Immobilier

Bâtir vert pour l’avenir

Partout dans le monde, trois lettres majuscules ont un impact majeur sur le secteur immobilier, même résidentiel, l’incitant à améliorer ses pratiques pour devenir plus vert. Ces trois lettres, ESG, font allusion aux critères qui guident les décisions d’un nombre croissant d’entreprises et d’investisseurs institutionnels : environnement, société, gouvernance d’entreprise.

Au Québec, leur influence se fait sentir dans la conception et la construction d’immeubles résidentiels locatifs de haute performance énergétique et écoresponsables, dont la valeur augmentera à long terme. Une vision qui change l’environnement, mais aussi la vie de ceux qui habitent ces édifices. Tour d’horizon de projets qui se démarquent.

Espace Montmorency

Le Groupe Sélection, qui a d’abord établi sa marque dans le marché des résidences pour personnes retraitées, courtise maintenant diverses clientèles. Et c’est dans des immeubles locatifs, qui visent dorénavant une certification verte, que l’entreprise veut les accueillir. La toute première résidence de la division Sélection Retraite, bâtie en visant une certification Leadership in Energy and Environmental Design (LEED), a ouvert ses portes à Gatineau en 2021.

L’entreprise a poussé plus loin son engagement en se joignant au Groupe Montoni et au Fonds immobilier de solidarité FTQ, propriétaire d’un terrain situé à côté de la station de métro Montmorency, à Laval. Ensemble, les trois partenaires ont notamment vu à ce qu’une boucle énergétique soit intégrée pour absorber les rejets de chaleur excédentaire des immeubles pour les transmettre à d’autres, selon le moment de la journée. Espace Montmorency, qui a obtenu la certification LEED-AQ Or (Aménagement de quartier), regroupera une tour de bureaux (dont le noyau et l’enveloppe visent LEED Platine), deux tours d’habitations locatives englobant des appartements des enseignes Yimby, hoop ou Waltz, et un hôtel (visant tous trois LEED Or), ainsi que des commerces et des restaurants.

« Notre rôle, en tant qu’investisseur, c’est d’influencer nos partenaires-promoteurs pour que les projets soient mieux pensés et mieux construits », indique Josée Lagacé, vice-présidente aux communications, au marketing et aux relations avec les investisseurs. « C’est un travail qui se fait en équipe. »

« En étant propriétaire d’immeubles résidentiels locatifs, on a toujours été soucieux d’optimiser l’économie d’énergie », souligne Philippe Bouclin, vice-président, développement immobilier, du Groupe Sélection. « On voit maintenant que les investisseurs ont beaucoup d’appétit pour les immeubles certifiés LEED ou WELL. Une plus-value leur est attitrée. »

Espace Montmorency prendra vie au cours des prochains mois.

Mu

À Québec, l’entreprise Immostar est en train de terminer la construction du Mu, son deuxième complexe locatif visant l’homologation WELL, axée sur la santé et le bien-être des occupants. « Tout est fait pour que les gens se sentent bien à l’intérieur du bâtiment, pour les rendre plus heureux », explique François Pelchat, associé et vice-président, location et marketing.

La quête de la certification WELL permet de plaire à la clientèle d’aujourd’hui, mais aussi de demain, qui sera plus exigeante, prédit-il. « Les immeubles qui ne seront pas écoresponsables, qui ne feront pas attention à la consommation de l’eau et de l’énergie, qui n’offriront pas de covoiturage vont perdre une certaine valeur et un certain attrait auprès de la clientèle de la prochaine génération. »

Président du comité des immeubles engagés au sein de l’Institut de développement urbain du Québec (IDU), il constate un vif intérêt de la part des investisseurs pour s’associer à des projets respectant des éléments du développement durable. Le complexe Mu profite d’ailleurs de l’appui financier de la Corporation Fiera Capital, de la société Claridge et d’Ivanhoé Cambridge, filiale immobilière de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

« Pour être pertinent à long terme, si on ne veut pas que des actifs deviennent obsolètes trop rapidement, on a besoin de nous assurer qu’ils ont un niveau élevé de performance sur le plan de l’écoresponsabilité », indique Stéphane Villemain, vice-président, responsabilité sociale d’entreprise, chez Ivanhoé Cambridge. « De plus en plus de gens vont vouloir un logement qui respecte le climat. On l’observe déjà comme tendance de fond et on sait que cela va aller en s’accentuant. Cela met un peu le vent dans les voiles de certifications comme LEED ou WELL, qui permettent d’affirmer un bon niveau de qualité écoresponsable. »

