Éducation

Faible taux de diplomation malgré les investissements

Si le Québec a un faible taux de diplomation, est-ce surtout la faute à un manque d’argent ? Pas vraiment, répondent les chercheurs Mia Homsy et Simon Savard, de l’Institut du Québec, dans leur étude intitulée « Les jeunes Québécois décrochent plus qu’ailleurs au Canada malgré les efforts de financement ». Selon eux, le Québec doit surtout revoir ses façons de faire et s’inspirer du modèle ontarien. Explications.

Diplomation « très faible »

Le taux de diplomation dans les écoles publiques québécoises est « très faible », le pire au Canada, soulignent les chercheurs. La proportion des jeunes qui obtiennent leur diplôme d’études secondaires en cinq ans atteint 64 %, un écart de 20 points avec l’Ontario, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick. Le Québec affiche un retard de 8 points avec la province qui le précède dans le classement, et de 13 points avec la moyenne canadienne. Le Québec stagne depuis 2008, alors que l’Ontario a beaucoup progressé.

Le retard des garçons

La donnée qui frappe le plus la chercheuse Mia Homsy : l’écart entre les filles et les garçons pour le taux d’obtention de diplôme. Les garçons affichent un retard de 14 points de pourcentage, une situation unique au Canada. Cet écart est même trois fois plus élevé que dans la plupart des autres provinces. À peine 57 % des jeunes garçons québécois réussissent leur secondaire en cinq ans, alors que c’est 82 % en Ontario. « C’est majeur ! Ça montre qu’il y a clairement quelque chose qu’on ne fait pas de façon optimale. C’est presque la moitié des garçons à l’école secondaire publique qui n’a pas son diplôme en cinq ans », soulève Mme Homsy.

Les chercheurs s’inquiètent également de la faible réussite des élèves handicapés ou en difficulté d’apprentissage et d’adaptation (EHDAA). Or, leur nombre est en progression. Ils forment 20 % de l’effectif total dans le réseau public, et 12,7 % dans le réseau privé.

Les écoles privées font mieux

Les résultats précédents ne tiennent pas compte de la performance des élèves qui fréquentent le réseau privé. Ce dernier accueille près de 20 % des élèves du secondaire au Québec, contre moins de 5 % ailleurs au Canada. Le taux d’obtention du diplôme d’études secondaires en cinq ans s’élève à 87,6 %, soit 27 points de plus que dans le réseau public. Si l’on tenait compte du réseau privé, le taux de diplomation global au Québec se situerait à environ 68 ou 69 %. La province resterait malgré tout au dernier rang du classement canadien. Le taux de diplomation et de qualification est de 93,1 % dans le réseau privé.

Une question d’argent ?

« L’argument du manque de financement ne peut, à lui seul, expliquer la faiblesse persistante du taux de diplomation au Québec », concluent les chercheurs. Au cours de la dernière décennie, il y a eu « une croissance soutenue du financement » : la croissance réelle – qui dépasse l’inflation et la variation du nombre d’élèves – a atteint entre 0,5 % et 1 % par année. Entre 2004 et 2014, donc avant les politiques du gouvernement Couillard, les dépenses des commissions scolaires ont augmenté de 23 % au Québec, contre 18,9 % en Ontario et 20,8 % au Canada. Les chercheurs constatent que « la croissance du financement est similaire au Québec et en Ontario », alors que l’un a vu son taux de diplomation stagner et l’autre bondir. « On ne peut nier que des efforts de financement ont été faits dans la dernière décennie au Québec, mais malheureusement, ça n’a pas eu d’impact sur le taux de diplomation », affirme Mia Homsy.

Les dépenses publiques et privées au titre de l’éducation primaire et secondaire représentaient 3,8 % du produit intérieur brut (PIB) en 2014-2015 au Québec, comme en Ontario. Mais en raison de l’écart de richesse entre les deux provinces, le Québec dépense somme toute moins par habitant en éducation : 1725 $, contre 2082 $ en Ontario et 1952 $ pour la moyenne canadienne. Selon les chercheurs, « les dépenses par élève au Québec sont relativement comparables à celles de plusieurs autres provinces canadiennes ». Ils recommandent de financer l’école publique québécoise « minimalement au-delà de la croissance du nombre d’élèves et de l’inflation (environ 3,3 % de croissance annuelle) avec un ajustement additionnel » en vue d’augmenter la diplomation.

Où est le problème, alors ?

« Le problème semble tenir davantage aux façons de faire actuelles et au choix des mesures et des programmes mis en place pour améliorer la diplomation », estiment les chercheurs. Selon eux, le Québec devrait se pencher sur les raisons du succès de la réforme ontarienne.

Les chercheurs déplorent le fait qu’il n’y ait au Québec aucune évaluation systématique des programmes en éducation. Par exemple, on n’a pas mesuré l’effet de la réduction du nombre d’élèves par classe. Il est « urgent » de corriger la situation, selon eux. Ils relèvent également un problème de transparence dans l’accès aux données colligées par le Ministère et les commissions scolaires. Ils se prononcent pour la création d’un institut national d’excellence en éducation afin de diffuser les meilleures pratiques et de prendre des décisions sur la base des résultats probants de la recherche. Le gouvernement Couillard a promis de mettre sur pied un tel institut, mais il ne l’a toujours pas fait. « Investir davantage sans modifier les façons de faire et sans revoir les programmes risque de ne rien changer », préviennent les chercheurs.

