réfugiés syriens

De Damas à Saint-Ubalde, un an plus tard

Le 24 février 2017, le village de Saint-Ubalde, dans Portneuf, a accueilli en grand une famille de réfugiés syriens. Un an plus tard, alors que le film La maison des Syriens racontant les coulisses de ce parrainage est présenté en première ce soir aux Rendez-vous Québec Cinéma, notre chroniqueuse Rima Elkouri et le photographe Edouard Plante-Fréchette sont retournés à leur rencontre. La famille s’est agrandie, l’apprentissage du français va bon train et la belle histoire d’amour de ce petit village au grand cœur se poursuit.

Chronique  Réfugiés syriens

Une histoire d’amour à Saint-Ubalde

Saint-Ubalde — « C’est une belle histoire d’amour qu’on a vécue… et qu’on vit encore ! »

En ce matin brumeux de février, autour de la table de la sacristie de Saint-Ubalde, Gilles Pellerin, diacre du village, et des membres de son comité de parrainage sont réunis pour faire le bilan de la première année de leur projet d’accueil de réfugiés syriens.

À pareille date, l’an dernier, j’avais assisté à la genèse de cette belle histoire d’amour. Après de longs mois d’attente, sous une pluie d’hiver, une famille de Damas fuyant la guerre – Evlyne Haddad, Hani Hreiz et leur petite Lamitta – était accueillie dans ce village de 1400 habitants situé entre Québec et Trois-Rivières.

Tout comme de nombreux lecteurs curieux de connaître la suite de leur histoire, j’avais été séduite par la foudroyante bonté de ce petit village au grand cœur à l’image d’un Québec ouvert et généreux. Un Québec qui, même s’il fait moins souvent la manchette que les fomenteurs de peur et de haine, est bien vivant.

Un an plus tard, je suis retournée à Saint-Ubalde. Quoi de neuf au village ? Les saisons ont passé. La bonté est restée. Alors que leur Syrie natale est toujours déchirée par la guerre, Evlyne et Hani n’ont ménagé aucun effort pour s’adapter à leur nouvelle vie. Leur fille Lamitta, deux ans et demi, adore la neige et parle le français avec un petit accent ubaldois. Elle a désormais un petit frère, Andrew, un petit Québécois d’origine syrienne qui, à la grande joie du village, est né le 27 décembre, par une journée de froid sibérien. « On a accueilli trois personnes. Et là, on est rendus à quatre ! La famille est dans le bon village pour vivre ça ! », dit Loraine Denis, membre du comité de parrainage qui est devenue une deuxième mère pour Evlyne.

À l’initiative d’Evlyne et de Hani, qui sont de confession chrétienne, une cérémonie a eu lieu à l’église du village à la fin du mois de janvier pour présenter le bébé à la communauté. « C’est une tradition chez nous de faire une fête 40 jours après l’accouchement », m’explique Evlyne. Un moment de grande émotion au village. « À la fin de la fête, tous les gens présents à la cérémonie se sont levés et sont allés saluer la famille. Les commentaires qu’on a eus après, c’était très, très beau », raconte Florent Girard, membre du comité de parrainage.

Après un an au pays, le français du couple syrien est impressionnant. Grâce aux efforts conjugués de Michelle Dupéré, une enseignante au village qui s’est assurée que « ses » Syriens aient accès à des cours de français, et de la professeure du Centre de formation de Portneuf Sylvie Tessier, le programme de francisation, dont on dénonce souvent les ratés, fut un succès. L’année dernière, j’avais dû mener l’entrevue dans mon arabe rouillé. Ce ne fut pas nécessaire cette fois-ci. « Evlyne est pas mal bonne ! Et Hani se débrouille pas mal bien ! », m’a dit, avec une pointe de fierté, Sylvie Tessier. Elle n’a que de bons mots pour ses élèves syriens. « Ils sont beaux, charmants, gentils, attachants. » Et les élèves syriens n’ont que de bons mots pour leur enseignante qui prend sa mission à cœur. « Sylvie est un bon professeur. On l’aime beaucoup. »

