Chronique

Une Terre d’accueil

C’est sûrement la nouvelle de l’année. Que dis-je, de la décennie ! Même du siècle ! Possiblement du millénaire, de tous les millénaires. Pourtant, on en a moins parlé que de la venue de Semin à Montréal ou de la chicane entre Taylor Swift et Katy Perry. C’est parce que c’est trop gros. Et trop loin. On a trouvé une nouvelle Terre !

Des astronomes ont découvert une exoplanète similaire à la Terre. Donc habitable par du monde comme nous. On pourrait y aller comme on va à Old Orchard. En gougounes. Elle est située à la même distance de son étoile que la distance séparant la Terre du Soleil. Les rayonnements solaires sont similaires, pas besoin de changer nos pots de crème. On se met de la 30, et on est correct ! La gravité serait cependant deux fois plus grande que sur la Terre. Je ne suis pas astrophysicien, mais ça doit vouloir dire que si une pomme y tombe d’un arbre, on n’aura pas le temps de se tasser avant de la recevoir sur le coco ! Suffira de s’y habituer.

Non mais vous rendez-vous compte de l’ampleur de cette découverte ! La mission du capitaine Kirk est accomplie ! L’humanité est sauvée ! On a trouvé une terre d’accueil. Quand la fin du monde va arriver, on aura un endroit pour en commencer un nouveau. C’est sûr qu’il vaut mieux que la fin du monde n’arrive pas demain, parce que la nouvelle Terre n’est pas à la porte. Elle est à 1400 années-lumière de chez nous. Pas besoin de demander le chemin à votre GPS, c’est au-delà du territoire qu’il couvre. Même Guy Laliberté ne peut, pour le moment, se payer le voyage. Mais faisons confiance à la science, on trouvera bien, un jour, une façon de s’y rendre. Le vol risque d’être long. Peut-être une dizaine d’années, Air Transat est mieux de prévoir un peu plus d’espace pour les jambes et quelques grignotines supplémentaires pour les ventres.

Les astronomes l’ont nommée Kepler-452b. Bonjour la poésie ! Fly me to the Moon, ça se chante bien. Fly me to the Kepler-452b, ça sonne moins bien. On pourrait, bien sûr, l’appeler la planète Maurice-Richard, mais une partie de l’humanité risque de se sentir délaissée. Ça prend un nom plus général, mais qui affirme que cette planète fait partie de la même famille que la Terre : la ColocaTerre, l’UniversiTerre, l’ÉgaliTerre ? Philippe Couillard propose l’AusTerre.

Si les premiers humains que l’on y envoie font partie d’une téléréalité à la Occupation double, on pourrait l’appeler la CélibaTerre. Avec des CélibaTerriens et des CélibaTerriennes. On rigole, mais le peuplement de cet endroit sera d’une extrême importance. Quelle sorte de colons foulera ce sol ? Parce que tant qu’à tout recommencer sur une autre planète, aussi ben recommencer ça drette. Ne pas faire les mêmes erreurs qu’on a faites sur la nôtre.

D’abord, il ne faudrait pas seulement envoyer Adam et Ève, faudrait envoyer aussi Robert et Robert. Un couple hétérosexuel et un couple homosexuel. Que ce soit bien représentatif de la société actuelle. Et un coup parti, Mireille et Mireille, aussi. Chacun son condo. Ce qu’il faut, c’est éviter les conflits. Créer un nouveau monde sans guerre. Sans violence. Tant qu’ils seront six, ça risque de fonctionner. C’est quand ils vont se multiplier que ça va se compliquer. Tous les occupants de Kepler ne doivent pas reproduire les frontières de la Terre. Il faut que cette planète reste un grand jardin, comme dans la chanson de Moustaki.

Le leader idéal pour Kepler-452b est, sans l’ombre d’un doute, Luc Ferrandez, le maire du Plateau. Imaginez comme il y serait heureux ! Une planète au complet sans voitures. Sans rues. Sans commerces.

Un plateau de verdure. Avec que des vélos ! Ferrandez président de Kepler ! Enfin la chance de gouverner une société idéale, sans corruption et sans pollution. J’y crois.

Vous me direz qu’il y a peut-être déjà des gens là-bas. Des Kepleriens. Ça, c’est sûr, ça change la donne. Petit hic. Surtout si leur leader est plus Poutine que Plateau.

Admettons que, réchauffement de la planète oblige, on soit une maudite grosse gang à monter dans le vaisseau de Guy Jodoin pour fuir à 1400 années-lumière de la Terre. On arrive sur l’autre Terre et on essaie de tasser les habitants qui y sont déjà, comme on a fait avec les Amérindiens. S’ils sont encore aux arcs et aux flèches, on risque d’y arriver, mais s’ils sont rendus à l’ère de Star Wars, on va y goûter. On ferait mieux d’arriver là profil bas. Comme des migrants de la mer ou plutôt des migrants de l’espace. Demander l’hospitalité. Et s’intégrer à leurs us et coutumes, tout en conservant notre culture.

Voudront-ils de nous ? Bonne question. Tout dépend de ce que nous pouvons leur apporter. L’extracteur à jus, l’iPhone, les sushis, la musique, Netflix… Peut-être qu’ils n’ont pas tout ça. Mais pour se faire vraiment accepter par un groupe, la seule chose que l’on doit apporter, c’est notre bonne volonté. Il nous reste quelques années pour la trouver.

C’est pas parce qu’on a découvert une planète similaire à la Terre qu’on peut se foutre de l’environnement, en se disant qu’on n’aura qu’à déménager le temps venu. Non, monsieur Harper, ce n’est pas une bonne idée. Il y a encore trop d’incertitudes sur la façon dont Kepler-452b pourra nous accueillir pour « scrapper » notre planète d’origine.

Il risque de ne jamais y avoir de planète capable de nous supporter autant et aussi longtemps que la bonne vieille Terre. Deux comme elle, ça ne se peut pas. L’herbe est toujours plus verte dans la galaxie voisine. Essayons de garder la nôtre, verte aussi. Sait-on jamais, peut-être est-ce les Kepleriens qui viendront chez nous ?

Nanu, nanu, parlez-vous français ?

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