Chronique

Occupation rouble

Dans un souper d’amis, si vous glissez, de façon faussement innocente, que vous êtes to-ta-le-ment accro à la passionnante télésérie Occupied, vous allez marquer une quantité phénoménale de points chez vos convives bobos.

Parce que c’est une série norvégienne et que la Scandinavie, allô, tout le monde capote sur les meubles danois, le minimalisme suédois et la cuisine nordique sauvage qui goûte la racine de sapin.

Parce que le scénario dérive d’une idée de la star du polar Jo Nesbø, auteur des livres à succès L’homme chauve-souris, Le bonhomme de neige et Le léopard. Parce que ça joue sur Netflix (le câble, c’est tellement 1997, n’oubliez jamais ça). Et surtout, parce que c’est diablement efficace, intelligent et captivant.

C’est le genre de production de qualité supérieure – et à gros budget – qui devrait inspirer les créateurs d’ici. Occupied, un peu comme l’excellente série danoise Borgen, nous montre une réalité scandinave bien locale, qui aborde des enjeux universels lui permettant de pénétrer dans tous les téléviseurs et ordinateurs de la planète.

Alors, Occupied – offert en norvégien avec sous-titres anglais, je préfère vous en avertir – est un thriller géopolitique d’anticipation. Le premier épisode plante rapidement l’intrigue : à Oslo, le charismatique premier ministre, un environnementaliste pur et dur, stoppe complètement la production nationale de pétrole et de gaz naturel afin de freiner le réchauffement de la planète. Dorénavant, la Norvège ne carburera qu’aux sources d’énergie renouvelables, martèle-t-il.

Évidemment, cette décision draconienne bouscule l’échiquier sociopolitique mondial, car l’ultra riche Norvège regorge d’or noir et la fermeture de ses robinets plonge l’Europe dans une crise aiguë.

Solution ? Les leaders de l’Union européenne, désemparés et paniqués, sollicitent l’aide de la Russie pour orchestrer une invasion à la fois douce et ferme, qui relancera le forage en Norvège. Soit les Norvégiens acceptent cette occupation forcée, soit ils déclenchent la guerre contre la Russie. C’est l’un ou l’autre.

À partir de cet instant, les tensions montent et l’action à la Homeland décolle. Le premier ministre norvégien est kidnappé par des agents secrets russes, qui lui font ravaler son joli discours écolo. L’ambassadrice de la Russie à Oslo, la mystérieuse Irina Sidorova, en mène de plus en plus large, même au sein des corps policiers locaux. Les Russes s’infiltrent sur les plateformes et repartent le pompage. Une mesure temporaire, répète, comme un mantra, le premier ministre norvégien.

Sans qu’aucune bombe explose, l’étau se resserre de façon sournoise autour de la population norvégienne, qui ne sait plus comment réagir. Se révolter ou collaborer avec l’ennemi qui se faufile partout dans la capitale ?

En même temps, la présence russe ne bouscule aucunement le quotidien des habitants d’Oslo. C’est ce qui rend Occupied encore plus pernicieux : comment réagirions-nous, par exemple, si les Américains s’emparaient de nos barrages hydroélectriques un peu à notre insu ?

Heureusement, il y a un journaliste tenace qui ne se laisse pas embobiner par les beaux discours officiels. Rapidement, ce reporter sera aspiré dans une histoire d’espionnage impliquant le Kremlin de même que sa propre femme, qui exploite un restaurant fréquenté par des Russes aux poches profondes.

Les images d’Occupied sont superbes et les paysages de la Norvège ressemblent beaucoup aux nôtres. Cela fait vraiment du bien d’entendre des personnages parler plusieurs langues (suédois, norvégien, anglais ou russe) sans que cela pose de problème. Vive les séries ambitieuses et décomplexées.

Chacun des dix épisodes d’une heure d’Occupied porte le titre d’un mois de l’année, illustrant parfaitement la gradation dans le niveau d’oppression des citoyens. C’est vraiment très bon.

GIRLS EN FEU

J’ai vu les huit premiers épisodes de la cinquième saison de la comédie grinçante Girls, actuellement en ondes sur HBO Canada, et j’ai vraiment beaucoup, beaucoup aimé ça. Pour votre info, ARTV ouvre le quatrième chapitre de Girls le jeudi 28 avril à 22 h. Si vous n’êtes pas à jour avec ces filles de Brooklyn, rabattez la couverture de votre tablette tout de suite, merci.

Cette série créée, écrite, réalisée et jouée par Lena Dunham a pris beaucoup de maturité, ses personnages aussi. Shoshanna (Zosia Mamet) habite au Japon et réorganise ses priorités, quasiment avec la méthode Marie Kondo. Marnie (Allison Williams) s’apprête à épouser son copain musicien. Hannah (Lena Dunham) enseigne toujours au même endroit et habite avec son amoureux, tandis que la hippie Jessa (Jemima Kirke) s’est découvert une vraie passion : la psychologie.

Enfin, tout ne tourne plus nécessairement autour de Hannah, la plus égocentrique des quatre amies. Les trois autres copines occupent plus de temps à l’écran, ce qui nous permet d’approfondir leurs histoires et de mieux comprendre pourquoi elles agissent comme des enfants gâtées.

C’est beaucoup moins fâchant et désagréable à visionner, mettons.

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