Pendant 33 semaines, Evlyne et Hani ont suivi religieusement leurs cours de français à Donnacona, à une soixantaine de kilomètres de Saint-Ubalde. Il leur fallait quitter la maison tous les matins à 7 h pour déposer leur fille Lamitta à la garderie et attraper l’autobus scolaire. Ils s’y assoyaient aux côtés des ados du village qui allaient à l’école. Les premiers mois de grossesse, Evlyne avait la nausée dans l’autobus. Mais il n’était pas question pour elle d’abandonner le programme de francisation qui lui a permis de se faire des amis et de mieux s’intégrer à la société québécoise. Pour sa professeure, cet aspect est aussi important que l’enseignement de la langue. « Pour moi, il ne s’agit pas que de leur apprendre le français de 9 h à 16 h. Il faut les intégrer à la culture, à la société. » Passionnée par son travail, Sylvie Tessier laisse ses deux numéros de téléphone à ses élèves et leur dit qu’ils peuvent l’appeler n’importe quand. « Quand ils finissent leur cours, je ne les laisse pas là. Je veux qu’ils aient un plan de match, qu’ils intègrent un emploi, qu’ils aient des projets. »

Le village a aussi soutenu le couple dans ses efforts pour apprendre le français. L’été, quand il n’y avait plus d’autobus scolaire, des bénévoles se sont relayés pour conduire Evlyne et Hani à leurs cours.

***

Pour faire le bilan de cette première année au pays, Evlyne et Hani nous ont invités à dîner avec Loraine Denis et Rachel Morissette, du comité de parrainage. « Il y a un an, on vous accueillait. Un an plus tard, c’est vous qui nous accueillez ! », a lancé Loraine, émue, en entrant dans la salle à manger de la maison du centre du village que tout le monde ici appelle « la maison des Syriens ».

C’est Hani qui officiait aux fourneaux pendant que Loraine et Rachel allaient à tour de rôle bercer le bébé. Evlyne avait beau les sommer de revenir s’asseoir à table, c’était peine perdue. « J’aimerais vous gâter aujourd’hui ! »

Hani avait préparé des plats syriens. Soupe aux lentilles, moutabal (purée d’aubergines), kebbé (plat de viande fait à base de boulghour)… Il avait aussi mis une tourtière sur la table au cas où les invités n’aimeraient pas sa cuisine. Personne n’y a touché. « C’est délicieux, Hani ! » Après le repas, il nous a offert du meghli, dessert moyen-oriental au goût de gingembre et saupoudré de noix de Grenoble que les Syriens servent à la naissance d’un bébé.

Représentant commercial en Syrie, Hani, 34 ans, sait qu’il doit faire le deuil de sa vie d’avant et qu’il lui sera difficile de faire le même travail ici. Il aimerait travailler en cuisine. Ou encore, qui sait, lancer son propre petit resto ou service traiteur… Rachel, qui l’accompagne dans ses démarches pour trouver un emploi, croit que ce serait une bonne idée. « On aimerait le voir dans un resto du coin ! »

Evlyne, 29 ans, diplômée en communication, faisait de la télé en Syrie. Elle était animatrice d’une émission matinale, sorte de version syrienne de Salut Bonjour. Elle sait que son français, aussi bon soit-il après une seule année au Québec, ne lui permettrait pas d’être animatrice ici. « Peut-être après 20 ans ! »

« C’était comme un premier défi pour nous de quitter notre pays, notre famille, notre travail pour commencer une autre vie. Maintenant, c’est un deuxième défi qui commence pour travailler et s’intégrer dans la communauté. »

Le plus difficile, me dit Evlyne, c’est d’être loin de sa famille alors que les nouvelles de la Syrie sont toujours aussi tragiques. Elle se réjouit que des gens de Saint-Casimir et de Grondines tentent de mettre sur pied un comité pour parrainer ses parents. En attendant, elle sait qu’elle peut compter sur une deuxième famille d’adoption en or à Saint-Ubalde.

