OPINION FINANCES PERSONNELLES

L’amour économique

De toutes les décisions financières, la plus négligée est celle de l’amour

L’amour est économique. Dans un marché d’offre et de demande, on se regroupe en duo pour le meilleur et pour le pire. Voilà, l’amour est devenu une relation financière. Au-delà des sentiments, le couple est-il une association économique ? Plus que jamais et malgré lui.

Patrick arrive au rendez-vous fixé grâce à une application de rencontre. Indubitablement, il sait que viendra une question ultime du type : « Combien gagnes-tu par année ? » La version réelle de la question sera plus subtile. Peut-être se déclinera-t-elle autrement : « Que fais-tu dans la vie ? » « Gères-tu beaucoup de personnes à ton travail ? » Dans ce cas-ci, on parle au masculin, mais les rôles peuvent être inversés.

J’exagère ? Pourtant, le contrat de mariage ressemble drôlement à une association économique. En cas de séparation, on prévoit les clauses de division de biens et de régime de retraite.

On assure son conjoint contre la fin de durée de vie utile prématurée. On investit dans le REER de son conjoint pour fractionner ses sources de revenus futurs et augmenter son rendement. Quand vient le temps d’établir les objectifs de vie, on analyse les revenus totaux du couple pour prendre une décision éclairée.

On peut séparer les dépenses en proportion des revenus annuels ou en parts égales. Au moment de prendre une décision importante, comme l’achat d’une maison, on regarde l’actif net du couple pour estimer la mise de fonds disponible.

Par contre, la relation économique ne s’arrête pas là. À la mort, on peut transférer certains actifs sans impact fiscal immédiat au conjoint. Ainsi, un immeuble, un CELI ou un REER peuvent généralement être transférés au conjoint sans impact fiscal. Un principe équivalent s’applique à certains régimes de retraite à prestations déterminées. La question d’héritage vient aussi influencer la relation économique. Est-on en train de s’acoquiner avec l’héritier d’un empire ?

Le critère économique est un critère plus tabou que l’apparence physique. Si la nature ne fait pas de cas de la richesse familiale lorsqu’elle distribue la beauté, certains défient les lois de la nature à coup de dollars.

Au moment de la séparation, il faut évaluer l’impact de celle-ci sur le prix des services de garde subventionnés, sur les pénalités en cas de remboursement anticipé d’un prêt hypothécaire ou sur toute autre considération fiscale ou d’affaires. Il faut séparer les biens et faire de la médiation. Ainsi, c’est à la fin de la relation que l’on réalise la réalité économique de celle-ci. Doit-on changer d’emploi pour concilier travail et famille ? L’actualité récente en donne un bon exemple.

Puis, vient le contrôle de l’autre. Ce conjoint dont les ressources sont limitées, mais dont le goût de la dépense est illimité. Des auditeurs m’ont déjà écrit pour me signifier à quel point leur relation de couple était la source de la spirale d’endettement de laquelle ils étaient prisonniers. À ce moment, il faut s’entendre pour un niveau de dépense plus bas. Si un conjoint veut vivre dans le déni, l’autre paye la facture ou finit par marquer la fin de la relation.

Un jour, une dame me dit : « Je n’avais pas les moyens de me séparer, mais je l’ai fait quand même ». Voilà, la relation de couple devient parfois une prison économique où chacun souffre des obligations financières communes.

Avec l’augmentation des écarts de richesse, voici des questions devenant de plus en plus d’actualité. Quel âge as-tu ? As-tu des enfants ? En veux-tu ? Gagnes-tu 50 000 $ par an ? Parce qu’au-delà du frisson des premiers instants, il y a des factures à payer. Le couple est économique.

NDLR : l’emploi du masculin vise à alléger le texte.

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