Ouragan Irma

Silence sur le climat

Malgré les ouragans monstres qui balaient les États-Unis, l'administration Trump et des responsables républicains refusent d'évoquer les changements climatiques.

New York — Dans les années qui ont précédé l’arrivée de l’ouragan Irma en Floride, le gouverneur républicain de cet État, Rick Scott, a souvent recouru à un faux-fuyant populaire chez les élus de son parti pour éviter de se prononcer sur l’impact des activités humaines sur les changements climatiques : « Je ne suis pas un scientifique. »

Scott Pruitt, chef de l’Agence de protection de l’environnement (EPA), a trouvé un autre prétexte pour ne pas avoir à parler du lien entre les changements climatiques et des ouragans hors normes comme Harvey et Irma. « Il y a un temps pour discuter de la cause et de l’effet de ces tempêtes, et ce n’est pas maintenant », a déclaré jeudi sur CNN ce climatosceptique proche de l’industrie des énergies fossiles.

Les scientifiques le répètent : aucun ouragan ne peut être attribué directement aux changements climatiques. Mais leurs modèles informatiques sont moins circonspects : le réchauffement des océans et de l’air devrait engendrer au XXIsiècle des ouragans d’une plus grande intensité. Après avoir été frappés par deux cyclones monstrueux en moins de trois semaines, les États-Unis seraient sans doute bien avisés d’engager un débat sur les tenants et aboutissants de cette question. Or, malgré les coûts économiques et humains de Harvey et d’Irma, ils pourraient choisir de n’en rien faire.

Il faut dire que les Rick Scott, Scott Pruitt et autres élus ou responsables républicains ne sont pas les seuls responsables de cette « spirale du silence » sur les changements climatiques, pour emprunter l’expression de chercheurs des universités Yale et George Mason. Samedi, le groupe de recherche progressiste Public Citizen a rendu publique une étude sur le traitement des changements climatiques dans 18 médias américains entre le 25 août, date de l’arrivée de l’ouragan Harvey au Texas, et le 1er septembre.

Sur les 18, trois – ABC, NBC et le New York Post – ont complètement ignoré cette question. D’autres en ont parlé, mais seulement pour critiquer ceux qui le faisaient. « Qui n’avait pas vu ça venir ? CNN n’a pas attendu longtemps avant d’insérer la question des changements climatiques dans sa couverture de l’ouragan Harvey », a notamment déclaré Lisa Boothe, l’une des animatrices de l’émission de Fox News The Five. Et de demander à Juan Williams, l’un de ses collègues identifié au courant progressiste : « Pourquoi CNN utilise-t-elle cette crise pour marteler un point de vue politique ? »

Selon l’étude de Public Citizen, quatre médias sur 18 – CNN, Washington Post, Houston Chronicle et New York Times – sont responsables de 72 % des reportages ou commentaires sur les changements climatiques publiés ou diffusés du 25 août au 1er septembre. 

Au moins trois d’entre eux tombent dans la catégorie des « faux médias », selon le climatosceptique en chef, Donald Trump.

Les républicains ne sont cependant pas unanimes dans leur refus de parler des changements climatiques. Vendredi, le maire de Miami, Tomas Regalado, a appelé le président et le chef de l’EPA à reconnaître le lien entre les changements climatiques et les phénomènes météorologiques extrêmes comme Harvey et Irma.

« L’exemple parfait de ce qui s’en vient. »

« Le moment est venu de parler des changements climatiques », a-t-il dit au Miami Herald. « Si ce n’est pas les changements climatiques, je ne sais pas ce que c’est », a-t-il ajouté en faisant allusion à Irma, l’ouragan le plus puissant jamais enregistré dans l’Atlantique. « C’est vraiment l’exemple parfait de ce qui s’en vient. »

Miami, comme plusieurs autres localités de la Floride, a élaboré un plan à long terme pour rendre la ville plus viable face à la hausse du niveau des mers. Estimation des coûts : 1 milliard de dollars. Le soutien financier de Washington n’est cependant pas une certitude. Pas plus que celui de Tallahassee, capitale de la Floride, où Rick Scott occupe le poste de gouverneur depuis 2011.

Expressions taboues

Ce favori du Tea Party est accusé d’avoir ignoré les changements climatiques, et ce, malgré la grande vulnérabilité de son État. En 2015, le Centre du journalisme d’enquête de Floride a publié un reportage affirmant que les responsables de l’Agence de protection de l’environnement de l’État s’étaient vu interdire d’utiliser les expressions « changements climatiques » ou « réchauffement climatique » dans leurs communications officielles. Le bureau du gouverneur a nié l’existence d’une telle politique.

Le Washington Post a révélé plus récemment une situation analogue au sein de l’EPA à Washington. Selon le quotidien, un responsable politique sans expérience scientifique a désormais la responsabilité d’identifier et d’écarter les demandes de soutien financier pour des projets touchant de près ou de loin la question des changements climatiques.

À la mission de ce responsable politique devrait s’ajouter celle d’une « équipe rouge » que Scott Pruitt, chef de l’EPA, entend assembler pour remettre en question le consensus scientifique sur les changements climatiques.

Quand les membres de cette équipe auront produit leurs premiers rapports dissidents, Scott Pruitt jugera peut-être bon de parler du climat.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.