C’est tout un pan de leur vie que dévoilent les participants au docuréalité Un vrai selfie, diffusé dès demain sur les ondes d’Unis TV. Une vingtaine de minutes chaque jour pendant 10 semaines, ces jeunes adultes de 18 à 27 ans ont exprimé leurs états d’âme à la caméra. Un moyen pour eux de lever le voile sur ce que peut être le quotidien d’une personne aux prises avec un problème de santé mentale.
Rien à voir, donc, avec les images souvent aseptisées des réseaux sociaux. Un vrai selfie présente aux téléspectateurs une vision sans retouche des hauts et des bas des participants. Ces derniers ont aussi accepté d’assister chaque semaine à une thérapie de groupe filmée.
Ce concept nous vient de Norvège, où il a d’ailleurs beaucoup fait parler. « Je trouvais qu’il y avait vraiment quelque chose d’intéressant dans l’idée que les jeunes doivent documenter eux-mêmes leur parcours. C’est une idée qu’on n’avait pas vue ici », explique Nicola Morel, concepteur au développement pour l’entreprise de production Trio Orange.
« Il y a quelque chose de très personnel, très journal intime, et ça part de la façon dont beaucoup de jeunes se confient aujourd’hui. »
— Nicola Morel, concepteur au développement
Il précise toutefois que l’équipe derrière ce docuréalité a surtout voulu mettre l’accent sur les solutions aux problèmes de santé mentale.
« Ce qui est important, c’est que les gens vont pouvoir se reconnaître, aussi, croit pour sa part Marie-Anne Sergerie, la psychologue qui a accompagné les jeunes à l’occasion des rencontres de groupe. Ce qui semble piquer la curiosité des téléspectateurs, c’est la possibilité de se reconnaître chez certaines personnes ou dans certaines de leurs difficultés. Ou encore un de leurs proches. C’est important. Ça montre que ça peut toucher tout le monde, mais aussi que l’on peut faire quelque chose. On peut aller chercher de l’aide et comprendre ce qui se passe dans notre vie. »
La psychologue a recommandé que tous les participants soient évalués par un psychologue indépendant afin de s’assurer qu’ils puissent vivre cette expérience.
Une grande fatigue
Dès le départ, dans les extraits retenus pour les deux premiers épisodes, les jeunes expriment toute leur vulnérabilité. « J’ai comme mal au ventre. Tantôt j’avais mal au cœur. Pis je suis brûlé. Je n’ai plus d’énergie… On dirait que je vais faire, genre, un burnout. Maudite marde », raconte entre autres Miguel, 18 ans, couché dans son lit, la caméra dans la main.
« Le fait d’être plus fatigué, ça t’a amené à être plus anxieux », lui fait remarquer la psychologue à l’occasion de la rencontre hebdomadaire.
« Oui, ça augmente. C’est ça… », acquiesce Miguel.
La discussion se poursuit, et la plupart des participants racontent qu’eux aussi, ils éprouvent un grand besoin de dormir. « Comme toi, j’étais hyper fatiguée. J’ai dormi… j’ai trop dormi cette semaine. Je faisais des siestes chaque jour. C’est un moyen… c’est comme du gros évitement aussi. Si je suis fatiguée, je vais être plus anxieuse, et je sais qu’en allant dormir, je mets tout ça sur pause », résume Camille, 19 ans.
Une ouverture
L’expression des états d’âme devant la caméra, dans leur intimité, puis dans une thérapie de groupe semble plaire à la majorité des participants. « J’ai hâte de revoir les autres. Je suis comme un enfant ; je compte les dodos. Je compte les dodos ! », s’est exclamé Jérémie, 25 ans. Isolé entre autres par un trouble obsessionnel-compulsif (TOC), par un trouble anxieux et par l’hypocondrie, il s’ouvre, devant l’objectif.
Le jeune homme entraîne les téléspectateurs devant une de ses portes, chez lui. Il tourne la poignée. La porte est manifestement verrouillée. Jérémie sait qu’elle est bel et bien fermée à clé, mais l’inquiétude le gagne : « Là, ça a fait “toc toc”. Elle était-tu vraiment barrée ou si c’était le début d’un mouvement […] pour l’ouvrir ? », demande-t-il à l’écran, conscient de son trouble.
« Je comprends la mécanique du TOC, mais il y a comme un sentiment qui ne se détache pas que ça me protège. Pis je l’sais que c’est niaiseux ! », lance-t-il.
« Moi, j’ai pas de la misère avec la réalité ; j’ai de la misère avec ce qui est imaginaire… ce qui n’est pas là. »
— Jérémie, 25 ans
« C’est difficile de mesurer quel sera l’impact réel de [ce processus], mais je pense que les bénéfices seront plus grands que les inconvénients, affirme Marie-Anne Sergerie lorsqu’on aborde la question de l’intimité des participants. On a eu des discussions avec l’Ordre des psychologues pour discuter de tout ça, et c’est ce qui ressortait : quand on met tout dans la balance, en s’assurant que les jeunes soient accompagnés même encore aujourd’hui s’ils en éprouvent le besoin, on minimise le plus possible les inconvénients pour maximiser les avantages. »
Un travail
Une fois l’expérience terminée, Noémie, 18 ans, explique que la possibilité de mettre des mots sur ses émotions à la caméra, et de filmer sa réflexion, a un effet positif sur sa lutte contre l’anxiété. N’empêche, elle souligne qu’à la télévision ou pas, tout processus thérapeutique implique un travail parfois laborieux. « On dit qu’il faut aller chercher de l’aide, oui, mais c’est un travail. Dans la vie, on montre ça souvent comme quelque chose qui est facile comme processus, mais c’est tough. Il y a des hauts et des bas dans une thérapie. »
Marie-Anne Sergerie abonde dans le même sens : non, il n’y a pas de miracle. « Ils ont tous cheminé, progressé, mais chacun a un parcours qui est unique, précise-t-elle. Je vois la thérapie comme un jardin où l’on sème des graines. Parfois on va récolter des choses plus rapidement. Ça reste un processus, une démarche qu’ils ont à poursuivre. »