-Noranda) ; l’imprimerie, centre d’artistes (Montréal) ; les membres et les employées d’Occurrence espace d’art et d’essai contemporains (Montréal) ; L’œil de Poisson (Québec) ; PERTE DE SIGNAL et ses membres (Montréal) ; les membres et l’équipe du Centre des arts actuels Skol (Montréal) ; Studio XX (Montréal) ; la direction du Centre en art actuel TOUTTOUT (Chicoutimi) ; le conseil d’administration et les employéEs de Verticale-centre d’artistes (Laval), VOX, Centre de l’image contemporaine (Montréal) et VU, centre de diffusion et de production de la photographie (Québec)

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