Mon clin d’œil

« Ça va être difficile de faire un face-à-face alors qu’on est coude à coude. »

— Philippe Couillard et François Legault

Élections provinciales Opinion

LUTTE CONTRE L’ITINÉRANCE
Il est temps pour les partis de prendre position

Le 1er octobre, les Québécois se rendront aux urnes pour choisir le prochain gouvernement. Jusqu’à présent, on a peu parlé d’itinérance dans cette campagne électorale. Quelle est la position de chaque parti sur la question ?

Pendant ce temps, des organismes de première ligne comme les nôtres – la Mission Old Brewery, la Mission Bon Accueil, Le Chaînon, La Maison du Père, l’Accueil Bonneau et le Pavillon Patricia Mackenzie – continuent d’aider les femmes et les hommes dans le besoin à sortir de la rue et à trouver un logement abordable avec soutien.

En tant que citoyens et électeurs, nous voulons tous vivre dans une société où l’itinérance ne fera plus partie du paysage social.

C’est pourquoi nous demandons aux partis de clarifier leur position, l’itinérance étant principalement de compétence provinciale.

Nous espérons qu’ils seront d’accord que : 

 – Le statu quo ne suffit pas pour apporter les changements que nous souhaitons tous ;

 – Tous les ordres de gouvernement devraient coordonner leurs efforts et leurs plans afin de mettre fin à l’itinérance chronique ;

 – Le financement devrait accorder la priorité aux moyens et aux programmes qui permettent une transition de l’itinérance à la réinsertion sociale, et ce, de façon durable et permanente ;

 – Le financement devrait soutenir les mesures et les projets qui empêchent les gens de tomber dans l’itinérance ;

 – Le financement par les gouvernements et les donateurs doit être lié à l’impact et à des résultats mesurables ;

 – Les organismes communautaires qui cherchent à obtenir des fonds provenant de sources publiques ou privées devraient contribuer à transformer la réalité des personnes sans abri plutôt que de simplement leur fournir un havre de sécurité.

Nous savons déjà, d’après des études réalisées par le passé, environ 3500 personnes vivent une situation d’itinérance chaque soir à Montréal. Comme la plupart d’entre elles ne le vivent que temporairement, on peut supposer que jusqu’à 15 000 de nos concitoyens seront sans-abri cette année. Et malheureusement, de ce nombre, quelque 2500 personnes sont enfermées dans le cycle de l’itinérance chronique – l’itinérance comme mode de vie dévastateur.

Nous savons qu’il existe des solutions de logement qui fonctionnent pour les personnes qui sont souvent qualifiées de « cas difficiles », comme celles qui souffrent de graves problèmes de santé mentale. Nous savons aussi que ces mesures coûtent moins cher que le maintien des personnes dans des refuges temporaires.

Sortir ces hommes et ces femmes de l’itinérance permettra de débloquer un système de refuges saturé et désuet. Il donnera aux organismes communautaires l’occasion de transformer leurs services afin d’éviter la réémergence de l’itinérance chronique.

Nous savons que nous pouvons réduire l’afflux dans les refuges grâce à la mise en œuvre de mesures préventives. Par exemple, nous pouvons nous assurer que les jeunes suivis par la protection de la jeunesse ne vont pas quitter leur famille d’accueil pour atterrir dans la rue dès l’âge de 18 ans. Nous pouvons empêcher les personnes incarcérées de sombrer dans l’itinérance lorsqu’elles sortent de prison.

Nous pouvons également créer des programmes d’aide au loyer qui empêchent les personnes de perdre leur logement en raison d’arriérés de loyer. Un grand nombre de personnes qui vivent l’itinérance ont des antécédents de situations familiales déchirantes et gravement dysfonctionnelles. Il faudrait peut-être réfléchir à introduire un cours sur les responsabilités et les compétences parentales au secondaire.

Chaque année à Montréal, les trois ordres de gouvernement participent à la lutte contre l’itinérance, tout comme des milliers de donateurs. Ces fonds sont un véritable investissement dans notre bien-être collectif. Cet engagement financier de leur part témoigne aussi de la confiance des bailleurs de fonds dans notre vision, notre compassion et notre capacité à changer les choses. 

Mais qu’espèrent les donateurs et les gouvernements après avoir investi cet argent ? Ils veulent ce que nous souhaitons tous : la fin de l’itinérance en tant que phénomène social persistant et, disons-le, inacceptable.

Continuer à financer le statu quo nous donnera plus de ce que nous avons maintenant – des intervenants passionnés, mais une croissance persistante de l’itinérance. Seules une nouvelle vision, une nouvelle conviction et une nouvelle orientation peuvent tenir la promesse de transformer le tissu social de notre société en mettant un terme à l’itinérance chronique.

Et vous, partis politiques, où vous situez-vous ?

* Cosignataires de la lettre : Marcèle Lamarche de l’Association d’entraide Le Chaînon ; Aubin Boudreau de l’Accueil Bonneau ; François Boissy de La Maison du Père ; et Florence Portes du Pavillon Patricia Mackenzie.

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