Novia

La construction du complexe Novia a commencé près de la station de métro Longueuil–Université-de-Sherbrooke. L’imposant immeuble, qui devrait accueillir ses premiers locataires en juillet 2023, abritera à la fois des logements locatifs, des bureaux et des restaurants. Réalisé par LSR GesDev en partenariat avec le Fonds immobilier de solidarité FTQ et le Groupe KOTV, il sera le fruit d’une réflexion écoresponsable poussée, facilitée par l’ouverture des investisseurs, souligne Annie Lemieux, présidente de LSR GesDev.

« C’est plus facile qu’avant d’amener nos idées innovatrices, où l’humain passe devant les rendements. La plus grande différence, c’est qu’avant il y avait moins d’investisseurs institutionnels qui privilégiaient la conception d’immeubles de qualité, avec une valeur ajoutée à long terme. Ils ont maintenant beaucoup plus d’intérêt pour les immeubles construits en incluant les critères ESG. »

L’emplacement optimal, la qualité de vie offerte aux occupants et l’approche écoresponsable adoptée dès la conception du Novia, en réduisant de multiples façons les émissions de gaz à effet de serre, font partie des éléments que le Fonds immobilier de solidarité FTQ cherche à valoriser dans tous ses projets, pour avoir un impact, précise Marianne Duguay, vice-présidente à la gestion d’actifs au Fonds immobilier de solidarité FTQ. Celui-ci a adopté sa première politique-cadre de responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) en 2021 et compte préciser ses objectifs en matière de développement durable en 2022.

« Plusieurs de nos partenaires adoptent des méthodes de construction plus écoresponsables sans viser une certification LEED, précise Mme Duguay. Ce qui importe pour nous, c’est de faire avancer l’industrie pour tendre vers la réduction des GES en respectant l’environnement et ses ressources. »

Cybèle

La construction de la résidence pour personnes retraitées Cybèle donnera vie au prolongement d’un stationnement à Saint-Hyacinthe. L’établissement sera le deuxième du Groupe Maurice (après la résidence Caléo, à Boucherville) à viser une certification LEED Argent. « On commence à parler un peu plus formellement des critères ESG et de certifications comme LEED ou WELL, mais à la base, il y a beaucoup de choses qu’on fait déjà depuis longtemps, fait remarquer Rita Kataroyan, vice-présidente, marketing et communications. La volonté de contribuer à la société et au bien-être des gens et de construire de façon durable fait partie des valeurs fondatrices de l’entreprise. »

« Ce que ces critères de conformité des investisseurs et des prêteurs nous amènent, c’est une structure, précise-t-elle. Une fois qu’on est structuré, on en fait plus et on peut en parler davantage. Mais c’est du gros bon sens. Plusieurs investisseurs se sont rendu compte que les entreprises qui adhèrent à ces critères avec le temps performent mieux. C’est dans leur intérêt que leurs partenaires s’y conforment. Cela dit, il faut rechercher un certain équilibre pour favoriser le développement durable sans que ce soit au détriment de l’accessibilité de notre offre de services et de la capacité de payer de nos futurs locataires. »

Le Groupe Maurice, précise-t-elle, reçoit l’appui financier de la fiducie de placement immobilier Ventas, spécialisée dans la propriété et la gestion d’établissements de santé en Amérique du Nord et au Royaume-Uni.

Liz

Un autre complexe pour personnes retraitées du Groupe Maurice, qui aura 10 étages, sera construit dans Notre-Dame-de-Grâce, à quelques minutes de marche de la station de métro Vendôme, dans un terrain vague à l’intersection de la rue Sainte-Catherine et du boulevard De Maisonneuve. Le choix de l’emplacement de la résidence Liz est loin d’être fortuit.

