101 Vagina

EXTRAITS

« Je me demande si son apparence et ses sensations redeviendront comme avant après mon accouchement, ou s’il s’agit de mon nouveau vagin, charnu, généreux, comme un monument à la maternité. »

« Mon vagin fait actuellement zzzzzz après des années de travail et profite maintenant de son repos et de sa solitude. »

« Presque 24 ans et je ne sais toujours pas vraiment de quoi tu as l’air. Je ne crois pas que je pourrais reconnaître ta photo, je ne te regarde même pas dans le miroir. »

« Mon vagin a donné la vie à deux bébés, mais il a aussi presque causé ma mort à la suite de pertes de sang après l’accouchement. »

« Quand j’étais petite fille, ma mère, très catholique, m’interdisait de toucher mon sexe. […] Je pouvais le laver en laissant l’eau ruisseler sous la douche, mais mes mains ne pouvaient s’en approcher. »

« Lors d’une nuit désespérée, je me suis saisie de ciseaux et je suis allée dans la salle de bains pour couper mes petites lèvres, afin qu’elles soient petites et lisses comme mes grandes lèvres. Je me suis assise, déchirée devant le geste à faire, me demandant si ce serait facile, douloureux, et à quel point j’étais désespérée. J’y ai passé de nombreuses heures, lors de nombreuses nuits, pendant plusieurs mois. »

— Extraits traduits par Marie Bernier, La Presse

101 Vagina

Portraits intimes

Le sexe des femmes a été raconté dans Les monologues du vagin, puis recouvert dans Les monologues voilés. Le photographe australien Philip Werner, lui, a choisi de le dévoiler sous toutes ses formes dans le livre 101 Vagina.

Il y en a des tatouées, percées, au naturel, épilées, marquées par les vergetures, sur le point d’accoucher, et même une qui était autrefois un homme. Le photographe de Melbourne Philip Werner a photographié en noir et blanc plus de 100 femmes anonymes en bas de la ceinture dans le but de témoigner de la diversité des corps. « Selon les médias de masse, la majorité des gens ne sont pas beaux ni même normaux, a-t-il observé en entrevue avec La Presse lors de son passage à Montréal, la semaine dernière. C’est une façon de dire que nous sommes à la fois tous différents, et tous normaux. »

Inspiré par la lecture de la pièce Les monologues du vagin d’Eve Ensler, le photographe a d’abord pris des clichés de ses amies, avant de proposer l’expérience à travers les réseaux sociaux aux inconnues interpellées par son message d’acceptation de soi.

Cette initiative plutôt (dé)culottée vise également à dédramatiser le rapport, complexe, aux parties génitales.

« Il y a un tabou à propos de la sexualité, en particulier du vagin. Qui parle de son vagin dans l’autobus ? Personne, alors que ce n’est qu’une partie du corps comme une autre. »

— Philip Werner

L’exposition de ses photos a tout de même causé un petit tollé à Sydney, lorsque la galerie qui l’hébergeait a reçu la visite des policiers, appelés par un citoyen mécontent. Le galeriste a accepté de recouvrir ses fenêtres, et l’affaire s’est retrouvée en première page d’un journal australien. L’événement a été quelque peu désagréable pour le photographe, qui en a tout de même retiré de la visibilité. « C’était de la bonne publicité », reconnaît-il aujourd’hui.

SE METTRE À NU

Les mannequins volontaires de 101 Vagina, en majorité des Australiennes, ont été photographiés lors de séances individuelles. « La plupart des femmes étaient un peu mal à l’aise, ce n’est pas quelque chose que l’on fait tous les jours. Certaines étaient extrêmement gênées, mais elles voulaient toujours le faire, à la fois pour vaincre leurs propres peurs et insécurités et pour contribuer au projet. » Si quelques-unes se sont désistées par la suite, aucune n’a fait marche arrière devant l’objectif.

« Une partie du travail de photographe consiste à faire en sorte que son modèle soit à l’aise, quel que soit le type de photo, remarque Philip Werner. Je n’ai rien fait de particulier pour les mettre à l’aise, sinon que d’être professionnel et compréhensif à l’égard de leur gêne. »

Afin de ne pas verser dans le manuel de biologie, 101 Vagina recueille aussi les témoignages des femmes qui ont accepté de se dévêtir. Questionnées sur la relation qu’elles entretiennent avec leur sexe, elles ont fourni des réponses parfois crues, poétiques, voire ésotériques.

Paradoxalement, certaines participantes ont eu plus de difficulté à écrire ces courts récits personnels qu’à exhiber la partie la plus intime de leur anatomie, ce qui a obligé le photographe à revoir ses méthodes. « Après un moment, j’ai demandé à recevoir l’histoire avant de procéder à la séance de photos. »

Le tout a pris deux ans. Le résultat est un recueil à la frontière du livre d’art et de l’outil pédagogique, en vente sur l’internet, et une exposition ambulante, qui s’est arrêtée quelques jours à Montréal la semaine dernière, au Repaire des 100 talents. Philip Werner ira par la suite présenter ses portraits intimes à New York (3 au 8 juin) et à Toronto (14 au 22 juin).

Parce que les femmes ne sont pas les seules qui sont parfois complexées par leur apparence, le livre 101 Penis est déjà en préparation, tout comme 101 Breasts. Et comme le photographe profite de la tournée de l’exposition pour continuer de garnir son catalogue, des Montréalais devraient s’y retrouver… dans leur plus simple appareil.

Le livre 101 Vagina est vendu en ligne (en anglais seulement). Une somme de 5 $ par achat est remise à un organisme luttant contre la violence faite aux femmes.

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