Scène musicale de Québec

Les lieux phares de la ville

Le développement d’institutions, d’incubateurs, de lieux de création et de diffusion à Québec a permis l’éclosion retentissante des artistes locaux. Un des acteurs majeurs de cet écosystème florissant : le Pantoum.

L’immeuble qui héberge le Pantoum, rue Saint-Vallier, est plutôt quelconque : pas d’enseigne ni de grande vitrine, seulement un petit autocollant sur la porte vitrée qui s’ouvre sur ce « complexe de création ». En fait, celui qui ne sait pas exactement où se trouve le Pantoum risque fort de passer devant sans s’en apercevoir. 

Pourtant, toutes sortes de choses se passent entre les murs de cet ovni.

« Pour moi, le Pantoum, c’est l’endroit au centre de la scène musicale de Québec », lance sans hésitation Hubert Lenoir.

Le chanteur de Beauport y a enregistré son album Darlène, composé des chansons, répété des spectacles. « Au Pantoum, il y a une ouverture, autant pour ce qui est des mœurs que de l’art et des genres musicaux, dit Hubert Lenoir. Personne n’a froid aux yeux là-bas. »

« L’esprit du Pantoum donne envie de faire quelque chose qui est dans ta face, et ça se retrouve en sous-texte de mon album. […] Pour ce projet, le Pantoum, ç’a été un peu “toute”. »

— Hubert Lenoir

Il n’est pas le seul artiste pour qui le Pantoum a été essentiel. « Je pense que tout le monde est passé par là, le Pantoum est inévitable », confirme Jérôme 50, qui y a présenté des concerts et enregistré en studio avec des amis.

Une cinquantaine de groupes environ y font escale chaque année, selon les deux fondateurs et amis d’enfance, Jean-Michel Letendre Veilleux et Jean-Étienne Collin Marcoux. Ils l’ont mis sur pied en 2012. Ils étaient au début de leur vingtaine. Le duo se voit comme un « facilitateur » dans le monde de la musique de Québec.

Les artistes (émergents surtout) ont accès à des studios d’enregistrement, des salles de répétition, une scène où répéter et roder leurs spectacles, des casiers où entreposer leurs instruments et de grands espaces communs où jaser musique, lire un livre, cuisiner et manger, prendre une pause.

Une collectivité de créateurs

Les deux fondateurs, avec leur concept « au départ un peu plus underground », sont devenus « des acteurs importants pour la mise en œuvre de nouveaux projets expérimentaux, sans vocation lucrative », explique Jean-Étienne Marcoux.

Leur angle d’approche ? Le Pantoum permet le développement d’une communauté artistique et la mise en commun de ressources. Les musiciens qui n’en ont pas les moyens ont accès à des services professionnels et l’expertise des uns sert aux autres.

« Les gens travaillent ensemble, échangent, s’entraident et ça apporte ce bouillonnement. C’était ça, l’idée. »

— Jean-Michel Letendre Veilleux

D’où le nom Pantoum, inspiré de cette forme de poème composée de vers qui s’enlacent et se répètent. Le Pantoum, c’est une collectivité de créateurs, nous expliquent les fondateurs au moment de notre visite.

Se serrer les coudes

Cette effervescence de la relève est le fruit d’une mise en commun des talents et des énergies.

Benoît Villeneuve (alias Shampouing), guitariste de Tire le coyote, « collabore avec tout le monde », dont Lou-Adriane Cassidy, Hubert Lenoir et Gab Paquet. Jean-Étienne Collin Marcoux joue avec Beat Sexü et Anatole et fait la sonorisation pour Hubert Lenoir. Margaux Sauvé a collaboré avec Dragos Chiriac, de Men I Trust, et Louis-Étienne Santais, de Fjord, pour le projet Ghostly Kisses.

Simon Pednault, qui a réalisé l’album de Lou-Adriane Cassidy, a aussi réalisé celui de Gabrielle Shonk.

Simon Kearney, lui, en plus de son projet personnel, fait du remplacement « dans tous les bands », nous raconte son amie Mélodie Spear, dont l’album est réalisé par Shampouing.

Et ce ne sont que quelques exemples. « C’est incestueux à Québec », lance Shampouing à la blague.

« C’est naturel, on n’y pense même pas, affirme Jérôme 50, qui a joué dans les rues du Vieux-Québec avec Hubert Lenoir, travaillé avec Anatole et Julien Chiasson. On est une petite communauté artistique autosuffisante. Tout le monde se connaît et s’investit. »

La « volonté politique »

Guillaume Sirois, conseiller artistique à l’Ampli de Québec, observe qu’il est « mal vu » d’être trop compétitif dans le milieu artistique de Québec. « La beauté et la fragilité, c’est que tu es obligé d’être solidaire. Tu sais que si tu aides l’autre, il va t’aider le moment venu. »

Né d’une « volonté politique », l’Ampli est une initiative du maire Régis Labeaume, inspirée de la Rock School Barbey de Bordeaux, en France.

