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Nombre d’artistes francophones qui ont pris part hier à l’événement Constellation francophone, une série de concerts déployée sur six scènes à travers le pays, de Whitehorse à Toronto en passant par Moncton. Le volet québécois, au parc de la Francophonie, dans la capitale, était animé par Jean-François Breau et Marie-Eve Janvier. Les chanteurs Marjo, Alexandre Désilets, Paul Daraîche et Mara Tremblay, notamment, étaient de la fête. — La Presse

Chronique

Le troisième lieu

Cette histoire de bibliothèque retrouvée intacte en Belgique après 200 ans m’a hautement fasciné. Imaginez un peu : une pièce dont les murs étaient couverts de livres et qui avait été mystérieusement protégée des ravages du temps par ses propriétaires pendant plus de deux siècles a été mise au jour récemment. Cet endroit, situé dans une demeure de la ville de Bouillon, a été dévoilé au public par l’entremise des médias.

Celui qui avait constitué cette bibliothèque était un intellectuel français qui avait fui les troubles de la Révolution française en 1789 pour venir s’établir chez ses voisins du Nord. Au fil des ans, il avait rassemblé un total de 182 ouvrages rares datant du XVIIIe et du XIXe siècle.

La plupart des ouvrages découverts abordent des thèmes historiques ou géographiques. La pièce la plus précieuse est un atlas d’Abraham Ortelius, l’un des plus grands cartographes du XVIe siècle. Considéré comme le premier atlas moderne, l’ouvrage date de 1575 et ne fut imprimé qu’à une centaine d’exemplaires. Sa valeur est estimée à environ 70 000 $.

Les propriétaires de la demeure qui abritait cette caverne d’Ali Baba ont fait venir un expert d’une salle de ventes de Bruxelles. Ce dernier a eu un véritable choc en pénétrant dans la pièce. Rien n’avait été déplacé depuis la mort du bibliophile.

Je vous avoue que j’ai été déçu d’apprendre que cet expert avait, à la demande des propriétaires, fait l’inventaire des trésors et transporté les ouvrages dans une salle afin de procéder à une vente aux enchères. Celle-ci a eu lieu mardi dernier. 

Quels sont les endroits dans le monde qui sont demeurés intacts pendant deux siècles ? Cela relève de l’ultime rareté.

Dans les châteaux anciens, tout est refait, retouché, remanié, restauré. Là, nous avions un formidable exemple d’une pièce intouchée pendant des siècles qui laissait encore croire à la présence de son propriétaire.

La magie est rompue, l’endroit a été violé. Le temps qui avait cessé d’avancer a recommencé à faire tourner les aiguilles du pendule. Dommage…

Quoi qu’il en soit, cet évènement a suscité chez moi une réflexion sur l’importance des bibliothèques, ces endroits précieux que certains n’hésitent pas à qualifier de « troisième lieu ». 

En effet, depuis l’avènement des « bibliothèques comme lieu de vie » (BAnQ en est un bel exemple), celles-ci seraient devenues le tiers lieu des citoyens, après la maison et le travail.

Cela témoigne de l’importance de ces endroits qui symbolisent le savoir, qui favorisent la découverte et qui nourrissent la curiosité. J’étais, pas plus tard que mercredi, à la Grande Bibliothèque et je me redisais à quel point il s’agit d’un grand succès. Peu importe l’heure à laquelle vous y allez, elle fourmille de gens et d’activités.

D’ailleurs, nous pouvons nous estimer très chanceux à Montréal d’avoir une bibliothèque qui est ouverte quatre soirs par semaine jusqu’à 22 h (six soirs pour la section « Actualités et nouveautés »). Savez-vous combien d’institutions du genre dans le monde tentent d’obtenir ce droit ou l’argent nécessaire pour atteindre cet objectif ?

Ainsi, j’ai été renversé d’apprendre que le ministre de la Culture, Luc Fortin, annonçait une réduction de 2,4 millions du budget annuel de BAnQ. Le ministre s’est empressé de préciser que ces coupes n’auraient pas d’impact sur les services offerts à la population. On verra bien.

N’empêche, en réduisant le budget d’une telle institution, 12 ans après son inauguration, on envoie un curieux message. On amorce surtout un système d’érosion irréversible.

C’est souvent comme cela avec nos grandes institutions culturelles : on part en lion et on ne cesse d’affaiblir le lion par la suite.

Il n’y a qu’une seule façon d’empêcher ce début d’érosion, c’est de dire non à ces coupes. En réduisant les moyens financiers d’une institution comme BAnQ, on réduit les moyens pour un peuple de s’enrichir intellectuellement.

Et cette érosion est la pire de toutes.

À voir

Thibaud Poirier est un photographe parisien qui a une prédilection pour l’architecture. Il a parcouru les routes d’Europe pour y découvrir les plus belles bibliothèques. Ses photos font littéralement pousser des soupirs d’admiration. Elles donnent envie de redevenir étudiant ou de devenir chercheur. On peut les voir sur son site web.

À visiter

Qu’ont en commun Jeanne Mance, Jacques Viger, Joe Beef, Oscar Peterson, Léa Roback, Romuald Trudeau, Wilfrid Pelletier et Judith Jasmin ? Ils ont tous légué à Montréal une part de leur savoir, de leur manière d’être, de leurs valeurs. La richesse de cet héritage est au cœur de l’exposition Mon cœur est Mtl qui présente 41 portraits de Montréalaises et Montréalais à travers des objets et des mots.

À BAnQ jusqu’au 7 janvier 2018

À savoir

Si vous êtes de passage à Paris cet été, sachez que la Bibliothèque nationale de France accueille l’exposition La bibliothèque, la nuit, créée par Alberto Manguel et Robert Lepage. Permettant aux visiteurs de découvrir des bibliothèques du monde entier grâce à la réalité virtuelle, cette exposition a obtenu un énorme succès lorsqu’elle fut créée à BAnQ à l’automne 2015.

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