ALEXANDRA LAFFIN  AU SECOURS

Une bouée au bout du fil

Un huis clos dans la nuit belge. Deux femmes, arrimées à un poste téléphonique, attendent les appels de détresse de personnes âgées. Il y a des cas lourds, des cas légers, des cas fictifs. Il y a aussi ces appels de gens qui veulent simplement entendre une voix au bout du fil. Au secours, moyen métrage documentaire d’Alexandra Laffin, est présenté aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM). La Presse a parlé avec la cinéaste française lors de son passage au Festival international du film francophone de Namur.

Quelle est l’intention du film ?

J’ai fait mes études à Bruxelles et j’ai travaillé dans les bureaux de Télé-Secours que nous voyons dans le film. J’ai été surprise de constater que ce travail existe et me suis dit que je devais en faire un film. J’ai travaillé, de nuit, avec une des personnes que nous voyons à l’écran. Ce qu’elle faisait était superbe et je l’ai convaincue, après plusieurs années, de me laisser la filmer. Je n’ai pas attendu de financement, rien.

Ces gens ne font pas que gérer des crises. Leur travail comprend une importante part d’humanité. Qu’en dites-vous ?

Tout à fait. C’est ça qui m’intéresse dans leur travail. Il n’y a pas de règlement. Tout est géré au feeling et les employés sont très consciencieux. Personne n’est là pour chapeauter ce qu’ils font. Ces gens prennent le boulot à cœur. Une seule règle est importante : ne jamais raccrocher tant qu’on n’est pas sûr que la personne au bout du fil va bien. On peut être des heures au téléphone avec la même personne.

Certains cas lourds ne le sont sans doute pas ?

Oui, il faut apprendre à gérer. Au départ, certaines personnes râlaient au bout de la ligne et je ne savais pas quoi faire. Mes collègues me rassuraient. Elles me disait : Ah ! Madame Untel, on connaît son cinéma. Elle va se calmer dès que son fils va arriver. Les personnes âgées multiplient les ruses pour qu’on s’occupe d’elles. Elles vont inventer des problèmes qu’elles n’ont pas simplement pour avoir quelqu’un qui les écoute. Ça se comprend. Si elles sont seules toute une journée, elles cherchent un lien social.

Avez-vous appris quelque chose de neuf de ce travail en étant derrière la caméra ?

La seule chose que j’ai découverte en filmant n’est pas à l’intérieur de Télé-Secours, mais à l’extérieur des bureaux. Je suis allée filmer plusieurs personnes âgées chez elles (une séquence est conservée dans le film). À force de les imaginer alors que j’étais en ligne avec elles, j’avais envie de voir comment elles vivaient. J’ai pu voir en vrai comment elles s’adaptent au quotidien.

Dans un des plans, une employée gère une situation de crise alors que sa collègue joue à un jeu sur l’internet. Vouliez-vous nous dire qu’on ne peut pas tout prendre sur soi ?

Oui, c’est ça ! Toute la nuit, les employés reçoivent des appels. Dans ma séquence, l’employée qui n’est pas en ligne fait confiance à sa collègue. Elle sait qu’elle va s’en sortir et que si jamais il y a un souci, elle sera là. Dans le plan, elle a besoin de décrocher. Ce n’est pas du tout une critique. On a tous besoin de décrocher.

À noter que ce film de 48 minutes est précédé de deux courts métrages : The Place de Julia Poplawska et l’excellent Métro de Nadine Gomez. Film contemplatif et d’un esthétisme hallucinant, ce court métrage vous fera voir le métro de Montréal sous un angle neuf.

Aujourd’hui, à 20h15, Cinéma Excentris ; demain, à 20 h 45, Cinéma du Parc.

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