Mon clin d’œil

Le film Ça sent la coupe est un film de science-fiction.

Opinion : Santé

Fiers de soigner les sans-papiers

Médecins du Monde a ouvert en 2011 au Québec une clinique médicale destinée aux migrants

La presse internationale nous transmet quotidiennement des informations sur les victimes civiles des conflits armés, des catastrophes naturelles ou des inégalités économiques. Nous sommes touchés, parfois indignés, par la mort de 5000 migrants en Méditerranée l’an dernier ou le sort des 5 millions de réfugiés syriens.

Nous sommes fiers, quoiqu’un peu inquiets, de l’accueil des 25 000 réfugiés syriens par le Canada – qui représentent à peine 0,07 % de notre population. La tuerie récente au Centre culturel islamique de Québec a contribué à raviver la solidarité envers les immigrants venus mener leur vie loin de leur pays d’origine.

Médecins du Monde, à l’instar de nombreuses organisations gouvernementales et non gouvernementales, croit aussi que la solidarité est une valeur qu’on peut défendre lorsqu’une personne, quel que soit son statut social ou le pays où elle réside, est confrontée à une situation de grande précarité. En 2011, nous avons ouvert une clinique médicale destinée aux migrants à statut précaire grâce au soutien bénévole de médecins, infirmières et travailleurs sociaux qui contribuent aussi, à temps plein, au système public de santé du Québec.

Les milliers de personnes venues solliciter un rendez-vous ne sont que rarement des migrants illégaux ; ce ne sont ni des criminels ni des djihadistes ni des profiteurs, mais des êtres humains angoissés, souffrants, malades ou excessivement inquiets pour leurs enfants – qui sont pourtant des citoyens canadiens – affligés d’une toux ou d’un mal de ventre inexpliqué.

Les femmes enceintes qui consultent, en général trop tardivement, ne « profitent » pas de notre système de santé, qu’elles ne connaissent pas et auquel elles n’ont pas droit.

Elles travaillent dans des usines pour un salaire inférieur au salaire minimum, vivent dans des appartements insalubres et essaient de survivre tant bien que mal en attendant d’obtenir une réponse à leur demande d’immigration soumise depuis plusieurs années.

Financées par des dons de particuliers ou des fondations privées, nos actions sont animées par des valeurs comme l’humanité, l’équité ou la solidarité et s’appuient sur le respect du droit international pour les réfugiés ou les enfants.

Nous justifions aussi nos activités en rappelant l’utilité d’une approche de santé publique et les économies substantielles que l’on peut dégager pour nous tous en faisant de la prévention et en menant des interventions médicales précoces pour toute personne vivant dans notre pays. Nous invoquons même la cohérence : alors que nous offrons collectivement des fonds, par nos impôts, pour la santé des personnes dans les pays en voie de développement, nous devrions être en mesure d’apporter le même soutien aux personnes résidant sur notre territoire.

Nos activités dénoncées

Pourtant, à chaque sortie publique sur nos activités de soins, nous recevons des messages de personnes insurgées qui dénoncent l’aide que nous offrons chez nous à ces migrants fuyant avant tout des environnements d’insécurité élevée. Les décrets de l’actuel président des États-Unis comme certaines nouvelles politiques européennes relatives à l’immigration contribuent de la même façon à créer ce sentiment de répulsion à l’égard de ces personnes, perçues comme étant dangereuses ou profiteuses.

Une société, une nation a la responsabilité de déterminer ses politiques migratoires et de définir les repères de son vivre-ensemble, en s’appuyant, avec équilibre ou rigidité, sur les droits individuels et les droits collectifs. Néanmoins, ériger la relation d’aide en hérésie est symptomatique d’un repliement sociétal sur des mécanismes de défense très primaires. Si offrir de l’assistance à des personnes vulnérables est honteux et disgracieux, alors nous sommes condamnés à une régression, à moins qu’il ne soit déjà trop tard.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.