Hockey

Maxime Talbot, homme d’expérience

Iaroslavl, — Russie — Le gris du ciel hivernal de Iaroslavl semble s’étendre à l’infini. Seules les coupoles miroitantes d’églises orthodoxes donnent une touche de couleur à une ville qui demeure endeuillée par l’écrasement d’avion qui a emporté le Lokomotiv, club élite de la KHL, en 2011.

Mais depuis l’arrivée de Maxime Talbot cette saison, Iaroslavl connaît des éclaircies.

Le Québécois de 32 ans est parti à l’aventure en signant un contrat d’un an avec le Lokomotiv l’été dernier à la suite d’une saison décevante avec les Bruins, au cours de laquelle il a fait la navette entre Boston et le club-école de Providence.

« Mon passeport est rempli de visas… Kazakhstan, Chine, Biélorussie, raconte-t-il, les yeux pétillants. C’est super, parce que c’est des expériences. »

Accompagné de sa femme Cynthia Phaneuf, double championne canadienne en patinage artistique, et de leurs deux enfants, Talbot a sauté à pieds joints dans l’aventure de la KHL et la vie à Iaroslavl, ville millénaire à 280 kilomètres au nord-est de Moscou, après une décision mûrement réfléchie.

Pour lui, jouer en Russie n’est pas un exil. Sa femmes l’a encouragé à partir à l’aventure avant que leurs deux enfants n’aient l’âge d’aller à l’école.

« À un moment donné, ma femme m’a botté le derrière. Let’s go, on y va. Cynthia, elle a patiné, elle a voyagé. Quand ta femme est prête à venir… »

— Maxime Talbot

Louangé par son entraîneur et ses coéquipiers, il se dit heureux d’avoir abouti dans un club qui avait manifesté un fort intérêt pour lui.

« Je me sens en aussi bonnes mains qu’avec les équipes de la Ligue nationale pour lesquelles j’ai joué. Je ne peux pas me plaindre », dit-il en insistant sur la qualité des traitements et des services destinés aux joueurs.

Mais dans une ligue dont les clubs s’étendent sur huit pays, neuf fuseaux horaires et plus de 8000 kilomètres, le décalage horaire, les vols retardés et les malentendus linguistiques sont inévitables.

Les quelques pépins rencontrés depuis le début de la saison, Talbot les considère comme des expériences. « C’est pas la seule façon, mais c’est la bonne façon de voir les choses », dit-il.

7 septembre 2011

Dans le village de Tounochna, en banlieue de Iaroslavl, une route étroite enneigée flanquée par des datchas en bois rond mène au lieu de l’écrasement du 7 septembre 2011, sur le bord d’un affluent de la Volga.

Quarante-trois personnes ont perdu la vie, dont plusieurs anciens joueurs de la LNH et leur entraîneur, le Canadien Brad McCrimmon ; elles étaient en route vers Minsk pour disputer leur premier match de la saison.

Sur le site, lieu privilégié des pêcheurs sur glace, il ne reste plus qu’une pierre commémorative, une petite chapelle vitrée remplie de photos et de lampions, ainsi qu’une rambarde où flottent les foulards de tous les clubs de la ligue.

« Cet été, quand j’ai signé, on me demandait : “C’est où, ça ?” C’est là où il y a eu l’accident d’avion. C’est plate que ça soit connu pour ça. »

— Maxime Talbot, à propos de la ville de Iaroslavl

Malgré le ruban noir imprimé sur leurs maillots et les monuments dispersés à travers la ville, Iaroslavl – tout comme Talbot – regarde vers l’avant.

Guerrier sur la glace

Avec ses 11 buts et 13 passes en 38 matchs, et grâce à son optimisme inébranlable, Talbot a repris confiance en ses habiletés avec le Lokomotiv. Au début du mois de décembre, il a obtenu le titre de meilleur attaquant de la semaine après une récolte de cinq points, dont un but gagnant, en trois rencontres.

« C’est super le fun parce que je retrouve un peu la patience avec la rondelle, ce que j’avais perdu un peu en jouant dans la Ligue nationale, parce que la game est vite », dit-il.

Heureux de pouvoir s’exprimer davantage avec la rondelle, il craint moins les erreurs sur la glace – plus coûteuses lorsqu’il œuvrait au sein de quatrièmes trios dans la LNH.

À Iaroslavl, Talbot se retrouve sur le premier trio et participe aux avantages numériques.

Il obtient un temps de jeu moyen de 17 min 16 s – plus qu’avec les quatre équipes de la LNH pour lesquelles il a joué.

« Il est un guerrier sur la glace, constate l’ancien défenseur des Maple Leafs Staffan Kronwall, désormais capitaine du Lokomotiv. Ça montre son expérience. Et je pense que c’est pour cela qu’il a une bague de la Coupe Stanley. »

Une deuxième Coupe

L’entraîneur-chef Alexei Kudashov, qui a joué 25 matchs pour les Leafs dans la saison 1993-1994, chante les louanges de Talbot pour sa grande contribution à l’équipe, actuellement quatrième au classement dans la division Ouest de la KHL.

« Si nous devions aujourd’hui signer un contrat avec lui pour l’an prochain, je suis certain qu’on pourrait s’entendre. »

— Alexei Kudashov, entraîneur-chef du HC Lokomotiv

Talbot, lui, n’est pas pressé de penser à la saison prochaine. Il serait content de rester à Iaroslavl pour une deuxième saison, dit-il, mais il préfère se concentrer sur le moment présent.

Il ne veut pas s’arrêter à la Coupe Stanley qu’il a remportée avec les Penguins de Pittsburgh en 2009. L’auteur des deux buts qui ont donné la victoire aux Penguins lors du septième match rêve d’en remporter une deuxième.

« Je suis peut-être un peu fou, je suis peut-être un peu irréaliste, mais c’est de même que je pense. Je pense que quand tu commences à être satisfait, c’est peut-être là que t’arrêtes d’avancer. »

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