Opinion mariage religieux

J’me marie, j’me marie pas ?

La confusion est déjà présente au sein des couples non mariés ou qui ne sont pas des conjoints civils quant à leurs droits et obligations et, depuis février dernier, une même incertitude plane sur les couples qui se marient religieusement

Une décision rendue en février dernier, qui fait l’objet d’un appel, fait actuellement couler beaucoup d’encre. On peut formuler la question de la façon suivante : le mariage religieux peut-il faire abstraction des conséquences légales qui résultent du mariage ? Mieux encore, doit-on adopter le régime applicable en France où le mariage religieux doit être suivi d’un passage à la mairie pour être un mariage qui produit tous ses effets ?

La double démarche française s’explique par des motifs historiques. La situation au Québec résulte aussi de sources historiques, le clergé québécois a longtemps occupé tout l’espace « de la célébration maritale » avant l’arrivée du mariage civil célébré par une personne autre qu’un ministre du culte. On permet maintenant au « célébrant d’un jour », autorisé par le ministre de la Justice, de célébrer un mariage dans un environnement que certains jugent plus convivial. Ajoutons à cela l’union civile, adoptée par le législateur québécois en 2002, qui visait à permettre au couple de même sexe de bénéficier des avantages du mariage sans le nom. Le législateur québécois ne pouvait permettre aux personnes de même sexe de se marier, le mariage étant de juridiction fédérale.

C’est en 2005, à la suite d’un jugement de la Cour suprême, que le législateur fédéral a modifié la loi pour édicter : « Le mariage est, sur le plan civil, l’union légitime de deux personnes, à l’exclusion de toute autre personne. »

Cette loi fédérale précise dans son préambule : « […] le mariage est une institution fondamentale au sein de la société canadienne et […] il incombe au Parlement du Canada de la soutenir parce qu’elle renforce le lien conjugal et constitue, pour nombre de Canadiens, le fondement de la famille ».

Résumons : il y avait peu de doutes avant février dernier que sur le territoire québécois l’état civil d’une personne pouvait résulter :

– d’un mariage religieux ;

– d’un mariage civil ;

– de l’union civile ;

– d’une union de fait ;

Puis, « youppelaï », la procureure générale elle-même – et par ses procureurs – soutient qu’un mariage religieux pourrait exister sans conséquences civiles donc pas d’obligations entre les « époux ».

Par la suite, elle précise qu’il s’agirait plutôt d’une union spirituelle. Soyons ouvert, il pourrait aussi s’agir d’une union du nouvel âge et pourquoi pas une union ésotérique pour respecter la liberté de choix de tous et toutes (si elle existe bien sûr), ce qui constitue la position de principe de la procureure générale depuis le prononcé du jugement dans l’affaire Éric contre Lola.

Au Québec, des formalités sont nécessaires pour qu’un mariage soit valide et produise ses effets qui, rappelons-le, visent à protéger les époux. Une de ces formalités est la présence d’un célébrant dûment autorisé à célébrer un mariage ou une union civile. Ce célébrant doit – ce n’est pas optionnel – remplir des obligations pour assurer aux futurs époux la validité de leur union et des protections prévues par la loi. Il doit notamment énoncer aux époux les obligations et les droits qui résultent de leur mariage.

Revenons à notre titre : J’me marie, j’me marie pas ? S’il s’agit d’un mariage religieux, depuis février dernier, nous ne sommes plus sûrs. On pourrait demander au célébrant de ne pas acheminer les documents. Il n’y aurait alors pas de mariage parce qu’il n’y aurait pas d’acte de mariage ? Le Code civil prévoit spécifiquement que le célébrant doit acheminer sans délai la déclaration de mariage au Directeur de l’état civil.

La confusion est déjà présente au sein des couples non mariés ou qui ne sont pas des conjoints civils quant à leurs droits et obligations. Doit-on faire vivre une même incertitude aux gens qui se marient religieusement ? Poser la question c’est y répondre.

Il ne s’agit pas de sémantique. Soit c’est un mariage – religieux ou civil –, soit on est en présence d’une union spirituelle ou d’une union du nouvel âge. Ce type d’union, sans le respect des formalités nécessaires, a une valeur morale pour les personnes concernées, mais il ne peut s’agir d’un mariage au sens de l’institution connue et encore moins d’un mariage sans conséquences juridiques. Doit-on préciser qu’un mariage religieux qui ne respecte pas les formalités du mariage n’est pas un mariage mais qu’une union de fait ?

Il ne s’agit pas d’un réquisitoire pour ou contre le mariage. Il faut éviter le mélange des genres et la confusion quant à un des époux ou les deux. Rappelons un principe d’interprétation fondamental d’un texte de loi : « le législateur ne parle pas pour ne rien dire ». En l’espèce, souhaitons qu’il ne sera pas bavard.

Avec égards, il y a plus urgent : les droits de l’enfant issus d’un contrat de mère porteuse et les conjoints de fait, peut-être…

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