Chronique

Ça regarde mal…

C’était désolant de voir le Canadien sombrer si bas, samedi soir, à Ottawa. Aucune énergie, aucun élan, aucun sentiment d’urgence. L’équipe était à plat.

Comment expliquer cette attitude blasée ? Les matchs en plein air, même s’ils ont perdu leur aspect nouveauté, demeurent des moments forts du calendrier. La LNH les transforme en « évènements » et les joueurs sont fiers d’y participer. Ils ont l’occasion de se mettre en valeur, de créer des souvenirs précieux. La motivation n’est pas censée être un problème.

De plus, le Canadien était reposé. C’était son deuxième match en sept jours, son premier à l’étranger en deux semaines. Claude Julien a pu diriger des entraînements à son goût, un luxe dans cette ligue où les rencontres se succèdent à un rythme infernal. Et l’équipe a débarqué à Ottawa forte d’un gain contre les Devils du New Jersey deux jours plus tôt. Ce ne fut pas une performance à tout casser, mais une victoire gonfle toujours le moral des troupes.

Le Canadien avait l’occasion d’amorcer du bon pied cet important séjour à l’étranger. Car si ce voyage se transforme en catastrophe, l’espoir d’accéder aux séries éliminatoires fondra comme neige au soleil.

Oui, toutes les conditions étaient réunies pour un effort maximal du Canadien, avec du jeu intense et passionné. Ce fut tout le contraire, sauf pour le gardien de but, très mal appuyé par ses coéquipiers. Cela explique peut-être son attitude bizarre après le match. Un curieux sourire aux lèvres, il s’est simplement dit heureux d’avoir vécu cette « expérience ». Le rêve de Carey Price est de remporter la Coupe Stanley, la seule réussite qui manque à son palmarès. Et le CH ne s’approche certes pas de cet objectif.

Cela dit, si on en croit Geoff Molson, les amateurs ne devraient pas s’inquiéter. Car Marc Bergevin a un plan. C’est ce que le président du Canadien a confié à Ron Fournier, mercredi, dans une entrevue diffusée au 98,5.

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De quoi est fait ce « plan » ? Mystère et boule de gomme ! Tout ce que M. Molson a dit, c’est que son contenu était connu « à l’interne ». Il a ajouté : « Si on réussit à le réaliser, on pense qu’on sera dans une meilleure place. »

Est-ce suffisant pour vous rassurer ? Moi non plus ! Car si ce fameux « plan » ressemble à celui de l’été dernier, lorsque le Canadien a perdu Alexander Radulov et Andrei Markov, en plus de croire Mark Streit et Ales Hemsky capables de jouer un rôle dans cette équipe, l’avenir ne s’annonce pas brillant.

M. Molson explique souvent sa confiance envers Bergevin en évoquant la fiche du Canadien depuis son arrivée aux commandes en mai 2012. Il souligne notamment le nombre de séries éliminatoires disputées.

Le problème avec cette approche, c’est que l’analyse recule trop loin dans le temps. Le sport professionnel est un univers de résultats immédiats, à moins d’annoncer clairement qu’on est en reconstruction. Ce n’est pas le cas du Canadien, puisque M. Molson a répété l’importance d’aligner « une équipe gagnante » chaque année.

Alors je pose cette question : si le CH rate les prochaines séries éliminatoires, une perspective envisageable à l’heure actuelle, combien de temps encore M. Molson utilisera-t-il les performances passées pour excuser celles du présent ? N’oublions pas ceci : depuis deux ans, le Canadien n’a disputé qu’un tour éliminatoire. Pas sûr que ce chiffre augmentera le printemps venu.

M. Molson a aussi soutenu que l’équipe d’adjoints entourant Bergevin était « très forte ». Vraiment ? Le recrutement et le développement des joueurs ne sont pourtant pas un atout du Canadien. Et l’arrivée de nouveaux joueurs ne donne pas assez souvent les résultats espérés.

Shea Weber, par exemple, demeure un excellent défenseur, personne ne le contestera. Mais il devait aussi contribuer à régler les problèmes de leadership du Canadien. Or, l’équipe semble comme jamais en panne de meneurs.

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En écoutant M. Molson, j’ai de nouveau réalisé à quel point Bergevin profite du soutien enthousiaste de son patron. Ainsi, quand le président a souligné à quel point il était « compliqué » de passer à l’action pour améliorer l’équipe, j’ai cru entendre le DG, toujours prompt à expliquer les difficultés de son travail. M. Molson a ensuite voulu rassurer les fans : « Marc a ses priorités, je les connais. »

Hé, peut-être que le « plan » du Canadien s’enclenchera bientôt, peut-être que ce « plan » revigorera l’équipe... Mais pour l’instant, avouons-le, les choses regardent mal.

Ottawa, pas bon pour Québec...

Le fort match d’Erik Karlsson contre le CH est un baume pour les fans des Sénateurs, qui ont vécu un week-end choquant.

Vendredi, Eugene Melnyk a mis en doute l’avenir de l’équipe à Ottawa. Pas question, a dit le proprio des Sénateurs, de perdre le travail d’une vie à assumer les pertes financières d’un club de hockey. « Ça n’arrivera pas », a-t-il affirmé.

Peu importe les motifs derrière sa spectaculaire sortie, Melnyk a réussi un tour de force : créer l’unanimité contre ses propos. Avec raison, les loyaux partisans des Sénateurs sont outrés de ses menaces. Quand un propriétaire d’équipe perd ainsi patience face à son marché, cela augure mal de la suite des choses. Les fans des Nordiques et des Expos peuvent en témoigner.

Voir ainsi la concession des Sénateurs dans la tourmente est dommage. Pour Ottawa, bien sûr. Mais aussi pour tous ceux qui rêvent au retour des Nordiques.

Car si une ville comme Ottawa peine à conserver son équipe, si son propriétaire perd lui-même la foi, on peut croire que plusieurs décideurs de la LNH concluront que Québec ne ferait pas mieux. Voilà pourquoi je ne suis pas convaincu que la capitale nationale serait à coup sûr la destination choisie si les Sénateurs devaient un jour déménager.

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