Chronique  Réfugiés syriens

Des anges gardiens pour les Syriens

Saint-Ubalde — La grande générosité des gens de Saint-Ubalde a ébloui la famille d’Evlyne Haddad et de Hani Hreiz. Plus de 150 personnes ont contribué de près ou de loin à faire de ce parrainage un succès.

Lorsque Evlyne est tombée enceinte, le comité de parrainage n’a pas mis de temps à se réorganiser. Sa professeure de français a organisé pour elle un « shower ». « Tout le monde a travaillé très fort pour accueillir le bébé ! »

Le jour de l’accouchement, c’est Johanne Juneau, éducatrice spécialisée à la retraite, qui a gardé la petite Lamitta. « Sa maman lui avait expliqué qu’elle venait faire dodo chez Jojo. J’ai mis une photo de ses parents sur le frigo. Et tous les jours, je lui disais : “Papa, maman vont revenir.” Ç’a très bien été. Elle se sentait chez elle. Elle comprend tout et elle parle très bien français. » Un français avec un accent « gras » de Saint-Ubalde, observent en rigolant les gens du comité. « Elle s’est super bien intégrée à la garderie », confirme Annie Breault, conseillère municipale et cofondatrice de la garderie Les petites pousses.

Le matin de l’accouchement, un comité d’accompagnement est parti à 5 h de Saint-Ubalde. Même si Hani avait obtenu son permis de conduire et que le couple venait d’acheter une voiture d’occasion, il n’était pas question de le laisser conduire seul avec sa femme enceinte sur une chaussée enneigée. Le jour J, après deux fausses alertes, Loraine Denis et Nathalie Perreault ont accompagné Evlyne et Hani à l’hôpital à Québec. Il faisait - 30 ºC ce matin-là. Nathalie avait mis une belle peau de mouton sur la banquette arrière. Et une pellicule de plastique juste au cas où… « On est des femmes, on avait pensé à tout ! », dit Johanne, en riant.

À l’arrivée à l’hôpital, Nathalie s’est assurée que le couple puisse avoir un accès au WiFi. Evlyne tenait à partager ce moment heureux avec sa famille. Elle a pu joindre ses proches qui étaient au Liban par FaceTime. Après la naissance du bébé, la famille de Hani, qui a été parrainée à Pont-Rouge, à 60 km de Saint-Ubalde, est venue passer quelques jours avec les nouveaux parents. « Nous, on se sentirait envahis. Mais eux, ils ont besoin de ça, constate Rachel. Quand ils accouchent, ça prend plein de monde autour ! »

***

Le jour de notre passage à Saint-Ubalde, Evlyne et Hani sont allés présenter leur bébé à Margot Moisan et lui exprimer leur reconnaissance. En prêtant une maison aux Syriens, l’octogénaire a joué un rôle-clé dans le succès du projet de parrainage. C’était la maison de ses parents. Elle était vide depuis plus de deux ans. Margot était heureuse que ça puisse faire le bonheur d’une famille qui fuit la guerre.

« On voulait vous remercier pour votre maison. On apprécie tout ce que vous avez fait pour nous », a dit Evlyne, en s’assoyant aux côtés de Margot.

La dame, qui a du mal à marcher, ne peut pas sortir l’hiver. Elle était ravie d’avoir la visite des Syriens. « Ça va faire un an. Vous aimez ça ?

