Adolescent tué à L’Île-des-Sœurs

L’accusé écope de la peine la plus sévère pour mineur

Un adolescent qui a tué un autre garçon de 17 ans à L’Île-des-Sœurs dans un sinistre guet-apens avec sa petite amie échappe à la prison pour adulte, mais écope de la peine la plus sévère pour un adolescent. Ses récents appels à l’aide ont poussé la Couronne à renoncer à réclamer une peine pour adulte. Un changement de cap qui a toutefois bouleversé les proches du défunt.

« Ça nous a enragés », a lâché à La Presse une proche de la famille. Celle-ci était aux côtés de la mère endeuillée de la victime, lorsque le ministère public leur a annoncé la suggestion de peine quelques heures avant l’audience. « [Sa mère] est abattue », a ajouté la proche. Cette annonce les a « bousculés », en plus d’« amplifier » leur colère.

La mère d’origine maghrébine avait livré en décembre dernier dans une lettre crève-cœur toute l’étendue de son désespoir. 

« C’était toute ma vie mes enfants. Je suis venue ici pour un avenir meilleur pour eux, pas pour enterrer [mon fils]. Ma vie n’a plus de sens. [Il] était tout pour moi. »

— Mère de la victime dans une lettre

L’accusé maintenant âgé de 18 ans a plaidé coupable en mai dernier à des accusations d’homicide involontaire et de complot pour commettre un vol qualifié. Sa copine avait attiré la victime dans le bois en le séduisant, alors qu’il se cachait derrière un arbre, armé d’un couteau. Tout ça pour lui voler une once de marijuana. « Donne-moi tout, tout, tout, tout ! », avait crié l’assaillant. Les amoureux avaient abandonné l’adolescent, gravement blessé à une jambe.

Le ministère public réclamait que le jeune tueur soit assujetti à une peine pour adulte, même s’il était mineur lors du crime en novembre 2018. Il risquait ainsi la prison à vie dans un pénitencier. Notons que l’identité des mineurs est protégée par la loi.

Or, les parties ont suggéré lundi en Chambre de la jeunesse de lui imposer une peine de détention jeunesse de trois ans à ce jour, dont la quasi-totalité sous garde. 

Il s’agit de la peine la plus sévère pour un adolescent dans un dossier d’homicide involontaire. Le jeune homme avait déjà purgé 14 mois en détention préventive. Sa complice avait reçu une peine jeunesse de 30 mois.

« Vous avez par vos agissements en cette nuit funeste de novembre 2018 causé la mort de [la victime]. Vous aurez à vivre avec cette mort tout le reste de votre vie. […] Certes la mort n’était pas intentionnelle. Elle n’en est pas moins le résultat de vos décisions : de préméditer un vol qualifié et d’utiliser ce couteau. Autant de décisions et de gestes tout aussi irréfléchis qu’inacceptables qui vous amèneront à commettre l’irréparable », a conclu le juge Jacky Roy en entérinant cette peine « significative ».

L’accusé s’excuse

Le jeune homme a présenté de brèves, mais sincères excuses à la mère et à la famille du défunt. 

« Je veux montrer à quel point je suis désolé, à quel point ma tristesse et ma peine est immense par rapport à ce que j’ai fait à [la victime], que j’ai fait souffrir tous les gens autour de lui. »

— L’accusé lors de l’audience

Une experte de la Couronne décrivait pourtant en décembre dernier un jeune homme qui peinait à se remettre en question et qui continuait de mentir malgré une année de détention. « Je ne peux pas assurer que ce jeune va évoluer suffisamment pour démontrer une bonne capacité à se réinsérer socialement », soutenait la psychologue, en interrogatoire principal.

Or, à la lumière des témoignages des experts et de nouvelles informations transmises par la défense, le ministère public a décidé la semaine dernière de changer de cap, alors que les observations sur la peine devaient se poursuivre cette semaine. Il s’avère que le jeune homme s’est récemment ouvert au fait de recevoir de l’aide psychologique en vue de sa réhabilitation, ont expliqué les avocats. « Il y a un très long travail à faire », a toutefois précisé la procureure de la Couronne, Me Virginie Leblond.

« Il a un plan de réhabilitation tout à fait concret et réel », a maintenu son avocat, Me Tiago Murias. Le jeune homme reconnaît avoir besoin d’aide et a fait beaucoup de cheminement, ajoute-t-il. « Il n’est plus la même personne. […] Il a des regrets sincères », a expliqué Me Murias, qui fait équipe avec Me Lida Sara Nouraie.

Le juge Roy a relevé de nombreux facteurs aggravants dans sa décision : la préméditation du complot, son appât du gain, l’utilisation de la séduction par sa complice et le vol des biens de la victime après le crime. Le juge note toutefois ses remords et le fait qu’il ait pu avoir une « perception erronée » des évènements.

« Il ressort clairement de la preuve qu’un important travail de réhabilitation reste à faire. Actuellement, un travail, bien qu’embryonnaire, est bel et bien amorcé », a soutenu le juge Roy. Ce dernier a conclu l’audience en souhaitant une « bonne réadaptation » au jeune homme et « bon courage » aux proches de la victime.

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