Montréal

Musique à la biblio

La Ville de Montréal l’a annoncé en grande pompe récemment : il est désormais possible d’emprunter un instrument de musique dans huit bibliothèques municipales. Voilà l’occasion de s’initier à la musique tout à fait gratuitement. Pour connaître le nom des bibliothèques participantes, ou encore pour faire le don d’un instrument pour bonifier le programme, cliquez sur le bouton ci-dessous. 

— Isabelle Audet, La Presse

Monde

Expliquer le terrorisme aux enfants

Après Le racisme expliqué à ma fille, L’islam expliqué aux enfants, voici Le terrorisme expliqué à nos enfants de l’écrivain marocain Tahar Ben Jelloun (Prix Goncourt pour La Nuit sacrée en 1987). Un livre utile et nécessaire « pour les enfants et les parents », précise-t-il. Nous l’avons joint à Paris, où il vit depuis les années 70.

Pourquoi écrire Le terrorisme expliqué à nos enfants ?

Après le 13 novembre, après le massacre du Bataclan, j’étais tellement catastrophé que je me suis dit qu’il fallait expliquer d’où ça vient. J’ai pensé surtout à tous ces parents qui ont perdu un de leurs enfants, ou un des membres de leur famille ou des amis. Comment vont-ils expliquer ça aux autres ? Aux survivants ? Quels mots utiliser ? C’est très difficile. Dans ce livre, je raconte l’histoire du terrorisme depuis la Révolution française, mais j’explique aussi ce détournement de l’islam, ce djihadisme, cette idéologie de terreur, de haine, de panique, de mort. Le principe du terrorisme est d’attaquer les innocents, à l’aveugle. Ils visent un mode de vie, la liberté, la civilisation occidentale, ils visent beaucoup de choses et, d’une certaine manière, ils se vengent du passé colonial, de toutes les humiliations que leurs ancêtres ont pu subir, mais ce n’est pas une raison de tuer des innocents.

Faut-il dire la vérité aux enfants ?

Oui. Je ne me permettais pas de mentir à mes enfants, car de toute façon, ils s’en rendaient compte tout de suite. Les adultes acceptent davantage les mensonges que les enfants. Il faut leur dire la vérité, choisir les mots, le bon moment, il ne faut pas les choquer, mais il vaut mieux les préparer à la vie.

L’éducation est-elle une des solutions contre le terrorisme ?

Oui, mais ça ne va pas arrêter le terrorisme. Cela va préparer les nouvelles générations à ne pas tomber dans ce délire et ce piège. En France, on évalue à 1500 le nombre de jeunes qui ont quitté le pays pour rejoindre l’armée de cet État islamique, il y en a d’autres qui sont partis d’Italie, de Grèce, d’Australie… du monde entier. On n’arrive pas à comprendre comment un jeune homme ou une jeune fille de famille chrétienne petite-bourgeoise bien éduqué, qui a de bonnes notes à l’école, change radicalement et, six mois plus tard, disparaît pour aller en Syrie. Il y a une association qui a été créée ici, La Brigade des mères, qui essaie de prévenir ce genre de dérive horrible et qui lutte contre la montée du radicalisme religieux.

Est-il normal d’avoir peur ?

Oui, bien sûr, car on ne sait pas d’où ça vient. Ce n’est pas un ennemi localisé. En France, chaque attentat a sa spécificité. Le résultat est le même, mais une fois, c’est un journal, Charlie Hebdo, qui a été attaqué, puis le Bataclan, une salle de concert, puis un supermarché, et à Nice, c’était avec un camion le 14 juillet et après, un prêtre a été égorgé dans une église. On ne sait pas quel sera le prochain et où ce sera, alors oui, on a peur et on se sent sans solution.

En France, le principe de laïcité ne semble pas bien compris, est-ce important de bien l’expliquer ?

Dans les écoles, par exemple, on n’explique pas ce qu’est la laïcité. On en parle, mais il faut donner un cours et surtout l’expliquer aux étrangers qui viennent travailler en France, car ils ne connaissent pas la laïcité. Pour beaucoup de gens, c’est synonyme d’athéisme, de refus de religion, alors que ce n’est pas ça du tout. Il y a un vrai manque pédagogique et on pourrait au moins éviter des malentendus. Il y a tellement de bureaucratie à l’Éducation nationale qu’il est difficile de mettre au programme un nouveau livre qui traiterait de ce sujet, j’en ai personnellement parlé à la ministre Najat Vallaud-Belkacem.

Vous parlez dans votre livre des erreurs de la France ?

Il y a des choses qui ont été très mal vécues en France par les musulmans. On parle d’intégration, mais l’immigration, c’était à l’époque de faire venir des gens pour qu’ils puissent travailler. On ne pensait pas que ces personnes avaient une culture, une sensibilité. On ne leur a jamais dit : « Voici vos droits, voici les lois de ce pays, vos devoirs. » C’est normal qu’il y ait une rupture sociologique. Ensuite, en 1975, leur famille est venue les rejoindre et ils ont fait des enfants qui sont des Français qui ont une culture mélangée, un peu d’arabe, de français, d’islam, mais ça donne une identité extrêmement mal à l’aise, qui n’est pas assurée ni équilibrée. C’est à travers ça que le fanatisme réussit à tirer vers lui les esprits qui sont dans le doute. Il y a aussi le racisme, il y a l’échec scolaire, le chômage…

Qu’est-ce qui vous inquiète aujourd’hui ?

La rupture dans la société française est grave. Je ne vois pas d’évolution positive et de compréhension mutuelle. Ça fait plus de 40 ans que je hurle et que je dis qu’il faut faire attention aux banlieues, à ne pas les marginaliser, il faut s’en occuper, mais rien n’a été fait et on a les résultats aujourd’hui. Je ne suis pas très optimiste. Les enfants d’immigrés ne sont pas des étrangers, ce sont des Français, il faut leur donner davantage de chances, s’en occuper et établir un vrai plan de sauvetage, leur donner des moyens, leur trouver du travail. Il faut être concret et positif.

Le terrorisme expliqué à nos enfants

Tahar Ben Jelloun

Éditions du Seuil

14,95 $

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