— Oui ! »

Loraine a placé le bébé, assoupi dans son siège d’auto, au centre de la table, sous le regard attendri de Margot. « Il est beau ! Un beau bébé. Un petit Ubalde ! C’est un beau cadeau. Regarde ça, la petite main en l’air. Oh ! Que c’est beau ! C’est pas tannant ! »

Même si, théoriquement, le projet de parrainage d’un an est terminé et que les Syriens doivent maintenant voler de leurs propres ailes, Margot a accepté de continuer à leur prêter gratuitement sa maison. Ils n’ont qu’à payer l’électricité et les autres frais liés à la maison. « Tant qu’ils voudront l’avoir… Moi, j’ai celle-là où j’habite. Pourquoi je garderais une deuxième maison ? »

Evlyne a écrit quelques mots en arabe à Margot, qui était curieuse de voir à quoi ressemblait l’écriture arabe. Margot a promis de passer leur apporter un bouquet de lilas dès les beaux jours. « Vous allez être là cet été ? »

Elle a encouragé Hani dans sa recherche d’emploi. « Là, il s’agit d’avoir de l’ouvrage ! »

***

À Saint-Ubalde, les Hreiz-Haddad ont plusieurs anges gardiens. « Evlyne, n’hésite pas si tu as besoin de quelque chose », dit toujours Loraine.

Le réseau solidaire de Loraine, qui connaît tout le monde au village, est plus efficace et plus humain que le service express d’Amazon. Lamitta a besoin d’un maillot de bain ? Moins de 24 heures plus tard, Loraine avait repéré une jeune mère, Mélanie, qui avait deux maillots à donner. Mélanie est venue apporter les maillots. Elle s’est liée d’amitié avec Evlyne. Et elle a offert de monter un trousseau pour le bébé à naître. « On a mis ça dans le sous-sol de l’église. On a ramassé tout l’équipement de bébé. Ç’a été une belle aventure », raconte Loraine.

Lors de l’arrivée des Syriens à Saint-Ubalde, Nawel Hanchi, jeune femme d’origine tunisienne et seule femme voilée du village, a apporté une aide précieuse au comité de parrainage, en servant notamment d’interprète. Aujourd’hui, Nawel, qui est mariée à un gars du village, est enceinte. Et ce sera au tour du village de l’aider. « J’ai dit à Evlyne de tout garder pour le bébé de Nawel, dit Loraine. On est en train de monter son trousseau ! »

Il est arrivé que des gens sonnent à la porte des Syriens pour leur offrir des choses qu’ils n’avaient jamais demandées. « Vous avez demandé une chaufferette ? La voici… »

En fait, les Syriens étaient à la recherche d’une friteuse. Par un jeu de téléphone arabe, une dame du village a compris qu’ils avaient besoin d’une chaufferette et a envoyé son beau-frère la livrer aux Syriens. Peu importe, Evlyne et Hani, qui ont plus de mal que leur fille à s’habituer aux rigueurs de l’hiver québécois, étaient bien contents.

Après la naissance du bébé, la famille a aussi reçu des cadeaux de gens qu’elle ne connaissait même pas. On lui a notamment fait parvenir une lettre qui l’a touchée droit au cœur. « On ne se connaît pas, mais durant le temps des Fêtes, nous avons eu une pensée pour vous. Nous sommes la famille des Bergeron, Lessard, Morisset, Côté et Lavigne. À chaque Noël depuis des années, nous faisons un échange de cadeaux. Cette année, nous avons changé la formule. Plutôt que d’acheter un cadeau, chaque membre devait trouver une cause, une façon d’aider son prochain. […] Notre famille a été beaucoup touchée par votre histoire, tous ont donc voté [unanimement] pour que vous soit remis notre budget cadeau cette année. Voici notre petite contribution pour vous permettre de continuer votre chemin ici, au Québec, avec courage, persévérance et partage ! »

***

Si les Syriens de Saint-Ubalde ont bénéficié de la générosité du village, le village a aussi bénéficié de leur présence, croit Rachel. « Avant qu’ils arrivent, c’était l’inconnu pour les gens. Certains avaient peur. Parce que ce qu’on entendait dire sur la Syrie, c’est qu’il y avait des gens qui allaient s’y entraîner avec l’État islamique. Je me suis fait dire à quelques reprises : “Vous allez faire venir ici un paquet de troubles, c’est épouvantable, ce que vous faites !” Mais quand les gens les ont connus, il n’y a plus eu de commentaires du genre. Evlyne et Hani étaient souriants sur la galerie en avant et saluaient tout le monde qui passait. »

