Droits des grands-parents

Quand parents et grands-parents se déchirent

Quel genre de conflit amène des grands-parents à se battre en cour pour obtenir accès à leurs petits-enfants ? Qu’en pensent les juges ? Coup d’œil à la jurisprudence par l’entremise de quelques décisions qui vont dans toutes les directions.*

DÉCISION RENDUE EN NOVEMBRE 2012

La situation

Un père divorcé et son fils ont toujours été à couteaux tirés. Quand le fils annonce à son père qu’il va célébrer son mariage à la ferme de sa mère (l’ex du père), la relation père-fils s’envenime. Le grand-père apprendra sur Facebook la naissance de sa petite-fille.

Extrait du jugement

« Je ne veux pas que le Tribunal serve de massue ou d’outil entre vos mains pour forcer votre fils à se plier à votre volonté ou à vous donner ce que vous voulez. […] Votre fils a [déjà] été trop soumis à votre volonté et à votre domination. […] Je vous invite avec tous les bons sentiments qui peuvent m’habiter à poser des gestes appropriés pour essayer de rétablir les ponts et cela pourrait débuter par des lettres. Je vous suggère de ne pas téléphoner au départ, parce que cela serait probablement trop sensible. Commencez donc doucement. Un voyage de mille milles commence par un pas. »

La décision

Aucun droit d’accès à la petite-fille accordé

DÉCISION RENDUE EN MARS 2016

La situation

Une femme reproche à sa mère divers événements qui l’ont blessée et des méthodes éducatives inadéquates. Elle est d’accord pour que sa mère ait un accès à sa petite-fille, mais son conjoint et elle tiennent à ce que cela se fasse en présence d’une personne digne de confiance.

Extrait du jugement

« Le conflit mère-fille est flagrant et sévère. Néanmoins, aussi flagrant soit-il, ce conflit ne justifie pas en soi une interdiction complète des relations entre la grand-mère et sa petite-fille, à moins que la preuve ne démontre qu’il ait un effet néfaste et réel sur l’enfant. »

La décision

Accès supervisé par la personne choisie par les parents un dimanche sur quatre pendant une heure dans un endroit public désigné par la grand-mère et dont le choix doit être avalisé par les parents de l’enfant : bibliothèque, Biodôme de Montréal, parc municipal, etc.

Décision rendue en février 2016

La cause

Une grand-mère a toujours eu des relations tendues avec son fils et sa conjointe. Elle leur reproche entre autres d’avoir donné un prénom de chien à leur fils, de mal le nourrir. Anxieuse, la grand-mère, qui est sous médication depuis 10 ans, a menacé à un moment donné de se suicider si son fils et sa bru ne prêtent pas attention à ses opinons.

Extrait du jugement

« Le comportement [de la grand-mère] a grandement nui à l’instauration d’une relation saine, tant avec son fils et sa belle-fille qu’avec ses petits-enfants. Bien que [le grand-père] ait joué un rôle passif, celui-ci a tout de même, au cours des années, cautionné le comportement de son épouse, notamment par la rédaction de nombreux courriels adressés aux défendeurs. »

La décision

Aucun droit d’accès n’est accordé

Décision rendue en novembre 2015

La cause

Des grands-parents réclament des accès à leurs cinq petits-enfants. La mère s’y oppose. Un des petits-fils se fait représenter par une avocate : il veut revoir sa grand-mère. Selon le juge, elle apparaît comme une grand-mère adéquate. Les parents croient que les grands-parents ont fait un signalement contre eux à la DPJ. Les grands-parents jurent que ce n’est pas eux et le tribunal les croit.

Extrait du jugement

« Aucune démonstration n’est faite que […] ces désaccords qui prennent prétexte de tout et de rien (trop de cadeaux, une bicyclette mal rangée, de rares visites impromptues des grands-parents, une remarque inopportune de la grand-mère glissée dans une conversation à portée d’oreille des enfants) ont une incidence néfaste. »

La décision

Les grands-parents obtiennent des accès à leurs petits-enfants une fois par mois et des contacts téléphoniques avec les plus vieux deux fois par mois. Le juge défend aux parties de dénigrer de quelque façon que ce soit les grands-parents, la mère ou les pères des enfants.

Décision rendue en février 2016

La cause

Un arrière-grand-père veut avoir accès à son arrière-petit enfant alors que ses parents sont en train de se séparer.

Extrait du jugement

« L’arrière-grand-père s’est pour ainsi dire invité dans le litige entre les parents de l’enfant, prenant ouvertement le parti du père de l’enfant alors qu’il sait, ou devrait savoir, que ce conflit engendre un grand stress pour [la mère] et qu’il est porteur d’une charge émotive considérable. »

La décision

Droit d’accès refusé

Décision rendue en décembre 2015

La cause

Des parents disent que les grands-parents sapent leur autorité devant leur fils. Il semble que les parents ont suspendu les visites à la grand-mère quand ils ont soupçonné que c’était elle qui avait fait un signalement à la DPJ, ce que nient les grands-parents.

Extrait du jugement

« L’enfant a grandi en étroite relation avec ses grands-parents paternels et maternels. […] L’enfant a subi plusieurs bouleversements depuis sa naissance : d’abord le décès de son jeune frère, ensuite la séparation de ses parents puis la réconciliation et finalement, le changement de sexe de sa mère qui a nécessité des rencontres avec un psychologue. »

La décision

Droits d’accès accordés tous les deuxièmes samedis, de 9 h à 20 h, trois jours consécutifs pendant les Fêtes, y compris les couchers, quatre jours consécutifs pendant l’été (et plus encore).

Décision rendue en novembre 2015

La cause

Une grand-mère reproche à sa bru la correction verbale qu’elle vient d’infliger à sa fille. La mère, furieuse, pousse sa belle-mère, qui tombe. La grand-mère porte plainte à la police. Depuis lors, les parents ne veulent plus voir la grand-mère. Les parents reprochent à la grand-mère de ne pas respecter leurs méthodes éducatives, et d’avoir notamment coupé les cheveux de l’enfant sans leur accord. Les parents, qui ont déménagé une dizaine de fois et qui sont partis sans payer leur loyer à quelques reprises, sont manifestement instables.

Extrait du jugement

« Considérant l’intérêt supérieur de l’enfant, il est souhaitable que les parties, de part et d’autre, démontrent de la maturité et la protègent en conséquence. D’ailleurs, une ordonnance interdisant aux parties de se dénigrer et de se critiquer mutuellement devant l’enfant permettra de répondre à cette préoccupation tout à fait légitime des parents. »

La décision

Droits d’accès accordés : deux journées pendant le temps des Fêtes, le premier samedi de chaque mois de 11 h à 17 h.

* À noter que ces jugements ne disent pas comment cela s’est vécu ensuite et si les parents ont réellement permis l’accès aux enfants.

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