« Le dossier est clos », estime Couillard
QUÉBEC — Après le passage tumultueux de Jacques Daoust au ministère des Transports, Philippe Couillard confie les rênes du plus gros donneur d’ouvrage au Québec à un élu d’expérience, proche du monde municipal, Laurent Lessard.
Élu pour la première fois en 2003, le député de Lotbinière-Frontenac en est à son cinquième ministère. Il était plutôt à l’écart des projecteurs depuis le retour au pouvoir des libéraux en avril 2014, comme titulaire des Forêts, de la Faune et des Parcs. Cette responsabilité échoit maintenant au député de Rouyn-Noranda – Témiscamingue, Luc Blanchette, qui était délégué aux Mines. Le ministre des Ressources naturelles, Pierre Arcand, récupère ce dossier.
Le premier ministre Philippe Couillard a procédé hier à des changements à son cabinet ministériel pour la cinquième fois depuis le début de l’année. Cette fois, c’est la démission de Jacques Daoust, vendredi, qui a provoqué le remaniement.
M. Couillard a nié que ces mouvements de personnel et les controverses en série témoignent d’un manque de stabilité au gouvernement.
« Ce n’est pas quelque chose qui est du jamais vu en politique. Il y a toujours de l’imprévu dans la vie politique. »
— Philippe Couillard, en conférence de presse
Le « plan du gouvernement reste le même », à savoir « équilibrer les finances publiques pour investir en santé et en éducation et amener le Québec vers la nouvelle économie ».
Jacques Daoust a décidé de quitter la vie politique quelques heures après que le premier ministre eut refusé de lui réitérer sa confiance.
Philippe Couillard le sommait d’apporter des « réponses sérieuses très rapidement » sur son rôle entourant la liquidation des actions d’Investissement Québec (IQ) dans Rona à la fin 2014. Le dévoilement d’un échange de courriels survenu à l’époque entre la direction d’IQ et le cabinet du ministre Daoust est la goutte qui a fait déborder le vase. Le chef de cabinet de M. Daoust à l’époque, Pierre Ouellet, a donné son « OK » à la transaction par courriel après avoir été sollicité par IQ. Jacques Daoust maintient malgré tout qu’il n’a jamais donné le feu vert et que, du reste, il n’a jamais été informé de cette vente d’actions.
Philippe Couillard s’est entretenu avec M. Daoust vendredi, et la rupture s’est faite.
« On est arrivé à une situation où, de toute évidence, on ferait face à deux versions irréconciliables de la réalité. »
— Philippe Couillard
« Et il n’était pas question de laisser le travail du gouvernement être ralenti ou distrait par ce genre de controverse là. D’ailleurs, M. Daoust et moi en avons convenu », a-t-il affirmé hier.
Le premier ministre a soutenu que ni lui ni aucun membre de son cabinet n’ont donné leur accord à la liquidation des actions d’IQ dans Rona à la fin 2014. Il n’avait pas été mis au courant de cette transaction.
Pour lui, « le dossier est clos » et « il faut aller de l’avant », même si des contradictions embrouillent toujours cette histoire. Le détaillant américain Lowe’s a acheté le géant québécois de la quincaillerie en février. « La transaction a eu lieu » et était « consensuelle », le conseil d’administration de Rona était d’accord, les marchands participants l’ont acceptée. « C’est comme ça qu’il faut continuer de développer le Québec. Bien sûr, on veut protéger nos sièges sociaux, mais c’est de ça qu’il s’agit essentiellement. »
L’opposition n’entend pas en rester là. Une commission parlementaire spéciale aura lieu jeudi pour faire la lumière sur les circonstances entourant la liquidation des actions d’IQ dans Rona. Philippe Couillard a répondu qu’il n’a « pas de problème du tout » à ce que Pierre Ouellet témoigne. Mais il s’est empressé d’ajouter que « c’est aux parlementaires d’en décider ». Les députés libéraux ont refusé jusqu’ici que M. Daoust et M. Ouellet soient entendus. Pour le premier ministre, leur témoignage ne paraît pas essentiel. « On connaît bien les éléments du dossier, mais si les parlementaires veulent procéder différemment, ce sera à eux de décider. »
« Il ne faut pas se surprendre de voir les partis d’opposition utiliser bassement cette situation à des fins partisanes. Je vous préviens qu’ils vont continuer. Mais le dossier est clos. Il est clos parce que la transaction a eu lieu », a-t-il ajouté.
Robert Poëti n’avait jamais accepté d’être évincé du Conseil des ministres plus tôt cette année. Il doit maintenant faire son deuil d’un retour aux Transports avec la décision de M. Couillard. Sam Hamad, retiré du Conseil des ministres et de son poste au Trésor – de façon « temporaire », disait le premier ministre – en raison d’une controverse, reste sur la touche. M. Couillard laisse son sort en suspens.
Pour le chef intérimaire du Parti québécois, Sylvain Gaudreault, les réponses de Philippe Couillard sont insatisfaisantes. « Ça veut dire qu’on continue dans cette lancée d’un premier ministre qui ne sait rien, qui ne dit rien, qui ne voit rien. Sur une décision aussi importante, qu’il ne le sache pas, c’est absolument inconcevable et inexcusable de la part d’un premier ministre. On doit faire toute la lumière sur cette histoire », a-t-il soutenu. Il met en doute la parole du premier ministre et soupçonne que M. Couillard ou son entourage a autorisé la vente des actions. « Ça veut dire qu’il liquide les joyaux du Québec à coup de OK par courriel, ce qui est inacceptable. » En plus de MM. Ouellet et Daoust, le PQ veut entendre le chef de cabinet de M. Couillard, Jean-Louis Dufresne, en commission parlementaire.