« On voulait freiner un certain mouvement vers Montréal. On a voulu outiller les nouveaux artistes de Québec pour qu’ils mènent leurs projets en autogestion et approfondissent leur pratique. »

— Guillaume Sirois, qui a participé à la création de l’Ampli

L’Ampli offre des programmes de formation menés par des professionnels, en écriture, en mise en scène, en promotion d’événements. En parallèle, les artistes ont accès à des studios d’enregistrement et de répétition, ainsi qu’à des programmes parfois jumelés à un soutien financier pour la réalisation de projets.

The Seasons, Hubert Lenoir, Jérôme 50, Philémon Cimon, Lou-Adriane Cassidy… Plusieurs artistes montants sont passés par l’Ampli, qui a aidé à créer un « climat favorable », selon Tire le coyote.

« J’ai commencé à faire de la musique au tournant des années 2000, raconte pour sa part Guillaume Sirois. La ville de Québec était triste. Il n’y avait pas vraiment d’encadrement. C’est certain que, sans écosystème, il n’y a rien qui pousse. Tout n’est pas rose, mais on avance. »

Cinq lieux d’importance

Disquaire Le Knock-out

Ouvert en 2013 par Roxann Arcand et son mari Jean-Philippe Tremblay, Le Knock-Out vend surtout des vinyles et des cassettes de musique punk, new wave, électro, tout en ayant une section réservée aux artistes de la ville de Québec. « Je trouvais ça important », explique Roxann. La particularité du Knock-Out tient dans l’espace accordé aux concerts. « Les musiciens viennent “casser” leur set ici, faire de petites prestations, explique la musicienne et copropriétaire. C’est important pour nous de mettre la musique d’ici de l’avant. » Le Knock-Out fait aussi « beaucoup de publicité » pour les groupes locaux, sur ses réseaux sociaux, et accueille des séances d’écoute et des lancements d’albums.

Librairie Saint-Jean-Baptiste

La librairie Saint-Jean-Baptiste s’est transformée il y a quelques années en un lieu hybride conjuguant la vente de livres, de café, d’alcool et la diffusion de spectacles. Jérôme 50 raconte y avoir donné ses premiers spectacles acoustiques, dans une ambiance « intime et le fun ». Pas de scène, mais un espace chaleureux pour des musiciens qui ont besoin d’un lieu où donner des concerts devant un public réduit. De nombreux artistes locaux y passent pour des spectacles plus discrets, entourés de livres.

L’Impérial de Québec

Salle emblématique de la capitale, l’Impérial est un des arrêts incontournables pour les artistes émergents qui cheminent sur la scène de Québec, explique Guillaume Sirois, de l’Ampli. L’édifice datant de 1933, un ancien cinéma, muni d’une salle d’une capacité de 950 places debout, accueille dans ses locaux les bureaux et studios de l’Ampli. « Pour y avoir joué à plusieurs reprises, c’est magique là-bas », raconte Jérôme 50, qui y sera de nouveau en concert en novembre. Une grande diversité d’artistes, tant locaux qu’étrangers, paraît à la programmation de la salle acquise par le Festival d’été de Québec en 2015.

Le Festival d’été de Québec (FEQ)

« Le FEQ est un énorme joueur qui stimule énormément de projets, c’est une richesse pour Québec, croit Jean-Étienne Collin Marcoux, du Pantoum. Les diffuseurs laissent de plus en plus de place à la scène locale. » Fondé en 1968, le Festival d’été de Québec attire une centaine de milliers de spectateurs chaque année depuis 10 ans, une visibilité non négligeable pour les artistes de Québec.

L’Anti bar et spectacles

Diffuseur de musique underground, cette salle du quartier Saint-Roch de moins de 200 places a été ouverte en 2015 par Karl-Emmanuel Picard et Jay Manek, à la place du bar L’Agitée, plusieurs années après la fermeture de « l’ancien Anti ». Si Win Butler, d’Arcade Fire, est monté sur la scène de l’Anti comme DJ il y a deux ans, l’endroit accueille également de plus petits noms. « Pour nous, c’est important de donner un maximum de visibilité aux différents groupes et artistes, soit sur les médias sociaux, par les relations de presse ou l’affichage devant l’Anti et un peu partout dans la ville de Québec », explique Karl-Emmanuel Picard.

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