Mexique et République dominicaine

Les Hells persona non grata

Si des Hells Angels québécois ont prévu passer les Fêtes dans le Sud et ont déjà acheté leurs billets d’avion, ils pourraient avoir une mauvaise surprise. Il semble que le Mexique et la République dominicaine ne veuillent plus de nos motards.

La Presse a appris de diverses sources que depuis un peu plus d’un an, une dizaine d’individus, membres des Hells Angels, ex-membres ou relations de ce groupe de motards, ont été refoulés à leur arrivée dans un aéroport du Mexique ou de la République dominicaine. La tendance semble s’être accentuée dans les dernières semaines, selon nos informations.

« Des gars sont arrivés au Mexique, certains avec leur famille ou leur conjointe, pour des vacances, et on leur a dit de retourner chez eux, car ils étaient liés au crime organisé », a décrit une source du milieu judiciaire.

Un autre informateur nous a raconté qu’outre les individus qui ont été refoulés, au moins un autre homme, relation des Hells Angels, a été longuement interrogé et fouillé, avant que les autorités mexicaines acceptent finalement sa présence sur leur territoire.

Des plaques tournantes de l’importation de cocaïne

Le Mexique et la République dominicaine – où les Hells Angels possèdent, à Saint-Domingue, une section dans laquelle on retrouve d’anciens membres québécois – sont des pays considérés comme des plaques tournantes de l’importation de cocaïne au Canada, et les prétentions des autorités canadiennes sont que les Hells Angels québécois se rencontrent ou rencontrent des contacts et brassent des affaires lorsqu’ils se rendent dans ces pays, même en compagnie de proches.

Certaines rumeurs veulent que les autorités mexicaines possèdent une liste de motards québécois qui serait consultée aux postes douaniers.

Des policiers d’ici ont toutefois confié à La Presse, sous le couvert de l’anonymat, que jamais les autorités canadiennes n’oseraient fournir une telle liste en raison de la Charte des droits et libertés et des risques de poursuites.

Ils croient plutôt que les informations obtenues par les douaniers mexicains pourraient provenir d’Interpol, organisation internationale qui regroupe les corps de police de 192 pays, dont le Canada, et par laquelle ceux-ci s’entraident et échangent des informations.

« La vérité, c’est que le Mexique et la République dominicaine ne veulent plus de nos motards. Ils en ont déjà assez avec leur crime organisé. Ce sont leurs corps de police qui appellent les nôtres pour avoir des informations », nous a-t-on dit hier.

« Je vous confirme que nous entretenons une excellente collaboration avec les autorités de ces pays, mais quant au refoulement de certains motards québécois à leur arrivée là-bas, cette décision appartient aux autorités locales », a déclaré l’inspecteur Guy Lapointe, de la Sûreté du Québec, qui a le mandat de lutter contre les motards criminels dans la province.

« Une prérogative des agents d’immigration »

Jointe par La Presse, une employée du consulat du Mexique à Montréal, Zoila Sanchez, n’a pas voulu commenter directement la situation.

« Toute décision concernant l’entrée au pays délivrée par un agent d’immigration est effectuée en évaluant le cas spécifique et en se fondant sur le respect ou le non-respect des dispositions migratoires dont les limites sont fixées par la Constitution, les traités et accords internationaux desquels l’État mexicain fait partie, la Loi sur l’immigration et de dispositions légales générales applicables. Comme dans la plupart des pays, les connaissances, la résolution et l’exécution de l’expulsion ou du retour assisté des étrangers, selon les termes et conditions établis dans la loi, [sont] une prérogative des agents d’immigration, dans le cas du Mexique, de l’Institut national d’immigration », nous a-t-elle notamment écrit par courriel.

Des sources ont confié à La Presse que les liens se sont passablement resserrés ces dernières années entre les corps de police canadiens et ceux du Mexique et de plusieurs pays d’Amérique centrale et du Sud. Régulièrement, les autorités de ces pays surveillent même les allées et venues des criminels canadiens et donnent les informations aux autorités canadiennes.

Outre la section des Hells Angels en République dominicaine, les motards québécois auraient eu une influence dans la création récente d’une autre section des Hells Angels à Quito, en Équateur, selon la police québécoise.

Si, après la fin en queue de poisson des procédures de SharQc et le retour en force des Hells Angels au Québec, la police d’ici espérait un moyen de faire mal aux motards, le coup semble porter. Certaines informations laissent croire que les Hells Angels n’apprécient pas du tout d’être refoulés dans des pays qu’ils ont traditionnellement visités. Si les refus deviennent systématiques, ils devront migrer vers d’autres stations balnéaires.

Pour joindre Daniel Renaud, composez le 514 285-7000, poste 4918, écrivez à drenaud@lapresse.ca ou écrivez à l’adresse postale de La Presse.

Des motards qui auraient été refoulés à l’étranger

Christian Ménard, HA Montréal (Sherbrooke), Mexique novembre 2016

Roch Delaney, HA South, République dominicaine décembre 2016

Éric Bouffard, HA South, République dominicaine décembre 2016

Stéphane Maheu, HA South, République dominicaine mars 2017

Dean Moore, HA South, Mexique mars 2017

Mario Brouillette, ex-membre de Trois-Rivières, Mexique août 2017

Jean-Judes Faucher, ex-membre HA Québec, Mexique novembre 2017

Bernard Plourde, HA Trois-Rivières novembre 2017

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