Michelle Dupéré se rappelle avoir eu peur quand, à l’été 2016, des gens de La Meute se sont pointés à une soirée d’information sur le parrainage de réfugiés syriens dans Portneuf. Tandis que des gens du groupe présents dans la salle prenaient des photos des participants à l’assemblée, Éric Corvus Venne, ex-chef du groupuscule d’extrême droite, s’est invité au micro et a demandé aux gens de penser à « la sécurité de [leur] nation » avant d’accueillir des réfugiés. « J’ai écrit à ma chum Nathalie qui était à la réunion avec moi : “Est-ce que tu te sens en sécurité ?” Je me demandais si on ne devait pas sacrer notre camp… Mais après, on s’est dit : “Non ! On ne va pas les laisser gagner. Saint-Ubalde ne va pas se laisser terroriser par ça. Le village est capable d’accueillir des gens.” »

Alors que l’ex-chef de La Meute a vite été interrompu par l’animateur de la soirée qui l’a invité poliment à organiser sa propre conférence s’il le voulait, Nathalie, du comité de Saint-Ubalde, s’est levée pour intervenir : « Juste pour vous dire, monsieur. J’ai 35 ans. Je n’ai pas peur pour ma nation. Je n’ai pas peur pour ma sécurité. Et s’il y a quelque chose qui dérange ici, c’est pas nous. Nous, on veut s’informer. On veut accueillir ces gens-là. »

Le petit village au grand cœur a tenu parole.

Réfugiés syriens

Un bilan positif

Et si Saint-Ubalde accueillait une famille syrienne ? C’est Gilles Pellerin, diacre du village, qui avait lancé l’idée un jour de novembre 2015. Il s’était senti interpellé par un message du pape invitant chaque paroisse à parrainer une famille de réfugiés. Très vite, l’idée avait fait son chemin, et un comité de bénévoles s’est mis à l’œuvre avec enthousiasme. Un an après avoir accueilli « leurs » réfugiés, que retirent-ils de cette expérience ?

Gilles Pellerin coordonnateur du comité de parrainage 

« On a vu la générosité des gens de Saint-Ubalde qui se sont embarqués dans le projet et qui ont soutenu le comité de 12 personnes. »

Michelle Dupéré 

« Ça m’a apporté de l’espoir, parce que j’ai vu que le village avait l’esprit ouvert. On peut dire que c’est une réussite. Moi, comme enseignante, j’avais un but inavoué. On a une population vieillissante dans le village. Mon espoir, c’est que si ça a marché pour cette famille, pourquoi pas d’autres familles ? Il y a de l’emploi. Il y a des maisons disponibles. Il y a du logement. S’il nous arrivait ne serait-ce que quelques familles, on pourrait avoir une classe à niveau simple au lieu d’une classe à niveau triple à l’école primaire. Les élèves de l’école me demandent pourquoi on n’accueille pas d’autres familles. Ils voient qu’à Montréal, il y a du monde de toutes les couleurs. »

Loraine Denis 

« L’aide humanitaire, c’était le rêve de beaucoup de gens. Dans mon enfance, je rêvais d’aller en faire en Afrique. Et là, je suis restée à Saint-Ubalde et je fais de l’humanitaire ici. Je suis tellement heureuse ! Le fait que la maison d’Evlyne et de Hani soit tellement bien située au cœur du village, c’était très précieux. Les gens passaient, les saluaient. Ça a vraiment sensibilisé la population de Saint-Ubalde. »

Johanne Juneau 

« Ce projet m’a donné une ouverture vers d’autres nationalités et d’autres personnes qui vivent des expériences semblables. Maintenant, quand je vois des travailleurs étrangers à Saint-Ubalde, je les salue. Ça m’a amenée à être plus chaleureuse pour qu’ils se sentent bien. Même si c’est juste de les saluer, ça me fait plaisir de le faire. On est un village accueillant et je suis fière d’avoir participé à cette ouverture-là. Lorsque les gens du village me voient et qu’ils ne voient pas notre petit couple de Syriens avec moi, ils s’inquiètent ! ‟Est-ce qu’ils vont bien ?” Oui, oui, tout va bien, ne vous inquiétez pas ! Les gens sont soucieux de leur bien-être. »

