Chronique

L’Impact et l’après-Drogba

Gérer l’après-Drogba. Pour l’Impact, c’est le plus gros défi en 2017. Malgré son absence du onze partant en fin de saison dernière, sa place dans l’équipe demeurait immense. On ne le surnomme pas « La légende » pour rien. Durant son séjour à Montréal, Drogba a donné un immense retentissement à l’organisation. Joey Saputo et son groupe doivent tabler sur cet élan pour accélérer le développement du club.

« Didier a allumé quelque chose à son arrivée, mais il ne l’a pas éteint en partant, explique Richard Legendre. Notre défi est maintenant de “faire mieux”. En préparant la saison, on a choisi ces deux mots pour orienter nos discussions. La barre est de plus en plus haute. Non seulement parce que l’année 2016 a été notre meilleure à tous points de vue, mais aussi parce que la ligue est en constante progression. »

Le vice-président de l’Impact, à qui j’ai parlé avant le match d’hier, analyse la situation avec lucidité. Fier du travail accompli depuis 2012, première saison de l’Impact en MLS, il sait néanmoins qu’une somme gigantesque de travail reste à abattre. 

« Il faut en arriver au point où ce ne sera plus une nouvelle lorsque nous jouerons à guichets fermés au stade Saputo. »

— Richard Legendre, vice-président de l’Impact

Avec le recul, l’Impact reconnaît avoir mal évalué la place du soccer dans notre paysage sportif en accédant à la MLS. À l’époque, l’objectif était de vendre de 13 000 à 15 000 abonnements. Or, la meilleure saison à ce chapitre a été la dernière : 9500 abonnements, un chiffre que l’Impact espère de nouveau atteindre avant le premier match au stade Saputo, le mois prochain. « Le nombre de billets de saison est la meilleure preuve de notre enracinement, dit Legendre. Mais on partait de plus loin qu’on ne l’avait estimé. »

En MLS, plusieurs équipes font mieux que l’Impact sur ce plan. Ainsi, la nouvelle formation d’Atlanta a écoulé plus de 30 000 abonnements. Les Sounders de Seattle comptent aussi une solide base de fidèles, ce qui leur permet d’attirer plus de 40 000 personnes par match. On imagine sans peine l’effet de cet engouement sur les finances de ces organisations, moins dépendantes des ventes de groupe ou à l’unité.

Malgré les difficultés, plusieurs signes permettent à l’Impact d’envisager l’avenir avec optimisme. Le premier semble anodin, mais vaut son pesant d’or : les meilleurs joueurs de l’équipe profitent maintenant d’une véritable notoriété à Montréal. On l’oublie aujourd’hui, mais ce n’était pas le cas en 2012.

En revanche, les vedettes des clubs adverses demeurent largement anonymes, une différence majeure avec le hockey, où les amateurs connaissent tous les grands noms de la LNH. On parle avec plus de facilité des Bruins de Boston que du Revolution de la Nouvelle-Angleterre…

Autre point positif : l’Impact a développé une chaude rivalité avec le Toronto FC, ce qui constitue l’essence même du sport. Mais c’est seulement en 2015, avec leur premier affrontement en séries éliminatoires, que ce phénomène a vu le jour. Comme quoi l’Impact doit franchir les étapes une à une.

L’équipe est aussi « branchée sur l’international », pour reprendre l’expression de Legendre. Cela a conduit à l’arrivée de joueurs de premier plan comme Ignacio Piatti, Laurent Ciman, Matteo Mancosu… Mais il ne faut pas s’y tromper : avec l’augmentation du nombre d’équipes en MLS, et des propriétaires prêts à dépenser des sommes folles pour remplir les nombreux nouveaux stades bâtis à coups de dizaines de millions, la concurrence deviendra encore plus féroce.

Voilà pourquoi Joey Saputo a fait un bon coup en achetant le Bologne FC, de la Série A italienne. Il a ainsi élargi ses contacts. Et le fait que des équipes prestigieuses comme Chelsea FC et Real Madrid aient effectué un stage estival au Centre Nutri-Lait, le très moderne complexe d’entraînement de l’Impact, a haussé la crédibilité de l’organisation en Europe. C’est un acquis important.

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Gérer l’après-Drogba. Pour remporter ce pari, l’Impact devra vite procéder à des ajustements. Parce que ce début de saison est franchement inquiétant. Après un match d’ouverture sans relief à San Jose, voilà que le Bleu-blanc-noir a bêtement échappé la victoire hier, au Stade olympique. Ce match nul laisse un goût amer, d’autant que l’équipe disputera ses trois prochains matchs à l’étranger.

Sans surprise, Mauro Biello était furieux après la rencontre. Une équipe de vétérans comme la sienne ne doit pas perdre une avance de deux buts dans les dernières minutes de la rencontre.

« Il y avait beaucoup d’expérience dans la formation, huit ou neuf gars de 30 ans et plus qui ont joué dans des matchs comme ça, a dit l’entraîneur de l’Impact. Il faut mieux gérer ces moments. » 

« C’est comme si mon équipe avait simplement attendu le coup de sifflet final. C’est ça qui me choque. Il faut jouer avec un sentiment d’urgence jusqu’au bout. »

— Mauro Biello, entraîneur-chef de l’Impact

En voyant l’Impact perdre ses repères devant le blitz final des Sounders de Seattle, une déclaration de Drogba m’est revenue en mémoire. C’était en novembre dernier, lorsqu’il a commenté publiquement l’imbroglio l’ayant opposé à la direction de l’équipe à propos de son utilisation.

Comme l’écrivit alors mon collègue Pascal Milano, le numéro 11 avait raconté que plusieurs de ses coéquipiers lui avaient dit craindre les effets de son absence. « J’ai répondu : “Si vous n’êtes pas capables de gagner deux matchs sans moi, c’est que vous n’avez rien appris de mon passage ici et vous me rendez vraiment triste.” »

Voilà des mots sur lesquels l’Impact devra méditer. Le message de Drogba, qui en appelait en quelque sorte à la force de caractère du groupe, demeure pertinent quatre mois plus tard.

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