Opinion

Mort d’Athena Gervais 
Garder les jeunes en vie et en sécurité

Athena Gervais voulait avoir du fun, elle ne voulait pas mourir. Pas plus que les milliers de jeunes qui, comme elle, prennent des risques pour s’amuser. 

Rappelons que prendre des risques et tester les limites font partie du développement normal de l’adolescent. Une mort tragique qui nous rappelle la nécessité que le dialogue sur la question des substances avec les jeunes et l’ensemble de la société porte sur la sécurité lors des épisodes de consommation ou d’intoxication.

« Passez de zéro à party en quelques gorgées » est le slogan publicitaire de la boisson FKCD UP qui aurait mené au drame. Évidemment que la commercialisation de substances psychoactives telles que l’alcool et le cannabis ne devrait pas avoir comme cible les jeunes et devrait faire l’objet d’une réglementation visant à protéger la santé et la sécurité de la population. Mais il est prioritaire d’aborder toute la question des « messages » de prévention qui sont véhiculés auprès de ceux qui décident de consommer.

Bien sûr, la science nous renseigne sur le fait qu’il est préférable de retarder l’âge des premières consommations, que certains facteurs individuels prédisposent à une plus grande vulnérabilité, qu’il faut informer les gens des risques liés à la consommation de substances pour au mieux l’éviter, sinon la réduire. Certes, la question des risques est centrale en matière de prévention. Cependant, il faut cesser de concevoir la prévention strictement comme visant à empêcher, retarder ou réduire l’usage.

En effet, il faut prioritairement éduquer la société et les consommateurs aux différents paramètres qui interagissent pour déterminer l’effet d’une prise de substances ainsi qu’aux normes minimales de sécurité. Il faut également mettre à disposition des services qui visent d’abord et avant tout à éviter les conséquences négatives de l’usage. 

Un exemple connu de services avec cette visée est l’Opération Nez rouge. Il ne s’agit pas de dissuader l’usage d’alcool, mais de permettre aux personnes qui font le choix de consommer de le faire sans danger, sans que ça cause des problèmes et, surtout, sans que ça leur coûte la vie. Il faut faire de même pour toutes les drogues.

Les différentes instances gouvernementales doivent financer des mesures de prévention qui visent au-delà de la simple réduction de l’usage. Le Programme national de santé publique 2015-2025 prévoit un « soutien à l’implantation d’interventions visant à développer la capacité des personnes à faire des choix éclairés en matière de consommation d’alcool, de drogues et d’autres substances psychoactives ». 

Ces choix éclairés ne sont pas seulement l’abstinence ou la modération, il s’agit aussi de l’adoption de comportements de protection lors d’épisodes de consommation. Ces comportements peuvent être de ne pas laisser une personne seule lorsqu’elle est intoxiquée, la positionner sur le côté lorsqu’en état d’ivresse avancée, éviter de se déplacer dans un environnement accidenté ou encore de consommer trop rapidement, le ventre vide de surcroît. 

Les récents événements nous rappellent cruellement à quel point il y a un besoin criant de fonds substantiels dans les stratégies de réduction des méfaits, comprises ici comme une manière d’outiller les gens qui décident de consommer afin qu’ils le fassent en limitant les dommages. Ils nous rappellent aussi pourquoi les protocoles scolaires et les règles en vigueur doivent s’éloigner d’une approche strictement punitive pour embrasser une approche résolument bienveillante, dans laquelle les jeunes sont soutenus et accompagnés, comme plusieurs le font déjà.

*Laurence D’Arcy, D.Ps., chargée de projet, spécialiste en dépendance, Institut universitaire sur les dépendances, CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal ; Frédéric Maari, M.Sc., spécialiste en activités cliniques, CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal ; et Geneviève Côté, B.Sc., présidente GRIP Montréal

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