Florent Girard 

« Ce projet a permis d’apaiser des peurs et de démystifier les différences. On a vu au village Nawel, une femme musulmane d’origine tunisienne qui porte le voile, accompagner et aider le couple syrien chrétien. Ça a permis de désamorcer les préjugés. Quand on a fait venir la famille, on ne savait pas de quelle religion elle était, et ce n’était pas grave. »

Pauline Auger 

« Je sais qu’il y a des gens qui n’étaient pas trop d’accord avec le fait de faire venir des Syriens. Mais Evlyne et Hani n’ont jamais eu de mauvais commentaires. Le projet a permis aussi à plusieurs personnes de connaître Nawel. Avant, je la saluais des fois en la rencontrant. Mais je ne lui avais jamais parlé. »

Réfugiés syriens

Une maison portée par un village

La belle aventure de parrainage de Saint-Ubalde a été suivie pas à pas depuis le début par Nadine Beaudet et Christian Mathieu Fournier, un couple de cinéastes de Grondines. Ils en ont tiré un émouvant documentaire, La maison des Syriens, qui sera présenté en première à Montréal aujourd’hui, dans le cadre des Rendez-vous Québec Cinéma. La projection sera suivie d’une discussion avec le public, en présence des réalisateurs et des protagonistes du film.

Tout au long du tournage, les cinéastes se sont attachés aux efforts du comité de parrainage de Saint-Ubalde et à leur grande humanité. « Ce comité est vraiment particulier, observe Nadine Beaudet. Et ça continue avec autant de cœur et d’intensité ! »

Avec sensibilité, La maison des Syriens raconte comment le village a défié la peur, apprivoisé l’attente et uni ses forces pour dérouler le tapis rouge à une famille de réfugiés syriens. La vedette du film est Margot Moisan, la dame âgée du village qui a généreusement prêté sa maison aux réfugiés. « Moi, ça ne me dérange pas. Syriens, Japonais ou n’importe quoi… N’importe qui pourrait venir et ça ne me dérange pas », dit-elle dans le film, refusant de céder aux discours de peur. « Tu vas voir. Dès qu’ils viennent, ils vont les aimer. »

La maison inhabitée de ses parents, en face de l’église, est devenue la fameuse « maison des Syriens », autour de laquelle toute une communauté solidaire s’est activée avec cœur, attendant pendant plus d’un an des Syriens qui n’arrivaient pas.

Evlyne Haddad et Hani Hreiz ont été très émus par le film, qui leur dévoilait tout le travail de coulisses qui leur a permis d’atterrir à Saint-Ubalde et d’y commencer une nouvelle vie. « Je ne savais pas tout ce que le comité avait fait pour nous avant qu’on arrive. C’est très touchant. »

La maison des Syriens sera présenté ce soir à 18 h 30 au Cinéplex Odéon Quartier Latin, à Montréal.

Le film prendra l’affiche au Québec dès le 11 mai.

En chiffres

Accueil des réfugiés syriens

Depuis 2011, plus de 5,5 millions de personnes ont fui la guerre en Syrie.

La majorité d’entre elles ont trouvé refuge en Turquie, au Liban et en Jordanie.

1 015 500 Syriens ont revendiqué le statut de réfugié en Europe.

50 930 réfugiés syriens ont été accueillis au Canada depuis novembre 2015.

22 395 en Ontario

10 625 au Québec

Parmi eux…

8265 ont bénéficié de parrainage privé

2340 sont des réfugiés parrainés par le gouvernement

20 ont été accueillis dans le cadre d’un programme de parrainage mixte

(Sources : UNHCR, CIC)

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