Faire du bien

Le médecin de famille qui connaît son monde

Le réseau de la santé n’a pas toujours la meilleure des réputations, mais les histoires de personnel dévoué abondent. Pour la dernière fois cette semaine, nous vous présentons un professionnel hors normes. Aujourd’hui, le Dr Alain Ouimet, un médecin de famille qui, à 68 ans, fait des visites à domicile, toujours guidé par la passion pour son métier.

Il visite ses patients à domicile, un peu comme le faisait « le bon docteur Marcus Welby », le sympathique médecin de la populaire télésérie américaine des années 70, qu’on décrivait alors comme « le guérisseur, l’ami, le voisin, le confident ».

Ça fait 42 ans que le Dr Alain Ouimet ausculte ses patients, prend le temps de les écouter quand ils ont besoin de parler, ajuste à l’occasion ses horaires en fonction de leurs petites et grandes maladies.

« Je connais mon monde, dit-il sur un ton assumé. J’ai soigné les parents, leurs enfants et leurs petits-enfants ! »

Dans sa pratique, il n’a pas réparé des jambes brisées, mais il lui est arrivé de « prendre soin » de patients qui avaient vécu un stress post-traumatique. Il se souvient d’avoir « suivi pendant quelques années » un ambulancier victime d’un « grand stress ». « Il était intervenu lors d’un grave accident impliquant une fillette âgée de 3 ans, raconte-t-il. Il vivait difficilement cette épreuve. »

Depuis peu, le médecin de Sainte-Adèle, âgé de 68 ans, ne reçoit plus ses patients en clinique, ce qui lui laisse plus de temps pour veiller sur la santé physique et psychologique des personnes âgées encore autonomes. 

« Il y a de nombreuses personnes seules qui ne peuvent se déplacer pour aller à leurs rendez-vous. Je vais les voir à la maison pour les accommoder. Ça leur évite d’être hospitalisées, souvent pour des raisons inutiles. »

— Le Dr Alain Ouimet

Si on lui demande ce qui a marqué sa longue carrière, il répond, tout simplement : « Je ne pourrais dire. J’ai toujours été un médecin de famille, un médecin ordinaire. »

Voilà pourquoi il n’a jamais cherché à se mettre sous les projecteurs.

Il s’étonne même que La Presse s’intéresse à son parcours professionnel. Tout récemment, la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) l’a informé que son travail serait mis en lumière dans une « capsule santé », pour la télé, où l’un de ses patients témoignera de sa façon empathique de faire de la médecine.

Mais il ne songe pas à la retraite. « J’ai encore la santé, j’aime ce que je fais », tient-il à préciser.

L’urgence d’agir

Des patients, il en a vu il ne sait plus trop combien depuis le début de sa carrière, non seulement en clinique, mais également à leur domicile. Il y a quelques années, il lui est même arrivé de sauter dans son automobile pour aller annoncer au patient d’une collègue médecin, alors en congé, qu’il avait un cancer à un stade avancé.

« On avait reçu les résultats des tests sanguins et c’était écrit en rouge, explique-t-il. Il y avait urgence. »

Ce patient, Robert Desjardins, aujourd’hui âgé de 75 ans, ne s’attendait pas à le voir débarquer chez lui, en plein week-end, alors qu’il mangeait avec sa conjointe sur sa terrasse, par une belle journée d’été.

Il a vite compris que c’était sérieux lorsque le Dr Ouimet lui a dit qu’il avait un cancer de stade 4 et qu’il avait rendez-vous le lendemain, en oncologie, à l’hôpital de Saint-Jérôme.

« J’étais sous le choc », se souvient l’ancien conseiller municipal à Sainte-Adèle.

Il ignorait alors que le médecin, qu’il ne connaissait pas, avait mis deux jours à le chercher ! « Je venais d’emménager dans ma nouvelle maison [à Prévost] et, entre-temps, j’avais fait un voyage avec mon épouse. Voilà pourquoi j’étais introuvable », évoque-t-il, après coup.

La reconnaissance

C’est Robert Desjardins – mais aussi sa fille Nathalie – qui a tenu à tirer un coup de chapeau à ce médecin qu’il n’a pas revu depuis l’annonce de son cancer qui aurait pu le tuer.

« Ils se font souvent critiquer, mais on oublie qu’ils sont encore nombreux à prendre du temps pour leurs patients. J’ai senti que ce médecin s’occupait de moi. C’était beaucoup, dans les circonstances. »

— Robert Desjardins

Trente-huit traitements de chimiothérapie plus tard – les traitements l’ont obligé à fréquenter l’hôpital pendant trois ans –, il est bien vivant. « J’ai eu deux récidives, mais je m’efforce de garder la forme. Je fais du sport, je vais au gymnase m’entraîner, je fais mon tapis roulant… »

Il s’accroche à la vie. Il est bien entouré.

De son côté, le Dr Ouimet admet que ça lui fait « chaud au cœur, toute cette reconnaissance ». « J’ignorais que des petits gestes que j’ai pu poser durant ma carrière avaient pu avoir une aussi grande importance », soulève-t-il.

Il avait pratiquement oublié sa visite impromptue chez Robert Desjardins. « J’ai juste fait mon travail, tient-il à rappeler. Si j’avais été dans la même situation que ce monsieur, j’aurais apprécié qu’un médecin prenne le temps de venir m’informer de ma condition. »

Un système déficient

De son propre aveu et de celui de bon nombre de médecins de sa génération, il est aujourd’hui « plus difficile de pratiquer la médecine et d’avoir accès aux médecins spécialistes ». « Auparavant, se souvient-il, ça allait plus rapidement. Mais nous sommes pris avec un système qui a compliqué notre travail. C’est dur ! J’irais même jusqu’à dire que notre système de santé est déficient, que c’est de moins en moins le fun d’y évoluer. » « On en parle beaucoup, ces temps-ci, des systèmes de rendez-vous centralisés, ajoute-t-il. Or, quand on veut faire voir un patient en neurologie, par exemple, on se fait répondre : “On va garder son nom.” On ne sait pas quand il va être vu. C’est assez frustrant… » Et il laisse tomber, nostalgique, mais sans amertume : « J’ai connu les belles années… »

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