Plein air

Le mont Kaaikop en sursis

Après une longue boucle à travers les bois, les randonneurs parviennent enfin au sommet du mont Kaaikop, deuxième des Laurentides en matière de hauteur, après le mont Tremblant. Ils prennent un goûter bien mérité devant un vaste panorama, puis empruntent un trajet plus court et direct pour retourner au point de départ.

La petite virée pourrait cependant devenir moins bucolique pour les futurs randonneurs et skieurs. Le secteur du mont Kaaikop est en effet au centre d’un conflit entre adeptes de plein air et industriels forestiers. C’est un débat classique, mais dans ce cas-ci, les amoureux de la nature se sont dotés d’une arme supplémentaire : une étude qui conclut que d’un point de vue économique, il est plus avantageux de préserver le territoire visé que d’y effectuer des coupes de bois.

« L’arrêt des coupes forestières sur le territoire étudié aurait normalement peu d’impact économique sur l’industrie forestière et permettrait très probablement d’augmenter significativement la valeur des services écosystémiques liés aux activités récréotouristiques, aux habitats pour la biodiversité, à la valeur esthétique et aux services culturels autochtones sur le territoire public entourant le mont Kaaikop », écrit-on dans l’étude réalisée par l’entreprise ECO2Urb.

Le président de la Coalition pour la préservation du Mont-Kaaikop, Claude Samson, affirme que cette montagne est particulièrement importante pour la région.

« Le massif de Kaaikop a toujours été préservé, il n’a jamais été bûché. C’est important de préserver cette montagne. »

— Claude Samson, président de la Coalition

Au sommet se trouvent notamment des forêts de plus de 200 ans, « une rareté dans le sud du Québec ».

Le mont Kaaikop se trouve également au carrefour d’importantes régions naturelles, comme le parc du Mont-Tremblant, le territoire de chasse et de pêche mohawk Tioweroton et la forêt Ouareau.

La Coopérative de solidarité de plein air L’Interval, une institution créée il y a 75 ans, offre une quarantaine de kilomètres de sentiers de ski et de randonnée sur le territoire du mont Kaaikop. Environ 4000 randonneurs les fréquentent chaque année.

« Ce sont de petits sentiers, pas de gros sentiers-autoroutes super balisés, lance M. Samson. Les gens apprécient cet aspect naturel. Et l’effort en vaut la peine. En haut, on voit le mont Tremblant et, par temps très clair, les gratte-ciel de Montréal. »

De la discussion à l’injonction

C’est au printemps 2013 que les gens de L’Interval ont appris que des coupes forestières devaient être effectuées sur le mont Kaaikop quelques mois plus tard. En consultant les plans de coupe, ils ont réalisé que ceux-ci faisaient fi de la base de plein air et des sentiers de randonnée.

Un groupe de citoyens a formé une coalition et a demandé au gouvernement un moratoire d’un an, « le temps de s’asseoir ensemble pour voir les impacts de ça », raconte M. Samson.

Devant l’échec des discussions, les citoyens se sont adressés à la Cour supérieure et ont obtenu une injonction interlocutoire pour contrer temporairement les coupes forestières.

« La nouvelle Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier venait d’entrer en force et ça a passé le test, rappelle M. Samson. Cette loi faisait suite à la commission Coulombe, qui avait été mise en place suite au film L’erreur boréale. »

Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs a indiqué en décembre 2015 qu’il retirait le mont Kaaikop de son plan de coupes forestières, mais qu’il organiserait des consultations pour un nouveau plan de coupes.

Dans un courriel à La Presse, le Ministère a précisé que ce nouveau plan ne prévoyait pas d’opérations d’aménagement au mont Kaaikop dans la prochaine année.

« Comme le Ministère s’y est engagé, il y aura des discussions en amont avec la municipalité de Sainte-Lucie avant d’inclure ce secteur dans une éventuelle consultation. »

— Sylvain Carrier, responsable des relations de presse au ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs

Il ajoute que le Ministère souhaite travailler dans un esprit de collaboration avec les personnes et organismes intéressés par la préservation du mont Kaaikop « afin de trouver une façon d’assurer le développement durable des ressources tout en considérant les préoccupations de toutes les parties impliquées ».

Impacts économiques

C’est pour se préparer à de telles discussions que la coalition a chargé ECO2Urb de réaliser une étude sur la valeur économique de la coupe de bois dans ce secteur, des activités récréotouristiques et de la régulation du climat global (par le stockage du carbone).

Le rapport d’ECO2Urb recommande la préservation du territoire.

« Nous avons démontré qu’économiquement, il n’y a que très peu de gains à poursuivre les coupes alors que d’un point de vue écologique et social, les désavantages sont plus marqués », écrit-on.

ECO2Urb a basé son analyse notamment sur les états financiers de L’Interval, datés du 31 mars 2018. Or, L’Interval a sérieusement redressé la barre après avoir frôlé la faillite et son chiffre d’affaires a augmenté de 30 % par rapport à l’année dernière. Cela augmente la valeur économique relative des activités récréotouristiques.

« Ce qu’on dit : la foresterie dans le sud du Québec, oui, mais pas n’importe où, pas n’importe quand », lance M. Samson.

suggestion vidéo

Fuite en vélo

C’est un peu nono, cette histoire de fuite en vélo de montagne dans un centre de ski alpin. Mais on s’amuse bien quand même.

Chiffre de la semaine

725

C’est le nombre de centimètres de neige que le parc national des Monts-Valins a reçu pendant l’hiver.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.