COMMANDITÉ
INVESTISSEMENT

CONJUGUER ART ET AVOIRS

Attirés par l’art comme investissement? Attention, préviennent les experts et les collectionneurs. Il faut avant tout avoir la passion et bien faire ses devoirs.

La passion avant tout

Pierre Paquin se souvient à la perfection du jour où il a acquis sa première œuvre d’art. « J’avais 8 ans quand j’ai acheté une toile à la mère de ma voisine qui peignait chez elle. Je ne m’en suis jamais départi ! » Devenu vice-président d’une firme de consultants, l’homme n’a pas cessé de cultiver sa passion pour les arts visuels, courant les expos au Québec et à l’étranger. Aujourd’hui, sa collection rassemble autant des œuvres de maîtres comme Riopelle que celles de jeunes artistes.

M. Paquin se définit d’abord comme un amateur d’art et un investisseur ensuite. « J’achète une œuvre avant tout parce qu’elle m’interpelle. Le critère de la valeur s’est ajouté plus tard. Tant qu’à payer une somme importante, mieux vaut choisir une œuvre qui est susceptible de s’apprécier. Mais je ne compte pas sur mes tableaux pour assurer mes vieux jours. »

Est-ce rentable ?

Bien acheter l’art peut représenter un investissement, avec un rendement égal ou supérieur à la Bourse, constate Alain Lacoursière, ex-enquêteur de police connu pour avoir lutté contre le trafic d’œuvres d’art. L’homme est maintenant un expert en évaluation et ses services sont sollicités partout en Amérique du Nord et en Europe. « J’ai des clients assez fortunés qui ne payent pas d’impôt grâce à l’art, mais cela fait 20 ans qu’ils collectionnent. Si une personne pense faire un coup d’argent sur quelques tableaux, ce n’est pas une bonne stratégie. »

Jean-Pierre Valentin, propriétaire de la galerie la plus ancienne du Québec, partage cet avis. « Quand je croise des spéculateurs, je les mets en garde qu’on ne vend pas de l’investissement. Même si l’histoire compte plusieurs cas où des collectionneurs ont revendu des toiles à prix fort, la grande majorité des artistes ne prendront pas de valeur. Mais que représente la somme de 500 dollars payés il y a 30 ans en comparaison du plaisir qu’elle vous aura procuré tout ce temps ? »

Apprendre à collectionner

Entrer dans une galerie et acquérir tout ce que l’on peut s’offrir ne suffit pas pour se targuer d’être collectionneur d’art. « Commencez par faire le tour des galeries, question de mieux définir ce qui vous touche, résume Alain Lacoursière. Surtout, ne vous laissez pas impressionner par le prestige de l’endroit et méfiez-vous des bulles spéculatives. »

L’important, c’est de sélectionner les meilleures œuvres d’un artiste, qu’il soit vivant ou décédé. Toutes les œuvres d’un artiste connu ne vont pas automatiquement s’apprécier. Par exemple, si l’on vous propose un Lemieux datant de 1975, il faut savoir que sa meilleure période était dans les années 1960. D’où l’intérêt de prendre son temps et de faire ses devoirs, renchérit Joyce Yahouda, galeriste depuis 35 ans. « Il est important de s’éduquer, de visiter des expositions et de poser des questions sur la démarche des artistes. En ce sens, suivre un cours en histoire de l’art peut s’avérer pertinent. »

Pour prendre le pouls de l’art contemporain canadien, Pierre Paquin suggère de se rendre à la foire Papier qui se tiendra, du 21 au 23 avril, à L’Arsenal de Montréal. L’évènement rassemble une trentaine de galeries et plus de 300 artistes. « C’est une belle occasion de se familiariser avec le marché de l’art contemporain. On y trouve des artistes prometteurs et des œuvres très abordables. »

Dresser son profil

Collectionner des œuvres d’art n’est pas la chasse gardée d’un petit cercle de gens fortunés. Il est possible d’acquérir des photos, des dessins ou des impressions d’artistes déjà connus pour seulement 400 $, mentionne Joyce Yahuda. « En choisissant des artistes intelligents dont le travail vous déstabilise, vous serez entourés de créations d’une grande valeur, même si leur prix n’augmentera pas nécessairement. »

Ceci étant dit, un amateur qui désire investir en art constituera sa collection de la même façon qu’il bâtit un portefeuille d’actifs. « Un profil dynamique correspondra à miser sur de jeunes artistes. Certains vont plafonner, d’autres vont exploser d’ici quelques années, explique Alex Leibner, directeur de la Galerie d’Este. Un profil prudent consistera à acquérir sur le marché secondaire des pièces de maîtres dont la valeur fluctuera peu. » Par conséquent, un collectionneur qui désire diminuer ses risques recherchera à la fois des œuvres contemporaines et historiques.

Dénicher « l’artiste »

Comment savoir qu’un artiste verra sa valeur augmenter plutôt qu’un autre ? Tout comme à la Bourse, il n’existe pas de recette magique. « Le Québec est un petit marché. Tout le monde se connaît. Si je remarque que certains conservateurs ou collectionneurs s’intéressent à un artiste, j’en déduis qu’il y a anguille sous roche », confie Pierre Paquin.

D’autres facteurs entrent en ligne de compte pour déterminer « la cote » d’un artiste. « Cela peut paraître subjectif, mais la cote sera déterminée par plusieurs facteurs, comme la galerie qui le représente, les expositions auxquelles il a participé, les institutions qui ont acquis ses œuvres », explique Alain Lacoursière. L’amateur d’art devrait également accorder une grande importance au pouvoir évocateur des œuvres. « Misez sur des pièces qui vous parleront encore dans 10 ans », ajoute Alex Leibner.

L’art de la fiscalité

L’acquisition d’estampes, de dessins ou de tableaux d’artistes canadiens comporte des avantages fiscaux, explique Sylvain Lapointe, fiscaliste et conseiller en placement auprès de Valeurs Mobilières PEAK.

Cependant, durant l’année de l’achat, c’est la règle du demi-taux qui s’applique. On déduira seulement la moitié du montant admissible. Si la valeur de l’œuvre augmente et que vous décidez de revendre, le gain en capital sera imposable à 50 % et les déductions accumulées seront soumises à l’impôt. L’État a également introduit plusieurs mesures pour encourager le don d’œuvres d’art aux musées. Les particuliers bénéficient d’un crédit d’impôt jusqu’à concurrence de 25,75 % de la valeur de l’œuvre. Si le donateur est une société, le crédit représente 125 % du montant du don et le fisc n’imposera pas un éventuel gain en capital. Précisons que les musées n’acceptent pas n’importe quoi !

Enfin, peu importe la raison pour laquelle vous décidez de collectionner, gardez en tête que la valeur marchande d’une œuvre ne dépassera jamais le bien-être qu’elle vous procurera !

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