En installant 24 panneaux solaires sur la maison de ville qu’il venait d’acheter et de rénover dans le quartier Park Slope de Brooklyn, il y a cinq ans, Michael Guerra a réalisé un rêve de jeunesse.
« Depuis que j’ai 18 ans, je souhaite bâtir une maison qui utiliserait de l’énergie renouvelable », raconte cet agent immobilier de 55 ans qui n’a jamais oublié l’appel lancé en 1979 par le président Jimmy Carter en faveur de l’énergie solaire.
Ce dont Michael Guerra ne se doutait pas à l’époque, c’est qu’il serait aujourd’hui l’un des 60 producteurs d’électricité de la Brooklyn Microgrid, miniréseau qui alimente des centaines de consommateurs dans trois quartiers de l’arrondissement new-yorkais – Park Slope, Gowanus et Boerum Hill – et qui aspire non seulement à croître, mais aussi à devenir un modèle planétaire.
« Je suis ce qu’on appelle un prosumer, car je produis et je consomme de l’électricité. »
— Michael Guerra
« Depuis que le miniréseau a été lancé, en avril 2016, je ne paie plus que les frais de base pour mon énergie, c’est-à-dire environ 20 $ par mois pour une maison de trois étages. Et je vends l’électricité que je n’utilise pas. C’est vraiment la situation gagnant-gagnant par excellence. »
Derrière la Brooklyn Microgrid, il y a LO3 Energy, entreprise naissante qui a choisi de s’établir à New York pour profiter de la réglementation progressiste de l’État en matière de production et de distribution d’énergie. L’objectif des fondateurs est de tirer profit des nouvelles technologies pour décentraliser, maximiser et verdir l’énergie.
Changer sa consommation d'énergie
« L’industrie de l’énergie doit changer », dit Scott Kessler, directeur du développement commercial de LO3 Energy, qui a également un bureau à Portland, dans l’Oregon. « Nous avons le même modèle, ou presque, depuis Thomas Edison. Ce que les grands fournisseurs d’énergie comme Con Edison réalisent, c’est que leurs consommateurs sont en train de devenir leurs concurrents lorsqu’ils installent des panneaux solaires, des éoliennes, des batteries de stockage. C’est l’avenir de l’industrie et notre rôle est de faciliter le virage. »
Brooklyn Microgrid est le premier projet de LO3 Energy, qui compte sur l’appui technologique et financier du géant allemand Siemens.
« Nous avons passé six ou sept mois à chercher un endroit à New York où ancrer le projet. Ce petit coin de Brooklyn est, à mon avis, l’endroit parfait », dit Lawrence Orsini, PDG et cofondateur de LO3 Energy, en vantant la diversité socioéconomique des quartiers Gowanus, Boerum Hill et Park Slope, où l’on retrouve un secteur industriel, des logements sociaux et des maisons de ville parmi les plus chères de New York.
« Le coin a une forte tradition écologique, poursuit Scott Kessler. Si vous pensez aux hispters de Brooklyn, ils sont ici depuis un bon bout de temps. Ils veulent vraiment acheter de l’énergie verte. Ils veulent vraiment installer des panneaux solaires. Ils sont vraiment partisans d’une économie circulaire locale. »
Jamais sans la blockchain
Mais la Brooklyn Microgrid n’aurait pas vu le jour dans sa forme actuelle sans la blockchain, le système de validation sécurisée et automatisée sur lequel repose le bitcoin. Dans le domaine de l’énergie, la blockchain facilite la mise en place des réseaux intelligents décentralisés.
« Ce que nous constatons, c’est que cette technologie est vraiment une excellente façon de mettre en relation des personnes qui veulent faire affaire directement les unes avec les autres sans intermédiaire. »
— Scott Kessler, directeur du développement commercial de LO3 Energy
« Plutôt que d’échanger des données financières, poursuit M. Kessler, on échange des données sur la quantité d’énergie qu’un individu produit, la quantité d’énergie qu’un individu consomme, et on leur permet de faire des transactions directement. »
Chaque prosumer de la Brooklyn Microgrid est muni d’un compteur intelligent qui favorise non seulement les échanges, mais aussi les économies d’énergie.
« Il y a dans tous les réseaux une valeur cachée qui peut être dévoilée et exploitée avec la bonne technologie, dit Lawrence Orsini. Au-delà des échanges de pair à pair, c’est pour cette raison qu’il y a un intérêt partout dans le monde pour ce type de réseau de distribution qui valorise chaque participant, et non pas seulement les générateurs d’énergie. »
Depuis le lancement de la Brooklyn Microgrid, LO3 Energy a également annoncé des projets de miniréseaux en Australie et au Japon ainsi qu’un partenariat en France.
« Notre expertise ne doit pas seulement servir aux hispters de Brooklyn, elle doit aussi fonctionner pour les gens de Berlin, Sydney, Tokyo et Montréal », dit Scott Kessler.