Chronique

Québec, province de design

Si vous êtes actuellement plongé dans un petit spleen esthétique hivernal, le genre qui s’attrape quand on a l’impression de ne voir que du mauvais prélart, de la slush, des matériaux imitant le vrai et des espaces sans lumière partout, allez jeter un coup d’œil sur le site prixdesign.com

C’est là que sont mis en ligne les lauréats des Grands Prix du design, un concours annuel ouvert à tous les designers et architectes québécois.

Maisons, bureaux, commerces, institutions, objets, les catégories sont nombreuses. On remet 70 prix chaque année depuis 11 ans.

C’est l’équipe de l’agence PID, qui organise aussi le Salon du design de Montréal et qui publie le magazine Intérieurs, qui est derrière tout ça.

L’effet, sur le site web, qui compile des images de tous les projets gagnants, est saisissant. On a juste envie d’applaudir. C’est allumé, inspirant, original, le genre de vision qu’on croit toujours réservé aux autres.

Et puis, en scrutant tout cela, on se demande évidemment un petit peu où sont tous ces beaux projets dans nos vies, avant de réaliser qu’il y a du beau et de l’intelligent et du bien fait un peu partout. Et que plusieurs de ces espaces sont accessibles à tous.

Le prix « projet de l’année », par exemple, a été remis au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), ou plutôt à CannonDesign et NEUF architect (e)s qui ont veillé sur toute la conception du nouvel hôpital.

On ne se souhaitera pas d’y avoir affaire, comme patient, mais il est évident que le lieu est intéressant, notamment le grand escalier de l’immeuble consacré à la recherche sur la partie du campus qui est au sud de la rue Viger.

Plusieurs commerces ont aussi été primés. Il y a une boutique Adidas conçue par les architectes de la maison Sid Lee, à Boston – les auteurs doivent être québécois, mais pas nécessairement les projets –, et des restaurants ont aussi été reconnus, comme Sushi Box, à Québec (Hatem+D Architecture/Étienne Bernier Architecte) ou Taverne Louise, à Québec aussi, par Lemay-Michaud. Le travail de Taktik Design pour la boutique Chaussures Petit Roy, à Saint-Jean-sur-Richelieu, a aussi été reconnu.

Ce qui est intéressant dans tout cela, c’est qu’on voit la créativité des entreprises de design et d’architecture québécoises à travers des projets de natures très différentes.

J’adore, par exemple, le travail qu’a fait Saucier-Perrotte avec le centre sportif de Saint-Laurent, ultramoderne, mais aussi ce qu’a construit Blouin Orzes Architectes pour la Salle multifonctionnelle Katittavik à Kuujjuarapik, où on sent la volonté de porter un regard moderne, certes, mais ancré dans la réalité du Nord.

Aussi, on constate, en voyant tous ces projets super réussis, que le design et l’architecture de pointe ne sont pas concentrés dans les centres des villes, dans les quartiers branchés.

Le Grand Nord, Saint-Jean… Les espaces de Bureau d’assurance Lareau sont à Napierville. Conçus par Maurice Martel architecte et Linda Fillion Design, ils s’affirment parce qu’ils sont spectaculaires, épurés, aérés. Et le CPE Les petites cellules ? Il est dans le parc industriel de Saint-Laurent. Là, les architectes de Menkès Shooner Dagenais Létourneux ont magnifiquement profité de la lumière et de l’espace que permettent les bâtiments bien espacés de leurs voisins, de ces secteurs.

Certains noms d’entreprises reviennent plus souvent que d’autres. En rénovation résidentielle, La SHED gagne deux prix, pour une grande et une plus petite maison. Sid Lee gagne aussi autant pour sa refonte du Fairmont à Montréal que pour cette boutique Adidas de Boston mentionnée précédemment.

Mais, de façon générale, les prix ratissent large. Et lorsqu’on regarde de près, on voit des noms féminins un peu partout, comme celui de Ginette Caron, cette grande graphiste québécoise installée à Milan qui a conçu le pavillon du pape à la grande foire internationale de Milan en 2015, Marie-Claude Hamelin de YH2, dont une maison mettant en valeur le bois a été primée, ou Renée Mailhot, une des fondatrices de La SHED architecture.

Mon projet vraiment, vraiment préféré ?

Je pense que c’est celui d’Urban Face, avec la collaboration de Pierre Morency Architectes : des kiosques décalés au lac aux Castors, sur le mont Royal, où on peut notamment louer des patins. On dirait des cabanes québécoises traditionnelles toutes simples qui ont été poussées par le vent ou une force imaginaire. À voir.

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