Société

Doctoresses et ingénieures entrent à l’Académie française

Quarante ans après le Québec, l’Académie française s’apprête à moderniser sa langue. Finie l’exclusivité des titres de métier masculins, place aux femmes rectrices ou, pourquoi pas, ambassadrices dans l’Hexagone. Analyse d’une véritable petite révolution en trois temps.

Une résistance historique

Pourquoi maintenant, des décennies après le Québec, mais aussi la Belgique ou la Suisse, bref, une bonne partie de la Francophonie ? « Parce que l’Académie est conservatrice », répond tout de go Julie Auger, linguiste et professeure à l’Université de Montréal. Pensez-y, rappelle-t-elle : à ses débuts (au XVIIsiècle sous Richelieu), l’institution, dont le mandat est de normaliser et de perfectionner la langue (mais qui n’a jamais compté, sauf erreur, de linguiste parmi ses membres), le mot « poitrine » est carrément effacé « parce que c’est considéré comme vulgaire ». Pendant des siècles, l’Académie, composée d’auteurs et de personnalités, s’est donc opposée à la féminisation des titres, pour toutes sortes de raisons, souvent plus farfelues que fondées. Ainsi, comme le souligne le quotidien français L’Express, on s’est opposé à « doctoresse », « parce que ça rime avec fesse », ou encore à « rectrice », qui ferait penser à « rectal »…

Une « capitulation » qui en dit long

Mais selon Julie Auger, l’acceptation (résignation ?) de l’institution en dit long sur son pouvoir aujourd’hui. « C’est une capitulation, dit-elle. Leur influence, même en France, a beaucoup diminué, en partie à cause de leurs positions. » Il faut dire que plusieurs titres (tels qu’informaticienne, procureure ou députée) ont fini par s’imposer d’eux-mêmes. N’empêche, croit la linguiste, qui compte plusieurs cours sur la langue et le genre à son actif, il risque bien sûr de rester quelques irréductibles, lesquels continueront à s’opposer. « Parce que voir que les femmes ont investi des occupations réservées aux hommes autrefois, ça ne plaît pas… »

De l’importance de la féminisation

Que certains inflexibles conservateurs s’accrochent au mot « générale » (à titre de femme du général) ou « ambassadrice » (comme femme de l’ambassadeur) n’y changera rien. La reconnaissance de la féminisation par l’Académie est « très importante, question d’égalité et d’éducation, conclut Julie Auger. C’est important pour les enfants et pour la société que le rôle que les femmes jouent soit bien visible ». Si on veut en effet que nos fillettes aspirent un jour à devenir avocates, professeures ou doctoresses, encore faut-il que le mot existe, soit reconnu et enfin employé…

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