Rêver au printemps

La lumière au bout de l’hiver

Chaque automne, à la fin octobre, Maxime sort sa lampe de photothérapie du placard pour la mettre sur sa table de cuisine. Tout l’hiver, il va s’installer chaque matin devant le panneau lumineux pour écouter les nouvelles à la radio en prenant son café. 

Pourtant, Maxime est aveugle et ne voit pas la lumière. Mais il fait partie de cette minorité de personnes qui sont aveugles même si leurs yeux sont en santé. Ses yeux ne peuvent pas l’aider à voir, mais ils sont tout de même capables de capter la lumière afin qu’elle puisse chasser le blues de l’hiver.

Dans les régions nordiques comme la nôtre, plusieurs personnes voient leur humeur s’assombrir chaque automne. Cette humeur maussade s’accompagne d’une baisse d’énergie, d’une augmentation de la durée du sommeil et d’une envie irrésistible de manger des aliments riches en sucres. 

Pour certaines personnes, il s’agit d’un désagrément passager, mais pour d’autres, ces changements sont si prononcés qu’ils nuisent aux relations avec les autres, au travail et aux études. On parle alors de dépression saisonnière.

Comme les problèmes apparaissent lorsque les journées raccourcissent et disparaissent progressivement lorsque les journées allongent au printemps, des scientifiques ont proposé la photothérapie, aussi appelée luminothérapie, comme traitement de ce trouble saisonnier.

Ce traitement, qui consiste le plus souvent à s’exposer à un panneau de photothérapie durant une trentaine de minutes tous les matins, est efficace pour la majorité des gens qui souffrent de troubles saisonniers.

Même si le traitement est aussi efficace que des antidépresseurs, on ne sait toujours pas comment la lumière peut affecter notre humeur. Les études récentes en imagerie cérébrale ont montré que les régions du cerveau impliquées dans la régulation de l’humeur réagissent lorsqu’on expose la personne à une stimulation lumineuse. 

D’autres régions du cerveau impliquées dans nos capacités d’attention et de concentration sont également sensibles à la lumière.

La lumière est donc capable d’influencer directement notre humeur et notre vigilance, indépendamment de son rôle pour la vision.

La lumière est aussi très importante pour réguler le sommeil. Notre horloge biologique, qui nous programme pour être éveillés le jour et endormis la nuit, a besoin de la lumière pour savoir à quel moment elle doit favoriser le sommeil ou l’éveil. Comme l’horloge interne de la majorité des gens a une tendance naturelle à prendre du retard, la lumière qu’elle reçoit le matin est particulièrement importante pour la remettre à l’heure. 

DÉCALAGE DE L’HORLOGE BIOLOGIQUE

Durant l’hiver, les nuits s’allongent et il n’est pas rare de se lever à la noirceur. Ce manque de lumière le matin augmente le décalage de l’horloge biologique, ce qui rend le réveil plus difficile et peut avoir un effet négatif sur l’humeur et le niveau d’énergie. Notre horloge biologique a aussi besoin de bien distinguer la différence de luminosité entre le jour et la nuit.

Or, la froidure de l’hiver nous garde plus souvent à l’intérieur des maisons où la luminosité est beaucoup plus faible qu’au grand soleil. De plus, les régions du cerveau responsables de l’humeur et des rythmes biologiques sont particulièrement sensibles à la lumière bleutée, comme celle du ciel bleu durant une journée ensoleillée. La lumière qu’on retrouve à l’intérieur des bâtiments est généralement plus orangée et transmet un message beaucoup plus faible à notre horloge biologique.

Avec le retour du printemps, les journées allongent et le temps s’adoucit. La lumière du soleil le matin nous aide à nous réveiller et nous commençons à passer plus de temps à l’extérieur. Les lampes de photothérapie peuvent retourner au placard à côté des bottes d’hiver. 

Bien sûr, la vue des bourgeons nous réjouit le coeur, mais comme pour Maxime, il n’est pas nécessaire de les voir pour ressentir les bienfaits du retour de la lumière au bout de l’hiver.

Marie Dumont, Ph. D.

Professeure, Département de psychiatrie, Université de Montréal

Directrice scientifique, Centre d’études avancées en médecine du sommeil (CEAMS)

Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal

Alex Desautels, MD, Ph. D.

Professeur adjoint de clinique, Département de neurosciences, Université de Montréal

Directeur clinique, Centre d’études avancées en médecine du sommeil (CEAMS)

Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal

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