L’Agence du revenu accusée de mensonge

Ottawa — L’Agence du revenu du Canada (ARC) et sa ministre Diane Lebouthillier ont encore été accusés de diffuser des informations inexactes, hier, cette fois par des associations de diabétiques qui disent avoir été induits en erreur à plusieurs reprises au cours des derniers mois.

Hier, La Presse révélait que les plus hauts fonctionnaires de l’ARC ignorent quelles sommes ont véritablement été remboursées au fisc, même si la ministre soutient que « près de 25 milliards » ont été récupérés depuis deux ans grâce à une lutte plus féroce contre l’évasion fiscale. La controverse d’hier touche plutôt un crédit d’impôt qui aurait été refusé depuis mai dernier à des centaines de personnes atteintes de diabète de type 1, malgré les prétentions contraires de l’Agence.

Un courriel interne de l’ARC obtenu par Diabète Canada et FRDJ Canada, daté du 2 mai 2017, confirme que l’Agence cessera de leur accorder le crédit dans la majorité des cas. « Je considère que l’ARC nous a menti en n’admettant pas qu’elle a envoyé ce courriel le 2 mai et en prétendant avoir été choquée d’apprendre qu’il y a eu un changement qui avait un impact sur tellement de gens », a lancé hier Kimberly Hanson, directrice des affaires fédérales chez Diabète Canada, en conférence de presse à Ottawa.

Explications fluctuantes

Mme Hanson souligne que son organisme a rencontré à trois reprises des fonctionnaires de l’ARC au cours des derniers mois en vue de faire la lumière sur la situation. Leurs explications sur le crédit d’impôt pour personnes handicapées – dont bénéficient les diabétiques – ont fluctué chaque fois, a-t-elle affirmé. Selon la procédure habituelle, les Canadiens souffrant de cette maladie ont droit à ce crédit lorsqu’ils consacrent plus de 14 heures par semaine à gérer leur thérapie d’insuline.

Devant l’impossibilité d’obtenir des réponses claires, Diabète Canada et FRDJ ont formulé une demande en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. Cette requête leur a permis d’obtenir le courriel du 2 mai envoyé par « l’équipe des procédures et de la revue médicale » de l’ARC à des dizaines de collègues.

La directive édictée dans le courriel se serait déjà traduite par la fin des crédits d’impôt pour des centaines de malades qui y avaient droit depuis des années, comme l’Albertaine Jill Combs. La jeune mère a reçu un avis de refus en juin dernier et craint de ne plus pouvoir se permettre tous ses traitements, qui lui coûtent 4000 $ par an. « C’est un fardeau incroyable pour ma famille », a-t-elle déploré d’une voix frêle pendant la conférence de presse.

Mensonges ?

Questionnée à plusieurs reprises cet automne à la Chambre des communes, Diane Lebouthillier a toujours nié que le règlement sur le diabète de type 1 avait été modifié au détriment des malades. Des explications qui laissent songeuse la directrice de Diabète Canada. « Je pense qu’il y a soit eu une terrible brèche de communication entre l’ARC et la ministre, ou sinon qu’elle a exprimé de fausses informations. »

Bombardée de questions encore une fois à ce sujet, la ministre du Revenu national s’est défendue, hier, d’avoir induit les gens en erreur. « Aucune modification n’a été apportée aux critères d’éligibilité du crédit d’impôt pour personne handicapée et nous continuons de travailler pour les Canadiens les plus vulnérables », a-t-elle avancé.

Le cabinet de Diane Lebouthillier a aussi fait valoir que l’ARC rétablira dès janvier le Comité consultatif des personnes handicapées, qui avait été aboli par les conservateurs en 2006, dans le but d’offrir à cette population des mesures « plus équitables, transparentes et accessibles ».

25 milliards

Loin d’être convaincu, le conservateur Gérard Deltell y est allé de critiques acerbes envers la ministre. Il a dénoncé la confusion qui règne toujours autour d’une somme de « près de 25 milliards » qui aurait été récupérée par l’ARC depuis deux ans grâce aux efforts accrus en matière de lutte contre l’évasion et l’évitement fiscaux, selon des affirmations souvent répétées par Mme Lebouthillier. Une haute fonctionnaire de l’ARC a admis à La Presse ignorer quelles sommes avaient réellement été remboursées.

« Je pense que Mme Lebouthillier démontre que, malheureusement, diriger un ministère, c’est d’aller plus loin que lire des lignes écrites par d’autres. Son affaire des 25 milliards, c’est soit de l’improvisation, soit une incompréhension crasse dans la gestion d’un ministère. »

— Gérard Deltell, député conservateur

Même son de cloche du néo-démocrate Alexandre Boulerice, qui a talonné la ministre tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des Communes. « Elle ne fait pas la différence entre de l’argent récupéré ou ciblé, en fait, elle induit les citoyens en erreur. »

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