Mon clin d'œil

Les cégeps se préparent à la légalisation du pot. Ça fait 50 ans qu’ils s’y préparent.

Réplique

Une bonne idée malgré tout

En réplique à la chronique d’Alain Dubuc « Taxer la viande ? Encore une fausse bonne idée »

Nous avons pris acte de l’opposition d’Alain Dubuc à notre proposition de taxer la viande comme une des flèches du carquois visant à lutter véritablement contre le réchauffement climatique. Ce débat en vaut la peine, la population se sentant tellement impuissante et désarmée devant l’immensité des défis qui se posent à elle et l’immobilisme relatif de nos gouvernements. Quelques points saillants afin de continuer à alimenter la discussion.

1) M. Dubuc s’attaque tout d’abord à nos chiffres quant à l’importance de l’élevage comme source d’émissions de GES. On peut toujours chipoter sur les estimations, mais celles-ci, qu’elles émanent du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) ou de la Food and Agriculture Organization (FAO), vont toujours dans le sens où l’élevage et le secteur agro-industriel sont une source très importante de GES qui s’apparente au secteur des transports, voire l’excède.

2) Comme plusieurs, M. Dubuc trébuche dans le piège d’analyser la question des changements climatiques dans une perspective « locale ». Le réchauffement climatique a des effets qui ne connaissent pas de frontières. Les entreprises délocalisent leurs productions dans des pays aux réglementations environnementales plus laxistes. Et même si le Québec utilisait 100 % d’énergie propre, les Québécois contribueraient quand même au réchauffement climatique planétaire par leur consommation de produits chinois fabriqués avec de l’énergie issue du charbon.

3) Le Global Warming Potential (GWP), ou potentiel de réchauffement planétaire (PRP), du méthane est autour de 75 sur 20 ans, un horizon beaucoup plus pertinent pour le choix de politiques publiques que les 100 ans théoriques sur lesquels le facteur de 21 cité par M. Dubuc repose.

4) Dans une perspective exclusivement québécoise, en effet, si on veut être logique « climatiquement parlant », M. Dubuc a raison et l’on devrait également étendre une taxe aux produits laitiers.

5) Le chroniqueur semble privilégier une intervention du côté des producteurs, le cas échéant, plutôt qu’une taxe sur la consommation. Mais on peut intervenir tout aussi bien du côté de la production (marché du carbone) que de la consommation (taxe sur le carbone). Les deux sont largement utilisés en ce moment comme instruments de valorisation du CO2.

6) Pas besoin de taxe, nous dit M. Dubuc, la consommation de viande a diminué au cours des 30 dernières années au Canada ! C’est exact. Par habitant, la consommation de viande rouge a diminué de 36 % (pour le bœuf et le porc) entre 1980 et 2016. Malgré cela, le World Cancer Research Fund International recommande de limiter la consommation de viande rouge à 300 g par semaine, soit 15,6 kg par année. Au Canada en 2016, on consommait encore 35,7 kg de bœuf, porc, veau, agneau et mouton seulement par année. Ainsi, bien que la demande ait fortement diminué, la consommation reste encore largement supérieure aux recommandations de l’organisme international.

7) En tant qu’économiste, M. Dubuc le sait très bien : une taxe peut servir à tenir compte des coûts sociaux d’une décision privée qui génère des conséquences négatives pour la collectivité. Pensons au tabac. Elle est d’autant plus efficace lorsqu’elle est conjuguée à d’autres mesures d’atténuation comme la réglementation et la sensibilisation. On n’a pas à « matraquer » le contribuable ! Mais, pour être efficace, (c’est-à-dire pour inciter un changement dans les « comportements humains sous-jacents »), la taxe doit être conséquente, a fortiori si la sensibilité du consommateur aux majorations de prix est faible. Mais comme pour le tabac, la malbouffe ou le sucre, le gouvernement a un rôle de « despote bienveillant » à jouer en incitant la population à prendre des décisions qui tiennent compte des coûts sociaux de leurs décisions privées. Le nouveau Guide alimentaire canadien à paraître, qui préconisera une diminution de la consommation de protéines animales, s’inscrit évidemment dans cet arsenal d’instruments.

8) La régressivité d’une taxe sur les bas revenus est facilement atténuable par l’usage de crédits d’impôt remboursables. Encore ici, on n’a pas à être dans le « tout ou rien ».

En guise de conclusion, les personnes qui ont décidé d’adopter une consommation réduite (ou nulle) de viande ne l’ont pas fait par désir d’imposer un mode de vie aux autres, comme le prétend quelque peu insidieusement le chroniqueur. (D’ailleurs, qui impose quoi à qui ?!) C’est plutôt l’inverse qu’il aurait fallu dire : elles ont plutôt pris cette décision parce que la raison l’exigeait. Toute une différence !

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.