« Nos projets sont toujours situés dans des milieux urbains structurés, près de commerces et de services de proximité, parce qu’on veut nous assurer de maintenir le plus longtemps possible l’autonomie de notre clientèle, explique Yveline Roc, directrice du développement immobilier. La qualité de vie des utilisateurs passe par l’emplacement d’un projet sur un site bien spécifique. Les aménagements paysagers, avec beaucoup de jardins et d’arbres, sont aussi très importants, de même que l’aspect technique des bâtiments et leur performance énergétique, même si une certification n’est pas toujours visée. »

La participation sociale du Groupe Maurice a attiré l’attention de la société d’investissement immobilier Ventas lors des pourparlers menant à leur entente, révèle Rita Kataroyan, vice-présidente, marketing et communications. « Quand on s’installe quelque part, on redonne à la communauté, précise-t-elle. On revitalise un quartier en nous assurant que tout ce qui entoure la résidence soit de bon goût et que le quartier dans son ensemble en profite. »

Au Liz, cet engagement sera particulier, puisqu’un espace d’environ 15 000 pi2 (1393,5 m2) sera réservé à la Fondation de l’Hôpital de Montréal pour enfants. Celle-ci y installera des bureaux et pourra offrir six chambres à des parents d’enfants soignés au Centre universitaire de santé McGill (CUSM), qui se trouve tout près.

Demain Montréal

Le projet Demain Montréal, sélectionné dans le cadre du concours international Reinventing Cities, organisé par le réseau C40 pour encourager la revitalisation urbaine à faible émission en carbone, sera lancé sous peu. Cogir Immobilier et Pomerleau s’apprêtent à métamorphoser le site de l’ancienne cour de voirie de la Commune, dans l’arrondissement de Ville-Marie, tout en luttant contre les changements climatiques.

L’immeuble locatif au cœur du projet, qui comportera des logements abordables, sociaux et familiaux, visera une certification LEED Platine, révèle Stéphane Villemain, vice-président, responsabilité sociale d’entreprise, chez Ivanhoé Cambridge, filiale immobilière de la Caisse de dépôt et placement du Québec. « On veut également rendre l’édifice carbone neutre avec notamment 100 % d’utilisation d’énergies renouvelables et l’optimisation des consommations énergétiques. Beaucoup de travail est fait au niveau de l’enveloppe dans la conception. Lors de la construction, on va favoriser le recyclage des matériaux et l’économie circulaire. Une autre dimension dont on est très fier, c’est celle de la biodiversité, en ramenant la nature en ville. Il va y avoir une ferme urbaine et une forêt urbaine. »

Ce projet répond parfaitement aux objectifs d’Ivanhoé Cambridge, qui a réduit de près de 20 % l’empreinte carbone de l’ensemble de ses immeubles depuis 2017 et vise une réduction de 35 % d’ici 2025, pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2040. « On est un investisseur de long terme et on est convaincu qu’un investissement qui est durable, c’est aussi un investissement qui va être rentable, explique M. Villemain. On arrive à intégrer plusieurs dimensions dans ce seul projet qui, selon nous, sera un bel exemple de ce qu’on veut faire davantage à Montréal, mais aussi dans les autres grandes métropoles du monde. »

Ancienne Brasserie Molson

Le Groupe Sélection, le Groupe Montoni et le Fonds immobilier de solidarité FTQ se sont portés acquéreurs du vaste terrain de l’ancienne brasserie Molson, au centre-ville de Montréal. Il est trop tôt pour dévoiler des détails précis, souligne Philippe Bouclin, vice-président, développement immobilier, du Groupe Sélection. « On peut quand même se prononcer sur le fait que les plus hauts standards de l’industrie sur le plan de la certification vont être visés, au même titre qu’à Espace Montmorency. Même que si on peut aller encore plus loin, on va le faire. »

Le terrain répond à de nombreux critères que recherche le Fonds immobilier de solidarité FTQ, fait remarquer Marianne Duguay, vice-présidente à la gestion d’actifs. « En ce qui concerne le développement durable, on est en train d’établir nos balises, mais je peux vous dire qu’on favorise les développements mixtes, donc avec différentes composantes, à proximité du transport en commun, ainsi qu’un processus de conception intégrée, dit-elle. Comme institution financière, on prend part au développement des projets immobiliers dans lesquels on investit et on influence nos partenaires pour qu’ils construisent de mieux en mieux avec les méthodes de construction les plus vertes. »

« Ce terrain est un parfait exemple de développement durable, poursuit-elle. On réutilise un immeuble et un terrain, on crée un quartier à usage mixte qui est hyper structurant pour les gens qui vont y habiter et y travailler, et on vient célébrer l’héritage du site grâce à un musée. On va permettre à toutes sortes de clientèles de se loger de façon convenable avec du logement social, abordable, du locatif et des condos. »

En tout, 6000 unités d’habitation sont prévues.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.