Échangeur Sherbrooke/A25

Une intersection « dangereuse » pour les cyclistes

Résidant du quartier de Mercier-Est depuis 27 ans et adepte du vélo, Daniel Chartier affirme que la rue Sherbrooke, entre les stations de métro Radisson et Honoré-Beaugrand, est l’un des endroits les plus inhospitaliers de tout l’est de Montréal pour les cyclistes. Avec le projet d’optimisation de l’autoroute 25, dit-il, ça va devenir « extrêmement dangereux ».

Depuis des mois, l’architecte paysagiste retraité de la Ville de Montréal multiplie les lettres de mise en garde auprès du ministère des Transports du Québec, de la Ville de Montréal, de l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve et de blogues et médias locaux pour dénoncer la conception d’une bretelle d’accès à l’A25, prévue dans le réaménagement de l’échangeur Sherbrooke.

Les automobilistes roulant en direction est, dans la rue Sherbrooke, peuvent déjà emprunter une sortie pour aller prendre l’A25 Sud en direction du tunnel La Fontaine, près du centre commercial Place Versailles. Cette bretelle simple et un peu sinueuse sera remplacée par une bretelle double en arc, beaucoup plus large que la sortie actuelle.

À l’entrée de cette nouvelle bretelle, la rue Sherbrooke comptera ainsi jusqu’à cinq voies de largeur sur une courte distance pour faciliter le passage d’autobus provenant du terminus régional Radisson, et qui emprunteront cette bretelle pour rouler en direction de la Rive-Sud.

« Pour un cycliste qui roule vers l’est sur la rue Sherbrooke et qui doit traverser cette intersection-là, dit-il, il n’y a aucun moyen de prévoir ce que vont faire les automobilistes qui arrivent derrière lui. Et ça va être pire quand les automobilistes vont avoir la possibilité de tourner à droite en double ligne, après l’élargissement de la bretelle. C’est un “tue-monde” qu’ils sont en train de fabriquer là. »

CRAINTE PARTAGÉE

M. Chartier n’est pas le seul à le penser. Dans une lettre adressée au ministre Jacques Daoust pour réclamer une « véritable consultation publique » sur ce projet d’optimisation de l’autoroute 25, la conseillère municipale du district Maisonneuve–Longue-Pointe, Laurence Lavigne Lalonde, affirme qu’« à cinq endroits, les cyclistes seront pris entre deux voies de circulation donnant accès au réseau autoroutier », selon la conception actuelle du projet.

À Vélo Québec, le directeur de la recherche, Marc Jolicoeur, croit de son côté que le projet, dans l’ensemble, propose des améliorations aux cyclistes, mais « qu’il aurait fallu que ça aille un cran plus loin », notamment à cette intersection de la rue Sherbrooke. « C’est l’élément le plus critique du projet », dit M. Jolicoeur.

« Si les piétons disposent d’un feu de circulation pour traverser à cet endroit-là, il faudrait que les cyclistes puissent profiter de la même phase de feu pour traverser aussi en toute sécurité. Ils ne peuvent pas s’engager sans aucune protection dans la traverse d’une longue entrée d’autoroute. Encore moins si les voitures peuvent tourner à deux de large dans cette entrée. »

— Marc Jolicoeur, directeur de la recherche à Vélo Québec

Même le maire de l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, Réal Ménard, qui défend bec et ongles le projet conjoint du MTQ et de la Ville de Montréal, reconnaît en entrevue avec La Presse que « ce n’est pas un aménagement idéal pour les cyclistes ».

Lors d’une rencontre récente entre citoyens et des représentants du MTQ, organisée par l’arrondissement, « on a convenu autour de la table qu’il y aurait des améliorations à faire au niveau de ce carrefour, affirme le maire Ménard. On peut convenir de cela. »

Au moment d’écrire ces lignes, le MTQ n’avait encore confirmé aucune modification à cette partie du projet.

PLUS SÉCURITAIRE, DIT LE MTQ

Selon le porte-parole du MTQ, Mario St-Pierre, la reconfiguration de l’échangeur qui relie la rue Sherbrooke à l’autoroute 25 « comporte plusieurs améliorations qui vont faire en sorte que ce carrefour [sera] plus sécuritaire pour les piétons et les cyclistes ».

M. St-Pierre cite en guise d’exemple le nouvel aménagement des bretelles d’accès à la rue Sherbrooke, où le débit des véhicules provenant de l’autoroute 25 sera contrôlé par des feux de circulation, l’aménagement d’une piste piétonnière et cyclable entre les rues Tellier et Hochelaga et l’apaisement d’une partie de la rue Curatteau, qui sera désormais réservée à la seule circulation locale, entre les rues Hochelaga et Sherbrooke.

Quant à la sortie de la rue Sherbrooke, il y aura maintenant deux voies pour prendre la direction de l’A25 Sud, confirme M. St-Pierre.

« Nous allons donc installer un feu pour piétons, avec décompte numérique à l’intersection de la rue et de la bretelle. Ce feu pour piétons sera synchronisé avec le premier feu de circulation en amont, à l’entrée de la Place Versailles. Le déplacement des piétons sera donc protégé. »

— Mario St-Pierre, porte-parole du MTQ

Quant aux cyclistes, ajoute-t-il, « il faudra qu’ils traversent en respectant le Code de la sécurité routière », en suivant le flot de la circulation de la rue Sherbrooke.

« S’ils demeurent sur leur bicyclette, ajoute M. St-Pierre, ils devront faire attention. S’ils décident de devenir piétons en prenant le feu à pied, à côté de leur bicyclette, ils seront mieux protégés. »

Un commentaire qui irrite le directeur de la recherche à Vélo Québec, Marc Jolicoeur. « La très grande majorité des cyclistes ne descendront pas de vélo pour traverser. Ça, c’est une conception des années 60. Normalement, aujourd’hui, on n’envisage plus les choses de cette façon-là. »

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