États-Unis

Un pipeline stoppé au Dakota du Nord

Dans une décision qui aura sûrement des échos au Canada, l’administration Obama a stoppé la construction du pipeline Dakota Access, qui faisait l’objet de manifestations de plus en plus houleuses de la part de dizaines de peuples autochtones. Les chefs autochtones sont invités à une consultation cet automne visant une réforme du processus d’évaluation des pipelines. Samedi dernier, les bulldozers de l’entreprise Energy Transfer Partners, escortés par des gardes privés employant des chiens, ont détruit un cimetière et un lieu archéologique de la tribu sioux Standing Rock. La veille, les Sioux avaient demandé une injonction pour stopper les travaux. Hier, dans son jugement, le juge a justement refusé l’injonction, entre autres parce qu’il n’y avait plus rien à protéger. Une défaite pour les Sioux qui a été suivie quelques minutes après par cette annonce conjointe des départements de la Justice, de l’Intérieur et de l’Armée des États-Unis, demandant à l’entreprise d’arrêter volontairement ses travaux sur une distance de 20 milles de chaque côté du Missouri. Les travaux visant la traversée de la rivière elle-même sont suspendus de pleine autorité, car ceux-ci dépendent du Corps des ingénieurs de l’armée. — Charles Côté, La Presse

AUDIENCES DE L’OFFICE NATIONAL DE L’ÉNERGIE

Le panel se récuse

Ébranlé par la controverse et incapable d’assurer l’ordre lors de ses audiences à Montréal, l’Office national de l’énergie a annoncé hier que le panel chargé d’examiner le dossier du pipeline Énergie Est s’était récusé.

Deux des commissaires membres de ce panel, Lyne Mercier et Jacques Gauthier, faisaient l’objet d’une demande de récusation de la part de deux organismes, Ecojustice et l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA), après qu’on eut appris en juillet qu’ils avaient eu une rencontre en privé avec l’ex-premier ministre Jean Charest, devenu consultant pour TransCanada.

Cette rencontre a eu lieu en janvier 2015, en présence du président de l’ONÉ, Peter Watson.

Celui-ci annonce aussi qu’il se récuse partiellement, pour ce qui est de la « tâche administrative » qui consistera à choisir les membres du nouveau panel.

La tâche incombera à une personne qui assurera l’intérim et qui devra être nommée.

Dans sa lettre de récusation, le commissaire Gauthier affirme que cette rencontre « n’aurait jamais eu lieu si nous avions su que M. Charest était à l’époque consultant pour TransCanada ».

De son côté, la commissaire Mercier reconnaît que sa « participation aux réunions a jeté un doute sur [son] impartialité ».

UN TROISIÈME COMMISSAIRE SE RÉCUSE

Le troisième commissaire, Roland George, n’a pas participé à la rencontre, mais il se récuse néanmoins, affirmant que « le fait de demeurer membre du comité d’audience pourrait miner la confiance du public dans l’intégrité du processus décisionnel de l’Office ».

L’ONÉ ajoute qu’un « processus mené par le gouvernement visant la nomination de nouveaux membres à l’Office est en cours » et qu’il faudra attendre ces nominations pour constituer un nouveau comité d’audience.

L’organisme fédéral précise que ces nouveaux membres « non seulement ne prêteront pas flanc à de quelconques allégations de partialité, mais […], en plus, seront chevronnés dans les deux langues officielles ».

La question maintenant est de savoir si l’ONÉ pourra reprendre ce dossier controversé, ou si le gouvernement Trudeau devra plutôt aller de l’avant avec sa réforme promise du processus d’évaluation environnementale, hérité du gouvernement Harper.

CODERRE SATISFAIT

Hier, le maire de Montréal Denis Coderre s’est dit satisfait de la décision de l’ONÉ, lui qui avait décrit comme un « cirque » les audiences à Montréal devant des commissaires dont la crédibilité était entachée.

Il continue d’affirmer qu’Énergie Est est un « mauvais projet » qui menace 26 prises d’eau municipales alimentant 4 millions de personnes dans la région de Montréal.

Le maire Coderre a toutefois réitéré sa confiance en l’institution fédérale. « Ils ont pris une décision remplie d’intégrité et il faut saluer le président Watson qui se récuse lui-même du dossier », a-t-il déclaré lors d’un point de presse.

Le maire a aussi salué l’intention affirmée de l’ONÉ de nommer des commissaires bilingues, mais il a fait d’autres suggestions.

Il a souhaité que les prochains commissaires à traiter ce dossier aient une sensibilité ou des compétences en environnement, en affaires autochtones ou en aménagement urbain.

« C’est pas nécessairement les gens qui connaissent les pipelines qui font les bons commissaires. On pourrait avoir un commissaire autochtone, pourquoi pas ? »

— Denis Coderre, maire de Montréal

Pour M. Coderre, cela pourrait être suffisant pour assurer le succès des audiences de l’ONÉ.

Mais ce n’est pas l’avis d’autres observateurs et intervenants, qui pressent le gouvernement Trudeau de suspendre l’examen du projet Énergie Est tant que le processus d’évaluations environnementales fédérales n’aura pas été réformé.

« Le premier ministre a reconnu que le processus d’évaluation manquait de crédibilité, a affirmé hier l’organisme Environmental Defense. Cela n’a pas de sens qu’Énergie Est, le plus gros et le plus long pipeline de sables bitumineux jamais proposé, soit évalué d’une manière qui est foncièrement défectueuse. »

« L’ONÉ est un régulateur économique totalement inapte à faire respecter les engagements que Justin Trudeau a pris pour protéger le climat planétaire et assurer une réconciliation avec les peuples autochtones », a déclaré hier Patrick Bonin, responsable de la campagne Climat-Énergie chez Greenpeace Canada.

Morgan Kendall, avocat qui représente trois communautés mohawks dans ce dossier, a affirmé hier à La Presse que le processus actuel demeurait « illégitime » parce qu’il ne tient pas compte des nombreux risques des pipelines de sables bitumineux, notamment sur le plan des changements climatiques, et parce qu’il ne prévoit pas de droit de refus aux Premières Nations.

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