OPINION

Un développement paralysé par des obstacles fondamentaux

Si on ne reconnaît pas les contraintes qui compromettent le potentiel de Montréal, on pourra continuer de tenir des forums, mais sans les résultats souhaités à long terme

Pour un architecte ou un promoteur immobilier, participer au Forum stratégique sur les grands projets, organisé récemment par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, a été comme d’assister à une pièce de théâtre.

La mairesse Valérie Plante, le ministre Martin Coiteux et le président de la Chambre Michel Leblanc parlaient de Montréal comme d’une ville en pleine effervescence et débordante de vitalité, et d’une explosion de développement économique et immobilier sans frontières.

M. Leblanc a eu raison de souligner quelques signes encourageants, notamment le développement du Réseau express métropolitain comme catalyseur potentiel et le dynamisme de l’arrondissement de Ville-Marie qui travaille en collaboration avec les promoteurs pour développer le centre. Cependant, on a complètement passé sous silence certains obstacles fondamentaux qui paralysent le développement de plusieurs secteurs de l’île de Montréal.

Si on veut que Montréal réalise vraiment son plein potentiel, la Chambre de commerce devra travailler à assouplir l’attitude dans plusieurs arrondissements qui ne voient pas les promoteurs comme des partenaires de la Ville, mais plutôt comme des adversaires.

Le Plan d’urbanisme de la Ville, adopté en 2004, est fondé sur l’importance de contrer l’étalement urbain par la croissance résidentielle et la consolidation du tissu urbain existant, surtout à proximité des noyaux de transport, stations de métro, etc. La Ville, en fait, s’est donné la responsabilité d’accélérer cette densification et les promoteurs privés doivent être bien accueillis et encouragés.

LOURDEUR ADMINISTRATIVE

Malheureusement, la lourdeur et la lenteur des processus administratifs ainsi que le traitement parfois inefficace des projets de développement dans plusieurs arrondissements et villes de banlieue sont un frein majeur au développement économique de l’île. C’est ainsi que, trop souvent, des projets prometteurs tombent à l’eau en raison de la frustration et des pertes de temps.

Les outils urbanistiques disponibles pour les villes comme le changement de zonage, la dérogation mineure ou le projet particulier (PPCMOI) sont très importants pour adapter la réglementation afin de permettre une meilleure insertion des projets dans leur contexte urbain. Ils obligent les professionnels des promoteurs à travailler de concert avec les professionnels de la Ville. Mais faire approuver un PPCMOI, un changement de zonage ou une dérogation mineure à Lachine, au Plateau-Mont-Royal, dans le Sud-Ouest ou dans Côte-des-Neiges/Notre-Dame-de-Grâce, par exemple, est devenu un véritable cauchemar malgré les objectifs de planification du Plan d’urbanisme, surtout s’il y a le moindre murmure de l’opposition par les voisins.

Chaque arrondissement et chaque ville doit composer avec un comité consultatif d’urbanisme (CCU), un organisme mandaté par le conseil municipal pour donner son avis sur les demandes qui lui sont soumises en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire, un groupe de travail composé d’au moins un membre du conseil municipal et de résidants choisis par ce dernier.

Trop souvent, la diversité autour de la table du comité consultatif d’urbanisme fait que ses recommandations sont en fait un mélange de plusieurs opinions et que les architectes doivent retourner à la table à dessin, se creuser la tête et jongler avec la clarté d’un projet pour trouver un moyen de satisfaire la Ville et obtenir son approbation.

Une deuxième contrainte a été soulignée discrètement par Laurence Vincent du Groupe Prével qui a fait allusion, dans sa présentation au Forum, au fait que la ville exige 15 % de logement social, 15 % de logement abordable (bientôt ce sera 20 % et 20 %), ainsi que 10 % de frais de parc pour les nouveaux projets résidentiels Ce fardeau imposé aux promoteurs aura éventuellement un effet boomerang et, comme elle l’a indiqué, augmentera le coût du logement à Montréal.

Après plusieurs années de difficultés, Montréal a un potentiel de rattrapage très élevé. Toutefois, si on ne reconnaît pas les contraintes réelles qui compromettent ce potentiel, on pourra continuer de tenir des forums chaque année, mais sans les résultats souhaités à long terme.

*Comme membre du comité exécutif de la Ville de Montréal, Robert Libman a été responsable de l’urbanisme et de l’aménagement du territoire.

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