sexisme en Escalade

Du chemin à faire pour les grimpeuses

Le reportage photo visait à mettre en valeur des vêtements griffés dans le décor aride et magnifique du parc national Joshua Tree, en Californie. Il a plutôt déclenché l’ire de la communauté des grimpeuses nord-américaines.

Récemment, le magazine GQ a fait appel à trois grimpeurs reconnus, Daniel Woods, Jimmy Chin et Sam Elias, pour jouer le rôle de mannequins dans des poses athlétiques sur des voies d’escalade.

Le problème, c’est qu’ils étaient accompagnés de « deux jolies copines » légèrement vêtues qui minaudaient en bas des falaises, éperdues d’admiration. Alors qu’il y a de plus en plus d’excellentes grimpeuses dans le monde, le reportage a fait réagir. L’organisme Outdoor Women’s Alliance a mis en ligne une pétition pour dénoncer le magazine.

Le manufacturier de vêtements et d’équipements de plein air Outdoor Research a répliqué avec un pastiche hilarant : un reportage en ligne où des grimpeuses, vêtues de frusques bon marché, imitent les poses athlétiques des grimpeurs de GQ. Deux jeunes hommes, chemises grandes ouvertes, adoptent quant à eux des poses totalement ridicules de poupounes.

« Super ! Bravo ! », s’exclame Mélissa Lacasse, Québécoise qui s’est illustrée à l’échelle nord-américaine dans des compétitions de bloc (un type d’escalade de faible hauteur qui ne nécessite pas l’utilisation d’une corde). Elle a toutefois dû mettre de côté l’escalade de haut niveau en raison de la naissance de ses jumelles, qui s’ajoutent à un petit bonhomme de 2 ans.

Elle-même s’est intéressée à l’escalade à 16 ans, après avoir vu un film IMAX mettant en vedette deux grimpeuses au Nevada.

« Les filles font leur place. Il y a plein de filles qui grimpent super fort en France, en Espagne, aux États-Unis. »

— Mélissa Lacasse, Québécoise qui s’est illustrée à l’échelle nord-américaine dans des compétitions de bloc

Elle donne l’exemple de la légendaire grimpeuse américaine Lynn Hill, qui a été la première personne à terminer l’ascension en escalade libre du Nose, à Yosemite.

« Aucun homme n’avait réussi à le faire, lance Mélissa Lacasse. Elle a défriché le chemin pour les femmes. »

Actuellement, c’est une minuscule Américaine de 15 ans, Ashima Shiraishi, qui fait sensation avec la réussite de problèmes particulièrement difficiles en bloc.

André St-Jacques, directeur des opérations à la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade, indique que les femmes représentent plus du tiers des membres de la fédération.

Il estime qu’elles peuvent très bien tirer leur épingle du jeu en escalade parce qu’il s’agit avant tout de bien se positionner et d’utiliser les bons muscles, soit ceux des jambes, du fessier et du dos.

« Les hommes auront plus tendance à utiliser les muscles des bras et des avant-bras pour tirer, au lieu de pousser », observe-t-il.

« Souvent, on va voir les femmes mieux performer à cause de leur agilité à se positionner sur les prises. Elles ne cherchent pas à forcer mais à trouver leur équilibre, pousser avec les jambes et économiser leur énergie. »

— André St-Jacques, directeur des opérations à la Fédération québécoise de la montagne et de l’escalade

Mélissa Lacasse affirme toutefois que l’atmosphère est encore un brin macho sur les sites d’escalade. « Parfois, je me faisais demander si c’était mon chum qui allait mettre les dégaines dans la voie. Certains prenaient pour acquis qu’il allait me traîner en haut. »

Elle soutient toutefois qu’il s’agit là d’une minorité et que la plupart des gars n’ont pas cette attitude.

Ce qui l’agace vraiment, c’est le fait que les revues spécialisées n’accordent pas nécessairement le même traitement aux grimpeurs et aux grimpeuses.

« Lorsqu’il y a une grande compétition, ils vont avoir les photos des trois premiers chez les gars, mais chez les filles, ils vont présenter des vues plongeantes dans le décolleté, le galbe d’une fesse, déplore-t-elle. Parfois, la fille qui est représentée n’aura même pas fait les finales, elle n’aura pas fait de grandes performances, mais c’est elle qui aura montré le plus de peau. »

Cela irrite Mélissa Lacasse, qui fait valoir que les grimpeuses sont souvent des femmes non conventionnelles.

« Il y en a qui vivent dans leur van, elles sont tough, et là, on dépeint une espèce d’image de poupoune qui montre ses seins, lance-t-elle. C’est fâchant, c’est ridicule. »

Le phénomène se poursuit au niveau des commandites.

« Il n’y a qu’une poignée de gens qui vivent de ça, déclare-t-elle. Les autres, qui ne sont pas au sommet, essaient de se faire une place. Quand tu vois la fille blondinette qui n’est pas si bonne que ça avoir une commandite, parfois, c’est révoltant. »

Pour toutes ces raisons, le pastiche d’Outdoor Research lui fait particulièrement plaisir.

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Neige en Norvège

En attendant l’hiver, on peut aller chercher la neige dans le nord de la Norvège.

le Chiffre de la semaine

40 km/h

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