— Avec la collaboration d'Audrey Ruel-Manseau, La Presse

Éducation

De premiers de classe à rois des décrocheurs

Comment le Québec peut-il battre des records en matière de décrochage scolaire, alors qu’un rapport du Conseil des ministres de l’Éducation du Canada (CMEC) publié lundi révèle que les Québécois de deuxième secondaire sont les meilleurs au pays en mathématiques ? Les résultats antinomiques de ces deux études laissent perplexe et mystifient les experts qui tentent de comprendre.

« C’est une énigme. » Égide Royer, professeur à la faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval, s’avoue désorienté. L’expert a remis en doute par le passé des résultats d’épreuves du CMEC qui évaluent les performances des jeunes élèves. Or, dans le cas présent, la méthodologie du CMEC pour son Rapport de l’évaluation pancanadienne en lecture, en mathématiques et en sciences 2016 lui apparaît fiable.

« J’ai été voir s’il y avait des biais au niveau de l’échantillonnage, et ce n’est pas le cas dans cette étude-là », a observé le professeur.

Un échantillonnage représentatif ?

En vertu de cette étude menée en 2016, les élèves de deuxième secondaire du Québec sont les meilleurs au pays en mathématiques et se comparent à ceux des autres provinces en sciences et en lecture. Mis à part en lecture, où les filles sont légèrement meilleures que les garçons, les deux sexes sont à égalité dans les autres matières.

« Cette étude-là me dit que ceux qui ont répondu, qui étaient assis à remplir l’évaluation, sont aussi bons que l’ensemble [de leurs camarades canadiens]. Mais reste que ça ne se traduit pas dans la diplomation ! Est-ce que les jeunes en difficulté répondaient au questionnaire ? Est-ce que ceux qui ont répondu représentent bien l’ensemble du système ? Si oui, il faut se poser des questions sur la persévérance scolaire », avance Égide Royer.

Après une sélection d’écoles puis de classes de façon aléatoire, près de 30 000 élèves à l’échelle pancanadienne étaient admissibles, et 27 487 ont répondu. Les procédures d’échantillonnage ne disent pas précisément quels types d’élèves constituaient les classes choisies et si ces dernières faisaient partie d’un programme spécial.

« C’est bien que les enquêtes internationales démontrent qu’on performe bien, mais en même temps, comment ça se fait qu’on échappe un garçon sur deux au public ? »

— Mia Homsy, chercheuse de l’étude « Les jeunes Québécois décrochent plus qu’ailleurs au Canada malgré les efforts de financement »

Fait intéressant, les données analysées par la chercheuse Mia Homsy et son équipe pour démontrer les retards en diplomation au Québec proviennent d’études menées par le CMEC.

« C’est très difficilement explicable que [les élèves québécois] puissent être aussi performants dans les tests, alors que c’est clair qu’on a un enjeu de décrochage scolaire qui est documenté tant par Statistique Canada que par le ministère de l’Éducation et des Sports », expose la chercheuse.

« On a fait des politiques de lutte [contre le] décochage scolaire, avec une préoccupation particulière pour les garçons parce que c’est un fait, on le sait. Alors, il doit y avoir quelque chose dans les études comparatives qui ne cible pas les élèves qui ont décroché. Ou alors ils ont déjà décroché ? Je ne sais pas », avoue la chercheuse.

Cerner le problème

Pour comprendre ce qui se passe entre la deuxième et la cinquième secondaire et cerner pourquoi tant de jeunes se perdent en chemin, les experts s’entendent pour dire qu’il faut un suivi beaucoup plus rigoureux des politiques en place.

« Même si un financement adéquat, c’est important, ce qui est encore plus important, c’est de s’assurer qu’on a de bonnes façons de faire et admettre qu’on n’a peut-être pas pris les meilleurs moyens pour atteindre nos objectifs, croit Mme Homsy. On ne peut pas mettre des centaines de millions pour réduire les tailles des classes et ne pas regarder ce que ça donne ensuite. »

Le professeur Royer est du même avis. Il croit aussi que la maternelle dès 4 ans et l’école obligatoire jusqu’à 18 ans constituent le nerf de la guerre. Mais avant toute chose, le sujet doit intéresser la classe politique et la population, croit-il.

« Il faut que l’éducation devienne un sujet aussi important que la santé », clame-t-il à l’aube de la campagne électorale provinciale.

Quelques faits saillants

Les élèves québécois, filles et garçons, ont atteint des scores significativement supérieurs en mathématiques par rapport au reste du Canada.

Le rendement en mathématiques s’est amélioré au Québec entre l’année de référence 2010 et 2016.

Les écoles francophones ont surpassé les écoles anglophones en sciences au Québec et en Saskatchewan, ce qui diffère des résultats pancanadiens, où il n’y a pas d’écart sur ce plan.

Le Québec, l’Ontario et l’Île-du-Prince-Édouard sont les seules provinces qui ont obtenu un score égal ou supérieur à la moyenne du Canada en lecture, en mathématiques et en sciences.

Le taux de diplomation sur sept ans dans le réseau public est de 80 % au Québec.

30 % des élèves du secondaire ont une difficulté d’apprentissage et d’adaptation ou un handicap, et 31 % d’entre eux vont décrocher un diplôme.

Sources : Programme pancanadien d’évaluation en lecture, mathématiques et sciences, étude « Les jeunes Québécois décrochent plus qu’ailleurs au Canada malgré les efforts de financement » 

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