Personnalité de la semaine

Un grand inventeur du tout petit

Muthukumaran Packirisamy, qui préfère qu’on l’appelle Muthu, n’est pas un ingénieur comme les autres. Notre personnalité de la semaine est un inventeur passionné par l’infiniment petit, par le croisement de la biologie, de la technologie et du génie sur des carrefours se mesurant en micromètres. Et encore.

Je le rencontre un samedi matin à son laboratoire à l’Université Concordia, en plein centre-ville, un centre de recherche occupant plusieurs espaces sur plusieurs étages équipés pour des millions de dollars en machinerie ultraspécialisée. Des microscopes, des appareils de mesure, de coupe, de compression, d’analyse. Il y a de la fibre optique, et partout, des affiches expliquant les projets publiés, les inventions.

On se croirait dans un James Bond ou un Mission Impossible : quand il faut comprendre comment atteindre le cœur du labo secret de savants futuristes. Dans certains endroits, on ne peut entrer sans avoir été préalablement astiqué, réemballé dans une blouse proprissime, parce qu’un simple grain de poussière que l’on transporte sur nos vêtements pourrait écraser les inventions du professeur.

Il me fait visiter son labo et me parle de toutes sortes de projets, de microcomposantes formant des microsystèmes qui sont eux-mêmes des microlaboratoires d’analyse de fluides avec des tubes presque aussi fins que des cheveux tenus sur une petite plaque grosse comme le bout du doigt. Devant un microscope, il m’explique que si on essaie de comprendre les réactions mécaniques des cellules sous la pression, on peut déterminer leur nature, analyser leur état de santé, élément prometteur de la lutte contre les cancers.

On jase des similarités entre le comportement des composantes des cellules et celui des étoiles dans l’univers… Entre la dérive des sociétés dans Star Wars et celle des cellules cancéreuses.

Il m’explique ce qu’il a inventé pour détecter les hormones de croissance dans le lait  ! Il me rassure sur l’intelligence artificielle, qui ne prendra jamais le dessus sur celle des humains. « Il y a des limites physiques », dit-il. Pour reproduire notre façon de penser, en trois dimensions plutôt qu’en deux dimensions, comme les ordinateurs, ça dégagerait trop de chaleur…

Une véritable pointure

Muthu Packirisamy est professeur et chercheur à la faculté de génie Gina Cody de Concordia, où il dirige le Centre d’intégration Micro Nano Bio et le laboratoire des microsystèmes biooptiques du département de mécanique, génie industriel et aérospatial.

Le 11 décembre dernier, la National Academy of Inventors, organisme américain sans but lucratif qui a pour mission d’encourager l’invention dans le monde universitaire, l’a nommé membre.

Il est le 11e Canadien ainsi reconnu, mais le premier Québécois.

Une cérémonie officielle aura lieu le 11 avril au Space Center Houston, au Texas. 

Le professeur Packirisamy travaille principalement sur les micro- et nanotechnologies. Il cherche à miniaturiser et à intégrer les fonctions d’analyse, de mesure ou de détection généralement faites au moyen d’imposantes machines dans de minuscules plateformes physiques plus petites que des timbres-poste. 

Il a commencé ça après avoir travaillé sur de gros moteurs d’avions. Le petit le fascinait davantage.

La passion des maths

Né dans le sud de l’Inde, dans une ville appelée Kumbakonam, dans l’État du Tamil Nadu, au pays des dosas et des currys dont il aime retrouver les saveurs à la Maison de Madras, rue Mackay, ou chez Thanjai, avenue Van Horne, Muthu Packirisamy est le premier scientifique de sa famille. Chez lui, on était dans les affaires agricoles, dit-il. Il y avait une ferme et on faisait du commerce. 

Mais il y avait aussi, dans sa communauté, une passion pour les maths, qu’il a totalement faite sienne. Quand il a été accepté à l’université, il balançait entre la médecine et le génie. Il a finalement opté pour le génie, « parce que ça me tentait de faire des maths ».

Après son premier cycle, il est parti faire une maîtrise à l’Indian Institute of Technology, à Madras. Puis il est entré sur le marché du travail. Mais à la fin de la vingtaine, il a décidé de faire un doctorat et s’est demandé où aller.

À Concordia, non seulement on faisait de la recherche en microtechnologie – « ça me semblait vraiment l’avenir » –, mais les bourses étaient intéressantes. Il a pris un avion pour le Canada. 

Son doctorat terminé, il est retourné en Inde et est allé à Bangalore, où il a rencontré celle qui deviendrait sa femme. Une astrophysicienne qui travaille en aéronautique – « elle, son truc, ce sont les radiotélescopes » – avec qui il a un fils de 14 ans, passionné par les sciences, qui étudie à Brébeuf. « La première fois que je l’ai amenée ici, c’était en novembre. Il s’est mis à neiger, elle a trouvé ça beau. »

C’est après avoir travaillé dans le privé que le professeur a choisi de devenir chercheur et enseignant à Concordia, en 2002. Là, il est généralement entouré d’une équipe de 25 chercheurs – 15 doctorants, 5 à la maîtrise, 5 au postdoctorat, sans compter les étudiants du premier cycle – pour faire avancer ses projets. Il compte une vingtaine de brevets d’invention.

Le défi maintenant, c’est de commercialiser tout ça. Car les impacts concrets de ses inventions sont immenses et réels. Saviez-vous qu’il a découvert comment faire de l’électricité avec des algues ? « Assez pour recharger des piles… »

À suivre.

Muthukumaran Packirisamy en quelques choix

Un livre :

Se libérer du connu, de Jiddu Krishnamurti

Un film :

The Shawshank Redemption

Un personnage historique : 

Bouddha pour la science et Gandhi pour la politique

Un personnage contemporain : 

JK, Jiddu Krishnamurti, d’origine indienne qui a vécu aux États-Unis et au Royaume-Uni, promoteur d’une éducation alternative, qui n’entre dans aucune catégorie

Une phrase :

Bouger lentement pour aller loin.

Une cause :

L’égalité et l’humanité. « Sur ma pancarte, j’écrirais : “La compassion est le sommet du courage.” »

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