Chronique

50 nuances de vert en transports

Voilà tellement longtemps que je rêve d’une voiture électrique sans pouvoir en acheter une – les modèles existants sont trop petits pour ma grande famille, trop chers, pas assez autonomes – que l’envie m’en est presque passée.

En une douzaine d’années, peut-être plus, pendant qu’on nous promettait des solutions sans qu’elles se concrétisent, mes besoins ont changé, ma réflexion a évolué.

Si j’achète quelque chose d’électrique pour me déplacer, je crois que ce sera maintenant un vélo. Un vélo prêt à bluffer la petite étincelle d’agacement qui me fait bouder mon deux-roues traditionnel. Avec de l’assistance électrique, je pourrais monter les côtes montréalaises sans sourciller – je sais, je sais, vous êtes tous plus en forme que moi –, ne pas arriver en lavette aux entrevues, en talons…

Je vous ennuie avec mes considérations pratiques détaillées ? Dommage. Parce que c’est ainsi qu’il faut analyser nos besoins en transports. Vous, vous croyez à LA voiture électrique ? Que tout passe par LES transports en commun ? LE vélo ?

Il n’y a rien de plus désuet que de voir le transport écolo comme un choix unique où tous les œufs doivent aller dans un seul panier, fût-ce celui d’un vélo bien urbain ou même le coffre d’une voiture entièrement à batterie électrique.

Les transports en commun, ça ne marche pas pour un déménagement. Le vélo non plus. Et le métro ? Parfois, il est parfaitement génial pour filer sous terre sous tous les bouchons du monde. Mais un vendredi soir après la fête ?

Alors où est l’avenir ?

Au choix multiple.

À l’intermodalité.

Aux choix précis en fonction des circonstances, des besoins qui fluctuent, des goûts aussi.

Parfois le vélo s’impose, parfois la voiture traditionnelle, parfois le bus, parfois l’auto en partage, parfois la marche… La mobilité peut être une sorte de cocktail.

Tout dépend de ce qui répond le mieux aux exigences du moment. Veut-on faire les courses chez IKEA ou aller chercher des fleurs à la pépinière, prendre les enfants à l’école ou partir au chalet des copains ?

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Si acheter un vélo ou une voiture électrique n’est pas en soi un choix écolo, quels sont donc les outils qui peuvent nous aider ? Entrepreneurs, où sont vos solutions ?

Je proposerais de commencer par tout ce qui nous aide à trouver le bon mode au bon moment.

Je pense aux systèmes de partage évidemment. Taxis, autos en libre-service, guichets à location spontanée de vélos à la BIXI. Je me dis qu’il serait temps de pouvoir payer le bus avec son téléphone.

Je pense aussi aux outils pour combiner deux modes de transport. Par exemple aux porte-vélos démontables ultra conviviaux que tous les taxis de Copenhague doivent obligatoirement installer au besoin. En trois minutes et sans tour de rein, c’est mis en place. Ainsi, on peut prendre le vélo pour une partie de la journée et ensuite opter pour le taxi.

Je pense aussi à Whim, application développée par MaaS Global, entreprise finlandaise qui travaille notamment avec Marcon, firme montréalaise spécialiste des solutions durables en transports.

Ce que fait Whim est brillant : on vend sous forme de forfait un cocktail de solutions en transport adapté aux besoins ponctuels.

Aujourd’hui, vous avez besoin d’un bus puis d’un taxi ? Whim prépare la solution. Est-ce plutôt un train et ensuite un vélo ? Là encore, l’application trouve les options et les offre selon ce qui est le plus approprié. Tout ça à l’intérieur de forfaits variés qui peuvent être de 200 $ par mois, par exemple. Élevé ? Pas quand on sait qu’avoir une voiture traditionnelle privée peut aisément coûter 1000 $ par mois, essence comprise. Mais sans l’abonnement au BIXI ou à Car2Go ou à Communauto et autres services équivalents, sans le taxi non plus, toutes des options intégrées à Whim.

Le système fonctionne déjà en Finlande et est sur le point d’entrer en vigueur au Royaume-Uni. Et ça marche, assure Catherine Kargas, présidente de Marcon. Parce que la fiabilité est un ingrédient crucial du cocktail. Si le taxi ou le vélo n’est pas disponible quand on compte sur lui, à quoi bon ? C’est là qu’on a juste envie de retourner dans ses vieilles pantoufles motorisées à l’essence…

Alors, à quand des solutions semblables au Québec ? « On va annoncer des choses intéressantes pour une solution de masse dans quelques mois », répond Mme Kargas. Soyons encore un peu patients.

Parce que mettre sur pied de tels systèmes n’est pas simple. Imaginez la coordination nécessaire avec les sociétés de transports en commun, les services de partage de véhicules, les taxis et compagnie. En Finlande, explique Mme Kargas, le gouvernement a même été obligé de changer certaines réglementations.

Mais l’avantage pour la société, dit-elle, est évident, si on analyse les coûts nets et dérivés des solutions de transport traditionnelles.

Prenez le Québec, par exemple. À part les concessionnaires, qui profite de l’achat des voitures américaines, asiatiques ou européennes ? Où sont les emplois ? Est-il vraiment optimal d’encourager la vente d’essence alors qu’on a de l’hydroélectricité à revendre ?

En ville ou ailleurs, n’a-t-on pas mieux à faire des terrains que de les consacrer au parking ? Le temps passé à attendre dans les bouchons pourrait-il être mieux utilisé ?

Il est évident que la société en général a intérêt à bousculer le transport en voiture traditionnel.

Qu’attend-on ?

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