Opinion  Conférence de Paris

Le coût réel de l’accord sur le climat à Paris

Dans sa contribution officielle en vue de la conférence Paris Climat 2015 (COP21) en décembre, la Bolivie a clairement affirmé que « pour résoudre structurellement la crise climatique, nous devons détruire le capitalisme ». Cette vision peut être minoritaire, mais il est probable que ce sommet apportera des changements économiques majeurs.

Christina Figueres, la secrétaire administrative de la Convention-cadre des Nations unies sur le Changement climatique (CCNUCC), a déclaré ouvertement que le but de cette conférence est « de transformer volontairement le modèle économique, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité ». Une transformation qui implique, selon ses propos, des changements sur « le modèle de développement économique qui a régné ces 150 dernières années, depuis la révolution industrielle ».

Avant que nous nous débarrassions de ce modèle, il est utile de rappeler que ces 150 dernières années ont vu l’espérance de vie doubler – passant d’une moyenne de 30 ans, en 1870, à 71 ans en 2013. Ce modèle économique a sorti environ six milliards d’individus de la pauvreté. Un siècle et demi auparavant, presque 90 % de la population mondiale vivait dans une extrême pauvreté, tandis que les prévisions de la Banque mondiale pour cette année annoncent pour la première fois le passage du taux d’extrême pauvreté sous la barre des 10 %.

Cela montre qu’aucune estimation officielle des coûts de cette « transformation » économique n’a été effectuée.

Nous pouvons tirer deux leçons des études menées récemment sur ce sujet. Premièrement, les estimations officielles des coûts sont souvent largement minorées. Deuxièmement, les politiciens choisissent rarement les politiques les plus efficientes en matière de réduction d’émission de CO2. Des analyses effectuées sur les politiques européennes antérieures ont montré que des choix inefficaces doublent typiquement les coûts. Dans le cas de l’Union européenne (UE), les décideurs politiques auraient pu réduire les émissions de carbone en optant pour le passage au gaz et en améliorant son rapport coût-efficacité. Mais le subventionnement du solaire et des biocarburants qui s’est révélé être d’une inefficacité phénoménale demeure très attractif aux yeux des politiciens.

En gardant ces leçons à l’esprit, faisons le compte du coût des engagements énoncés pour la COP21 par l’UE, le Mexique, les États-Unis et la Chine, qui représentent 80 % des promesses de réduction d’émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde.

L’UE promet de réduire ses émissions de 40 % par rapport au niveau de 1990, d’ici 2030. Bien que le coût de cet objectif n’ait fait l’objet d’aucune évaluation officielle – ce qui est extraordinaire en soi –, les derniers travaux menés sur l’UE par l’Energy Modeling Forum de Stanford (EMF) se sont penchés sur le coût engendré par une réduction de 80 %, d’ici 2050, avec une projection de 41 % en 2030. Selon les résultats de cette étude, cette réduction génèrerait une diminution de 1,6 % du PIB de l’UE en 2030 – soit 287 milliards d’euros (valeur en 2010).

Cette estimation se base sur un scénario impliquant la mise en œuvre des moyens les plus efficaces en matière de réduction de GES – un scénario improbable au vu des politiques antérieures.

De ce fait, il est plus probable que le coût réel soit deux fois supérieur. Ce qui veut dire qu’à elles seules, les politiques climatiques de l’UE coûteront à la société au minimum 280 milliards d’euros (400 milliards en dollars canadiens) par an et, plus probablement, 560 milliards d’euros (800 milliards en dollars canadiens) par an, jusqu’à la fin de ce siècle.

Le Mexique a promulgué la législation climatique la plus rigoureuse des pays en développement, s’engageant à une réduction conditionnelle de 40 % de ses émissions en 2030 par rapport à un scénario au fil de l’eau. Les coûts estimés par le gouvernement mexicain sont 14 à 79 fois inférieurs à ceux des études appuyées par l’agence américaine de protection de l’environnement (US EPA) et par l’UE. Ces études montrent un coût équivalent à 4,5 % du PIB du pays en 2030, soit 100 milliards en dollars canadiens par an.

Le coût de l’engagement des États-Unis pour réduire ses émissions de 26 à 28 %, en 2025, n’a pas fait non plus l’objet d’une estimation officielle. Nous pouvons néanmoins nous tourner vers les résultats des travaux de l’Energy Modeling Forum de Stanford, qui a effectué des évaluations – révisées par des pairs – de centaines de scénarios sur la réduction des émissions de GES et de leurs coûts par rapport au PIB. Ces données montrent une perte de PIB annuelle équivalant à 205 milliards en dollars canadiens, pour une réduction en 2025 de 26 %, et à 229 milliards pour une réduction de 28 %.

La Chine s’est engagée à réduire son intensité carbone d’au moins 60 %, d’ici 2030, par rapport au niveau de 2005. Selon les analyses effectuées par l’Asia Modeling Exercise, également revues par des pairs, la politique de taxe sur carbone nécessaire à la réalisation d’un tel objectif coûterait probablement 133 milliards par an.

En tout, les promesses climatiques de l’UE, du Mexique, des États-Unis et de la Chine coûteront au minimum 840 milliards – et cela, dans un scénario idéal où les politiciens feront constamment des choix pertinents sur tous les points. Si ces engagements en viennent à être mis en œuvre de manière inadéquate – ce qui est beaucoup plus probable –, la facture sera deux fois supérieure.

Les engagements de 122 autres pays pour la COP21 augmentent d’un quart les réductions promises par l’UE, le Mexique, les États-Unis et la Chine. En gros, cela portera le total des coûts annuels à une fourchette de 1100 à 2100 milliards.

En d’autres termes, à la suite des accords de Paris, l’économie mondiale pourrait être amputée d’au moins 1 billion par an jusqu’à la fin de ce siècle.

Tout cela pour des politiques qui ne pourront pas freiner substantiellement le changement climatique. Au meilleur des cas, selon une étude révisée par des pairs que nous avons publiée récemment dans le Global Policy, les politiques qui seront promulguées à Paris n’apporteront qu’une réduction de 0,05°C sur la hausse de la température globale en 2100. Beaucoup d’argent sera probablement gaspillé à travers le subventionnement des technologies actuelles d’énergie verte, qui se sont avérées en elles-mêmes peu accessibles et inefficientes.

Si les promesses climatiques planifiées par chaque État membre sont officialisées à l’issue de la COP21, la transformation économique suggérée par Mme Figueres aura effectivement bien lieu. Nous observerons un ralentissement de la croissance à hauteur d’un billion par an, qui se traduira par une diminution de la réduction de la pauvreté dans le monde. Ce n’est pas une transformation dont on pourrait être fier.

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